Les lectrices et lecteurs de la première heure se souviendront peut-être que ça démarrait par une méditation morose sur "écrire". Ce qui suit est une espèce de genre de sorte de bidule qui s'intitulait à l'origine "INTRODUCTION". Comme ça n'introduit à rien de particulier mais que ça tourne un peu autour des mêmes obsessions que le premier texte rangé dans l'Appentis, eh bien.

La compil', donc.

Non que je me défile à l’idée de compiler … Mais ce n’est pas facile.

Ma sœur et mon beau-frère, qui me poussent dans les bras de l’écriture avec la même passion qu’il mettraient à me trouver un deuxième mari (beaucoup plus, même, à mon grand regret car sur ce chapitre je ne suis pourtant pas aidée de trop) m’ont commandé une compilation de tout ce que j’ai écrit jusqu’à présent, avec une seule contrainte (mon beau-frère est un oulipien distingué), mais double : d’abord ne respecter aucune contrainte, ensuite que cette compilation soit en même temps une longue digression.

Je ne sais pas si ma famille est au courant, mais la double contrainte rend les gens fous. Ça porte même un nom anglais : double-bind. Ça veut dire obliger les gens à faire des choix contradictoires. Un grand écart mental et psychologique, voire moral.

Me voici donc «imbécile, humilié  » avec ma compil-sans-contrainte autre que «zéro contrainte», digressante en diable et du coup, très dobeulbaïnded.

Or, côté fou, j’ai ce qui me faut.

Rappelez-moi à ce sujet qu’il faudra inclure dans ce … dans ce … on pourrait dire dans ce récit (mise à jour : on dira plutôt blog) mais on ne peut pas le dire là tout de suite, ce serait gonflé, il faudra inclure, donc, dans cette compil, mon récit sur le brindezingue du rez-de-chaussée.

S’il n’a pas trucidé un locataire avant.

A propos de victimes et de locataires, il y en a quelques-uns de ceux-ci que je verrais bien tomber sous les coups de hache du cinglé : celui du deuxième, par exemple. L’appartement juste en dessous du mien.

Figurez-vous que ce tartuffe mielleux et imbu de lui-même, qui a osé me reprocher, lorsque j’ai emménagé ici, de « racler mes meubles sur le parquet à cinq heures du matin », eh bien ce salopard non seulement fait des bruits bien plus pénibles que mes meubles raclés … Oui, bon, j’ai un peu raclé. Mais vous avez essayé d’emménager sans tirer les meubles ? On peut les soulever, mais toute seule c’est moins pratique. En outre, si j’ai raclé une seule fois à cinq heures, c’est bien tout.

J’avais du mal à dormir, j’ai voulu changer de lit mais le lit de secours était derrière la table, qui est lourde, et presque sous l’étendage à linge. Quand j’ai emménagé trois étages au-dessus du fou dingue, je venais de quitter un T5 de 110 mètres carrés pour un deux-pièces cuisine (sic transit …).

Non seulement il fait des tas d’autres bruits, mais en plus il chante.

Oui, le mec du deuxième chante, et à mon avis c’est sûrement par représailles. Déjà, c’est dommageable en soit, vu sa voix. Entendu plutôt. Sans compter qu’il attaque toujours la même chanson : « Avec ma gueule de métèque … », ce tube moustakien bêlé par deux générations de gratteurs d’occasion. Il s’accompagne, et sans s’attendre, me semble-t-il percevoir, sur une guitare de marque Ménastyl.

Il chante faux (le voisin, pas Moustaki – encore qu’on pourrait reprocher à ce dernier une tonalité parfois flageolante) ; il joue faux ; il massacre, il bute toujours sur la première mesure, un comble pour quelqu’un qui veut chanter une chanson. A ce train, on n’est pas rendus ! (Mise à jour : justement, mon voisin travaille actuellement sur «J’entends siffler le train», de Richard Anthony. Encore un train qui n’arrive pas ! Pire : il n’est jamais parti : le voisin n’atteint même pas jusqu’au verbe siffler).

Et pour finir, ce sale type tape (et c’est pas top). Tiens, là, tout de suite à l’instant. Deux coups, bien frappés, bien espacés, sonores, comme pour annoncer le début de la représentation. Un genre de brigadier qui ne connaîtrait pas la règle des trois coups.

(Mise à jour : coïncidence proprement austérienne, au moment que je retravaille ce texte, il a encore frappé deux fois tout comme décrit ci-dessus. Il a dû placer des caméras dans mon salon, c’est pas possible).

Arrêtons-nous un instant sur ce qui précède à propos de brigadier : ce petit bout de phrase anodin ne serait probablement pas compris par un lycéen de 2011, sans parler des générations futures. Pourquoi ? A cause du cadre de références, qui s’est tellement modifié que la moitié de ce que disent les gens de 50 ans and more n'est plus intelligible à ceux de vingt ans et moins.

C’est ainsi : beaucoup de nos jeux de mots pâlissent, deviennent diaphanes et finissent par s’évanouir irréversiblement dans la brume des anciens contextes réformés, quoi que j’aie voulu dire.

Résumé de l’épisode

Mon beau-frère et ma sœur ont de ces exigences …
Un de mes voisins tape et chante. L’autre voisin est potentiellement dangereux.
Les civilisations se succèdent et n’utilisent pas les mêmes codes.
Vous avez bien digressé ? J’en suis fort aise
Eh bien, compilez maintenant !
C’est mal barré. Il fait beau pour la première fois depuis octobre ou presque.

(Mise à jour : « il fait beau, etc. » écrivais-je pour conclure en novembre 2011. En fait, aujourd’hui, avril 2012, il pleut pour la première fois depuis un mois et demi).