Georges Perec réinventa les vœux. Dans ''l’Anthologie de l’Oulipo'' (édition Marcel Benabou et Paul Fournel, Gallimard 2009), on en trouve quelques-uns pas piqués des vers (si je puis dire).

«Vœux : il s’agit de petits textes, généralement fondés sur des variations homophoniques, tirés à une centaine d’exemplaires et envoyés à mes amis à l’occasion de la nouvelle année».

Ainsi s’expliquait Perec (page 445) .

Exemple (page 449) :

«Oscar Pettiford

- Tu as vu cet autocar !
- Il est vraiment minuscule !
- Je me demande quelle est sa marque ?
- Mais, voyons, c’est un Ford !»

(Solution : Oh, ce car petit ? Ford !)

Les vœux publiés dans l’Anthologie sont dédiés au monde du jazz.

On y trouve Keith Jarrett (Qu’est-ce ? J’arrête !), Lester Young (Laisse taire Jung), mais aussi Tell honni housse manque, Char lit par cœur, etc.

Evidemment, pareille maestria capillotractive donne envie de s’y coller. Et même si l’on n’a que peu de célébrités dans ses connaissances et qu’il n’est point l’heure des vœux, on peut au moins dédier …

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Elle s’est confessée à ce prêtre à cheveux rouges, réputé pour sa discrétion.
(Haruki MURAKAMI)

On comprendra facilement qu’il existe un lien direct entre la beauté chez un homme et l’âge de sa première expérience sexuelle.
(Botho STRAUSS)

Savez-vous que les moutons de pré-salé dont on se délecte dans les auberges normandes, en raison de leur taux d’albumine, préféreraient parfois brouter une herbe plus neutre ?
(Marcel DUCHAMP)

Dans une affection qui fonctionne un peu comme le syndrome de Gilles de la Tourette, chez certains sujets l’exaspération cause l’émission inopinée d’un gaz sonore.
(Marcel PROUST)

Sur une photo de René Char tout jeune, prise tandis qu’il pose au milieu d’une aire de battage dans la propriété familiale des Névons, on devine déjà sa grande taille et sa sévère beauté.
(Charles BAUDELAIRE)

De retour d’Italie, un aphasique énonce trois mots banals pour exprimer son admiration après la visite des musées turinois.
(Arthur RIMBAUD)

C’est un jeune homme vraiment pas gai, mais tous ses vêtements gris sont griffés Zara, c’est son dada.
(Tristan TZARA)

Et puis voici une dame dont l’audacieux accoutrement déclenche l’hilarité : une robe habillée, mais à sa ceinture une râpe à fromage …
(Robert RAPILLY)

Comme beaucoup de perroquets, celui-ci s’appelle Jacquot et ne sait dire qu’un prénom. Il s’égosille toute la journée à prononcer celui de la femme à Bérurier. Encore l’appelle-t-il par son diminutif.
(Jacques AUDIBERTI)

Ce sont deux flics inséparables qui font la ronde près du campement gitan.
(Eric Emmanuel SCHMITT)

Seul dans sa dunette, le matelot de quart essaie de ne pas céder au vertige qui lui fait apparaître les vagues comme des montagnes et leurs flancs comme de raides descentes.
(Virginie DESPENTES)

Une fille portant un de ces sous-vêtements à baleines censés aplatir le ventre, mais cousu dans une très belle étoffe de soie.
(Faïza GUENE)

Mis à l’écart du monde, réfugié dans un bistrot lyonnais j’imite le cri du cheval.
(Alexis JENNI)

Solutions ? ... Bon, c'est pas très difficile tout de même.

Solutions

A roux, qu’y mura Camille ?
Beau, tôt je trousse
Marre, sel du champ !
Marre, c’est le prout !
Char, le beau de l’aire
Art, Turin, beau !
Triste en Zara
Robe et râpe, hi hi
Jacquot dit : «Berthy !»
Eric et Manuel, "schmitts" (*)
Vigie, nid des pentes
Faille, sa gaine
A l’exil, j’hennis

(*) chez les manouches alsaciens un schmitt c'est un gendarme