A supposer qu'on me demande ce qu'il y avait d'intéressant ce soir au courrier, je préciserais d'abord, ce qui ne répond pas à la question mais nous y amènera pour peu que l'on patiente, que j'hésite toujours à ouvrir ma boîte à lettres en entrant dans le hall de mon immeuble, pour la bonne raison que le rez-de-chaussée d'icelui est affligé d'un locataire imprévisible, notoirement recevant des soins à l'hôpital du Vinatier, assertion que l'on comprendra mieux si l'on sait que cet hôpital figure dans diverses locutions ironiques chères aux Lyonnais, parmi lesquelles la plus explicite : «faut aller t’faire soigner au Vinatier, mon pôvre» informera le lecteur sur l'état mental de cet habitant du rez-de-chaussée aussi sûrement qu'un Parisien serait tenu au courant dudit état par la mention, certes littéraire et légèrement tombée en désuétude (mais tout de même, pour un certain nombre de personnes, encore suffisamment indicatrice) du Chabanais ou, pour faire plus moderne, de Charenton ; ou encore, un habitant de Bourg-en-Bresse par le conseil de s'aller faire voir à Ste-Anne et enfin – pour en finir avec cette énumération qui pourrait, en induisant un état légèrement obsessionnel, conduire son auteure précisément dans le premier des établissements cités – un Clermontois par l'accusation de sortir de Ste-Marie, cette dernière occurrence ne signifiant en aucun cas que ce citoyen de la capitale auvergnate aurait quelque chose à voir avec Jésus-Christ.

A supposer qu'on m'interroge ici plaisamment pour savoir si je n'essaierais pas de tirer un peu à la ligne, je répondrais sans barguigner qu'oui, et j'ajouterais que je ne sais pas ce qui me prend, vu que j'avais plutôt envisagé d'être concise et qu'en agissant ainsi, en y prenant de surcroît un certain plaisir, je manie dangereusement le paradoxe car mon premier propos risque de se perdre comme se perdait le Doubs, lors de mes voyages scolaires d'enfant, dans le calcaire franc-comtois ; disparition pour rire puisqu'il finissait par ressurgir un peu plus loin, imprimant aux écoliers que nous étions à la fois la souvenance du substantif «résurgence» qui figurera longtemps dans notre panthéon géographique, et l'anecdote inséparable de cette découverte qu'il s'agissait en l’espèce d'une résurgence et non pas d'une source nouvelle, à savoir le dévers dans les eaux du Doubs, en amont de sa perte – puisqu'il faut qu'il y ait premièrement perte pour qu'on puisse parler de résurgence et je vous demande au passage de méditer ceci – de plusieurs tonneaux de l'anisette Pernod lors de l'incendie de l'usine éponyme riveraine, liqueur qui instantanément troubla les eaux d'amont et révéla, par la couleur opalescente et le frais parfum d'apéro que prirent quelque temps plus tard les eaux surgissant en aval d'un cours d'abord nommé rivière Loue, la continuité d'un réseau hydrographique dont la richesse n'est plus à prouver, anecdote dont je m'aperçois en la citant qu'elle occulte dans ma mémoire le fait de savoir si la Loue ne serait pas, au final, une rivière à part entière et non le Doubs qui s’enfouit pour ressurgir ou l’inverse, bref je me suis une fois de plus paumée dans le sous-bois jurassien.

A supposer que l'on me prie sans ambages de revenir à mes moutons en précisant au passage l'idée de paradoxe, je répondrais en essayant cette fois de me presser un peu, le rythme de mes doigts sur le clavier passant d'une bossa nova pépère à quelque chose comme le bégaiement d'une nova non bossa dans un trou noir juste avant une explosion cosmorgasmique – ciel, qu'on me délivre de ce merdier – je répondrais hâtivement (mais hâte-toi donc, bourrique, et cesse de digresser) que je n'y peux rien de rien, cette logorrhée (scriptorrhée ? vérifier) ayant surgi dans mon esprit et s'évacuant à présent sin vergonha (merdum, pas plus de tilde sur mon clavier que d'orchidées pour Miss Blandish) par le bout de mes doigts en raison de ce que j'ai trouvé ce soir dans ma boîte à lettres et qui justifie l'amenage du présent paradoxe M’sieurs-dames car, au lieu d'exposer ce qui précède, j'avais prévu de m'asseoir devant la machine qui, à la plupart de celleux (1) qui se mêlent d'écriture au sens non comptable du terme, tient lieu de stylo, pour simplement composer illico quelque chose de court et percutant qui répondît ou tentât de répondre (j'affectionne tellement le circonflexe typographique, ce petit signe suspendu par une touche dite muette au-dessus de la lettre qu'ensuite il vient coiffer, clic, par l'opération du St-Esprit lorsque vous frappez cette dernière sur le clavier, que j'écris à l'imparfait du subjonctif juste pour en parsemer mon discours) à l'envoi, ouf, en question, et qu'il est donc paradoxal d'avoir déjà pondu pour cela trois paragraphes étouffe-chrétien dont le dernier interminable, paragraphes qui peuvent apparaître discutables tant dans leur forme que dans leur propos, mais que j'ai le culot de trouver sur le moment plutôt pas mal gaulés, attaquée que je suis par une de ces crises inexplicables et peut-être injustifiée en l'occurrence, mélange d'autosatisfaction et d'euphorie suspecte bien connu des gens qui se mêlent d'écrire le dimanche et y succombent parfois – ceci permettant peut-être de les distinguer de ceux-là, des gens qui écrivent aussi la semaine, veux-je dire, enfin : les écrivains – oui, y succombent parfois.

A supposer qu'on me supplie maintenant de venir au fait et pour commencer, de déblayer le terrain en expédiant avec concision l'histoire du voisin fou, je rétorquerais que c'est impossible car tout est lié et qu'il me faut bien trouver le sens du fil dans cette assiettée de spaghettis, et commencer par dire que j'ai failli ne pas trouver ce soir l'envoi objet du présent récit, étant donné que j'hésite toujours (vous voyez comme ça revient bien au point de départ) à ouvrir ma boîte à lettres en entrant dans l'immeuble, en raison de l'humeur instable du toc-toc ; humeur qui risque de se charger de nuées menaçantes si le moindre bruit se fait dans le hall, au point que l'ensemble des habitants d'ici, ayant eu l'une ou l'autre fois affaire au bizarre-man, a tôt fait d'adopter des habitudes propres à éviter de provoquer son ire, ce qui fait que les dix ou douze locataires du 71 circulent toujours à pas étouffés dans les parties communes (je vénère cette expression) quand ils n'ont pas poussé la précaution jusqu'à l'acquisition de chaussures à semelles crêpe (hop, encore un) ; qu’ils ont accoutumé de serrer leur trousseau de clés au creux de la main pour en étouffer le tintement et qu’ils s'engouffrent, qui dans l'escalier, qui dans l'ascenseur, sitôt (hop) la porte d'entrée en train de se rabattre afin de ne plus se trouver dans le hall lorsque celle-ci termine sa course vers la fermeture en produisant un «clanc» métallique de si forte intensité que je devrais plutôt le typographier avec une police de 18, en majuscules et en gras, comme ceci par exemple CLANC !!, vacarme répété ad libitum puisque chacun de nous entre et sort chaque jour le nombre de fois nécessaire à ses activités, nombre insupportable pour les oreilles du pauvre dément, et on le comprend, ce qui m'amène tout soudain à me demander s'il n'y aurait pas là une relation de cause à effet.

A supposer que l'on me fasse en pantelant remarquer la ténuité du lien entre la porte, la boîte à lettres, le foldingue, l'enveloppe trouvée et la suite, je rétorquerais qu'il est plus consistant, ce lien, qu'il n'y paraît : en effet si, entrant dans l'immeuble et causant par là le CLANC !! fatidique, j'agite par-dessus le marché mes clés en ouvrant ma boîte à lettres, laquelle hélas, comme dans bien des immeubles récents, correspond maintenant à la norme postale ; c'est-à-dire qu'elle est constituée non plus d'honnête noyer patiné (comme ces armoirettes alignées au mur des vénérables allées d'immeubles du centre ville, allées dans l'entresol desquelles, de surcroît (j'ai arrêté le comptage des trucs, là ^) on pouvait lire, jusque dans les années quatre-vingt, imprimée en blanc sur un panneau bleu émaillé, l'énigmatique recommandation suivante : «Messieurs les locataires sont priés de ne rien secouer dans l'escalier», l'ensemble procurant à votre retour au logis un contexte agréable et familier grâce à l’intime susurrement de la clé dans une serrure huilée, suivi par le modeste claquement du portillon de bois ciré, chaque porte de boîte émettant un son propre qui permettait de savoir à coup sûr si c'était Mme Duchosoix qui venait de prendre son courrier, ou plutôt M. Schmuirm ; sans compter, pendant l'ascension tranquille dans le volume silencieux, sonore et recueilli des spacieux escaliers aux marches de pierre usées en leur centre, la pause à l’entresol situé, comme dans tous les immeubles dont le proprio radin a voulu échapper à la législation sur les ascenseurs, au niveau d’un 2e étage bien sonné, pause au cours de laquelle on sacrifiait au rite de la lecture amusée du panneau bleu avec un léger fou-rire retenu et concomitant aux images paillardes, absurdes, réjouissantes et un chouïa évocatrices du titre célèbre d'un roman érotique publié en 1907 par un certain G.A., que faisait surgir cette injonction (fin du plan nostalgie), mais hélas disais-je d'une case mesquine incluse dans un ensemble inesthétique formé d'un cadre métallique percé de ses dix ou douze médiocres portes carcérales, d'où il s'ensuit qu'en ouvrant puis refermant cette boîte j'inaugure une suite de cliquetis, grincements, raclements qui n'ont rien de cristallin mais ne serviraient qu'à exaspérer l'asilaire potentiel s'il ne l'avait été déjà par la porte d'entrée, puisqu'il s'est permis un jour, pour ce motif, d'interpeller rudement une voisine en l'accusant de «foutre le bordel avec ses clés» et que les locataires du 71, informés de cette agression décrite par la dame comme violente et quasi physique (à ce stade de son processus narratif on percevait une certaine dolence car l’agité du rdc, nonobstant ses troubles psychiatriques, n’est pas dépourvu d’une espèce de beauté) les loc., donc ont illico inscrit dans leurs bonnes pratiques, outre les semelles silencieuses et le serrage des clés dans leurs menottes, celle de regarder leur courrier non pas en arrivant chez eux, mais en partant, ce qui inverse la séquence sonore et laisse espérer, l'attention du zinzin n'étant d'abord sollicitée que très modestement par les bruitages des clés de boîtes, de pouvoir se tailler avant que le CLANC !! de sortie retentisse et que le foldingue ne surgisse de son studio comme un coucou suisse d’un coucou suisse, bien que l'action de prendre son courrier dans ce sens-là soit plutôt gênante puisqu'il faut ensuite le trimballer avec soi dans ses activités extérieures, le lire dans le métro ou dans la rue au risque d'en perdre la moitié et de retrouver trop tard au fond de votre sac l'avis de passage du facteur pour la recommandée des impôts coincé sous une réclame pour le rayon charcuterie de l'hypermarché du coin.

A supposer qu’à présent le lecteur se roule par terre en criant qu'on abrège ses souffrances, lecteur qui a dû plutôt emprunter prudemment la tangente dès la ligne 12, ce qui m'autorise maintenant à peu près n'importe quoi, j'infligerais à quiconque demeurerait encore ici, les feuillets à la main, la démonstration dans sa totalité et reprendrais mon propos là où je l'ai laissé, le temps de numéroter les subordonnées, incidentes et autres coordonnées («l'immense armée des Propositions ...» (2) et de remonter dans ma lecture pour voir où, bordel d'engeance, je l'ai nom de dieu laissé, mon propos, à savoir : si j'avais suivi le protocole en vigueur au 71, protocole dont se défendrait énergiquement n'importe lequel des loc. si vous l'interrogiez à ce sujet mais que je certifie observé scrupuleusement par chacun puisque, pour ce qui est de prendre mon courrier dans ma boîte, je me suis contentée d'observer et d'imiter les anciens, en quoi j'ai sagement résolu, la bête sauvage étant restée jusqu'à présent tapie dans son antre, et là je ne développerai pas sur l'occasion qui m'a pourtant été donnée de l'apercevoir par deux fois, sans qu'il m'arrivât, je dois en convenir rien de fâcheux, ce qui tendrait à prouver que la bête n’est du Gévaudan qu’autant qu’on la gévaudanise, si donc j'avais suivi ledit protocole, j'aurais pris la sus-décrite enveloppe (ah, non ? je ne l'ai pas encore décrite ?) en partant ce matin ; dès lors, emportée par des activités municipales que je considère tantôt comme d'une importance raisonnable tantôt, d'humeur plus pascalienne, comme futiles, j'aurais sans doute vu se perdre, comme les eaux à jamais dans ma mémoire fortement anisées du Doubs ou de la Loue (ou de la Loubs, du Doue, de l'Oups ou de la Bloue) bref, mon intention première qui était de torcher rondement un petit opus (on voit ce qu'il en est !), à l'adresse de l'auteur de ce qui se trouvait dans l'enveloppe, mais là je sens bien que j'écrase la pédale, que la pente s'accentue et je me vois maintenant rouler vers l'abîme de la conclusion sans qu'aucun frein ne réponde plus pas la moindre parenthèse plus une note en bas de page la seule proposition principale dévalant l’à-pic à tout berzingue … Mon royaume pour un tiret !! – fonçant vers le point final comme un wagonnet ivre détaché du train horreur et ténèbres intention qui même si elle avait ressurgi ce soir n'eût sans doute pas été identifiée comme telle et se fût peut-être diluée dans quelque note technique sur la gestion des établissements publics d'enseignement primaire ou les périmètres scolaires de Lyon intra-muros au lieu de quoi, même si je me retrouve – alléluia le frein moteur a fonctionné – bien incapable de mettre en œuvre mon projet premier, je l'ai encore bien en mémoire, oui.

Garons-nous sur le bas-côté.

A supposer qu'à ce stade le lecteur, étant parvenu à me maîtriser physiquement, à m'arracher les doigts du clavier et le cul de mon siège, me ligote sur une chaise aux fins de me faire avouer, le lecteur donc, resté jusqu'au bout et maintenant condamné au statut de meurtrier potentiel et imminent (les titres dans la presse ! «Elle prenait trop de détours pour raconter son histoire, le supplicié lui écrase la tête sur le clavier au moyen du Nouveau Petit Robert de la langue française, édition 2010, rabat l'écran et s'assoit dessus» ou encore : «ne supportant plus d'attendre pour connaître la fin, il lui inflige la sienne») réussisse à ce que j'extraie, tout de même, un peu de suc de cette interminable … de cette interminable … on pourrait dire : de cette histoire, j’en cracherais le morceau, du moins une partie du morceau, en expliquant que l'enveloppe contenait un truc si fendard, si beau, si bien fabriqué, si rigolo dans ses inventions première et dernière que je l'ai lu debout dans la cuisine sans même avoir posé mes paquets, imitant en ceci le client de «Cosmétique Princesse» (3) qui, le dimanche matin, montait à la passe rue Ste-Catherine, vu l’urgence de ses glandes plus toutes jeunes, avec sa filoche remplie des courses que l'avait envoyé quérir sa bourgeoise et se faisait pratiquer vite fait, debout contre la porte (à l'intérieur bien sûr) de la chambre numéro 1, la plus proche de la réception, sans lâcher ses commissions (rôti ou gigot, brioche ficelée dans son papier gras, peut-être une botte de radis …) ni déboutonner, de son manteau et du reste, que le strict nécessaire ou encore, pour user d’une comparaison moins triviale, comme mange mon copain Thierry selon sa propre formule, lorsqu'il rentre du travail et qu'il ne supporte pas, horriblement affamé qu'il est, l'idée de passer par l'étape d'une préparation de repas : «la tête dans le frigo».

A supposer que la plus grande partie de ce qui précède ne soit qu'un mauvais rêve et qu'on me demande, d'un air dégagé et sans redouter la suite, ce qu'il y avait d'intéressant ce soir au courrier, je conviendrais que le paradoxe que j'essaie d'éclaircir depuis la page 1 en dépit, je le fais remarquer sans acrimonie, d'incessantes interruptions, réside précisément, une chose entraînant l'autre, dans cette suite d'actions en apparence contradictoires mais au fond reliées par une logique hélas comprise de moi seule et encore, pas complètement : d'abord prendre connaissance avec une belle voracité du contenu de l'enveloppe ; s'ébaubir et se battre les flancs de joie et d'admiration ; ensuite se ruer sur l'ordinateur pour, en quelque sorte, répondre à l’auteur de cet envoi épatant avec la même violence amicale qu'on causerait à quelqu'un en lui coupant la parole, non par impatience, mais de pur enthousiasme et en proie à un sentiment d'urgence infrangible, taraudant, pour me trouver enfin, deux plombes plus tard, ayant oublié père, mère et mon paquet en consigne, littéralement en train de m'adonner, au sens le plus sensuel du terme, à la narration d'un truc qui n'a rien à voir, après avoir eu, comme si ça ne suffisait pas, le front d'adopter prétendument la contrainte d'un à supposer, contrainte immédiatement foulée aux pieds – ou plutôt aux doigts – pour composer au final tout autre chose que ce que j'avais prévu, essayant parfois de me rattraper aux branches, tombant et retombant, haletant, trébuchant, ne cessant de vouloir numéroter mes abattis pour mieux choir encore, rouler, dégringoler, valdinguer vers la fin de cette histoire sans queue ni tête (à l’instar, supposons-nous, de l'aliéné d’en bas, du moins en ce qui concerne la partie capitale de cette plaisante locution), paradoxe de la lecture vorace et de l'écriture sans fin, fulgurance de l'idée première totalement délitée, et qui aurait pu, pourrait, peut s'énoncer comme suit : ayant sorti de l'enveloppe dont il est question depuis maintenant plus de trois heures, au passage intriguée par l'écriture que je reconnaissais parfaitement sans pouvoir cependant lui mettre un nom sur la figure - locution à inscrire séance tenante au lexique georgettien (4) - du fait que le scripteur, pourtant fort connu de moi, utilise plus communément le clavier que le stylo, puis découvert avec ravissement ce charmant libretto (je ne l'étais pourtant point encore tout à fait, ravie ; j'allais l'éprouver dans la seconde, ce que ça faisait d'être totalement ravie par une lecture), ayant lu enfin comme on aspire d'un seul long trait une boisson fraîche au moyen d'une paille de laquelle il est impossible de désolidariser les lèvres une fois qu'on a commencé, les délicieux, déjantés, totalement foutraques, tellement tirés par les cheveux en effet que la dame Brunehaut – à moins qu'il ne s'agît de Brunehilde - bref, une de ces beautés médiévales ballotées nues derrière le cheval de leur sanguinaire mari, la chevelure servant d'amarrage à la queue du bourrin puis bientôt de scalp à leur seigneur et maître, la pauvre créature, donc, ne subirait en comparaison qu'un délicat massage du cuir chevelu, mais tellement peaufinés, si miraculeux en leur forme ramassée dont certaines bonnes femmes dactylo-maniaques devraient bien s'inspirer, mais aussi divers, variés, multi-pétaradants, propres à engendrer tantôt sourires, tantôt pouf, pouf, ha ! ha ! éclats, interjections répercutées dans ma cuisine solitaire, lisant debout sans préjudice d'une relecture future et au mépris des miaulements d'abord discrets, puis insistants et maintenant tout à fait étranglés d'indignation d'un chat point encore nourri et qui constate une fois de plus avec amertume que littérature et poésie ne font point son bifteck, lisant et relisant les élégants, miraculeux, parfaitement ajustés, cousus et rabotés quoiqu'il en eût, les sacrément foutrement bons quatrains & calembours dédicacés de Maître Robert Rapilly, ses VŒUX 2010, auxquels que, où, quand et comment, répondre ?

A supposer («Allez, allez, de grâce !») qu'on m'ait posé en toute dernière fin, d'une voix exténuée dont la trémulation révèlerait l'état très au nord-ouest de l'Ohio de son propriétaire, cette ultime question (que où quand et comment), je dirais que la seule façon n'était pas, comme j'en avais eu le projet insensé en commençant ici, par un quatrain contenant le titre Xylipolexe au riXqsue d'yl AïSSRE laisser m ap Eau hips ma peau car choisir la difficulté à ce point est par trop casse-gueule, mais que faire en cette demeure puisqu'il s'est déjà emparé du Gestomètre http://zazipo.net/Le-gestometre, qu'il s'est servi, le bougre, après nous avoir tous régalés avec sa maestria nonpareille au gré de cette palanquée de «quatrains imparables» (5), mais plutôt, sans essayer de provoquer le maître sur ce terrain à mes laborieuses godasses par trop impraticable, d'aller mon chemin sans prendre le plus court et de lui dédier, dans les circonstances que je viens de décrire avec sobriété,

cette histoire ainsi surgie,
sans que la parenté entre les deux ouvrages
puisse sauter aux yeux du généalogiste
même le plus obstiné.


Lyon, janvier/mai 2010



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(1) Celleux : voir le MAMGP (Manifeste pour l'Abolition du Masculin Grammaticalement Prépondérant), texte sur demande

(2) "l'immense armée des Propositions" est un exemple tiré de Paul Valéry, cité dans le Nouveau Petit Robert 2010 de la langue française

(3) Cosmétique Princesse : nouvelle à publier

(4) Lexique georgettien : ouvrage familial qui collecte les tics langagiers, inventions et autres régionalismes collectés de mémoire dans l’expression habituelle de Georgette Basset, native de Châtillon-sur-Chalaronne (tradition orale)

(5) "Quatrains imparables" : Jacques Jouet, préface au Xylipolexe, in La Nouvelle Revue Moderne n° 21