1950 et quelques :
Une société de conserves d’Europe du Nord invente le légume surgelé.

1960 et quelques :
Une société française fabriquant des glaces, filiale d’un des principaux groupes agro-alimentaires mondiaux basé au bord d’un grand lac, se diversifie et commence à commercialiser des légumes surgelés européens du Nord.

1970 et quelques :
La société d’Europe du Nord fusionne avec la société française sous le contrôle du gros groupe du bord du lac.

1990 et quelques :
Le gros groupe, qui souffre d’obésité, cède la marque de surgelés à un groupe financier d’Europe encore du Nord.

2000 et quelques :
La marque est rachetée par un fonds d’investissements situé un peu plus au Sud-Ouest, en face du Cotentin.

2005 et quelques :
Nouveau tour de passe-passe, le fonds d’investissements est racheté par un autre fonds d’investissements situé dans le même pays.

Un peu avant 2010 :
Le nouveau fonds d’investissements devient A-Group

Vous comprenez pourquoi A ne fabrique plus lui-même ses plats surgelés : en soixante ans, il a revendu tous ses ateliers, lourdé tous ses personnels – bref, viré tout ce qui coûte cher – et se contente maintenant d’exploiter la marque «A» dans un immeuble de bureaux, en faisant fabriquer par d’autres, dans une complexité de chaînes, de circuits et de recherche du moindre coût qui ont pour résultat que l’âne court aux côtés du zébu dans la même catégorie et que plus personne ne contrôle plus rien.

Que A soit passé d’une logique de production modeste et maîtrisée – là-bas, tout au fond de l’Europe du Nord, où son usine d'ailleurs faisait vivre des gens – à une logique purement financière, c’est son droit le plus strict dans le monde merveilleux qui est le nôtre aujourd'hui.

Mais personne n’est obligé d’acheter des produits de la marque A.

Personne n’est obligé non plus de bouffer du zébu, pardon : de l’âne.

Vous comprenez ? Vous êtes libres.

Quelle sensation enivrante ... Un truc à aller courir avec les zébus dans la prairie …