Quittons les rives cloacales de la Macro European Raving & Disgusting Economy, laissons derrière nous les marais méphitiques de l'information continue, et occupons-nous de choses intéressantes.

Le titre de ce billet ne doit rien aux contre-performances du XV de France, dont c'est paraît-il le point faible (le jeu au pied) bien qu'avec les mains, ils ne soient pas non plus au mieux de leur forme ces temps-ci.

Non, la mention du pied visait tout simplement à vous présenter Lucie, podologue.

J'ai fréquenté, dans ma vie souffrante-des-extrémités (oui, la tête aussi), un certain nombre de pédicures qui ne m'ont pas laissé que de bons souvenirs. En particulier, dans une bourgade de l'Allier, une robuste fille de ferme aux joues de pommes d'api, à la blouse trop pleine et dont la prestation joviale s'apparentait à un interrogatoire musclé en me permettant, par la suite, de connaître la différence entre avoir simplement un ongle incarné et souffrir par tous ses orteils rougis.

C'est pourquoi la podologue à laquelle je dois, depuis bientôt dix ans, de marcher sans penser à mes arpions (j'aurai à revenir sur ce miracle professionnel en apparence modeste, mais qui doit beaucoup à un art et se trouve renouvelé toutes les six semaines par cette praticienne hors-pair) méritait une chronique, par moi méditée depuis quelque temps et qui s'est élaborée tout doucement, comme s'élabore l'eau minérale dans le silence de la roche : par filtration et décantation successives jusqu'à ce que je me dise (j'ai toujours eu l'esprit un peu lent) : bon sang, faut que j'écrive quelque chose sur elle !

Professionnelle capée, Lucie est une personne d'une vivacité, d'une joie de vivre communicatives ; c'est une intelligence avec des outils pointus dans les mains, par surcroît un peu artiste, bref j'arrête là sinon elle va rougir.

Oui, car outre les qualités déjà citées, cette personne complète qui pratique les soins et l'orthèse plantaire avec la même passion que je mis, à certaines époques de ma vie, à vouloir éduquer des adolescents (j'agissais moi aussi par séquences de six semaines), se dit fan de l'A.S. et elle le prouve en commentant les billets en vieille routière de l'Appentis.

C'est ainsi que Lucie (je lui dois bien au moins un prénom) me fait du bien non seulement aux pieds, ce qui est déjà ENORME, mais aussi à l'âme - "Je pense, mi amigo, la maladie n'est pas seulement dans corps mais dans cette partie habituée à être appelée : l'âme" - Dr Vigil dans Au-dessous du volcan, Malcolm Lowry, tant il est vrai qu'on écrit souvent pour être lu-e. Pas toujours mais des fois.

Il faut préciser - ainsi vont les affinités - que depuis le premier rendez-vous nous avons trouvé spontanément maints sujets de conversation dont il serait trop long de donner la liste ici, mais tout de même, à titre d'échantillon : l'éducation des enfants ; l'école et la pédagogie ; la politique locale ; des dérives intégristes de l'église catholique ; la musique, la pratique des arts (sculpture, cinéma, théâtre) ; la littérature et la poésie... On s'est aussi raconté nos vacances et c'est là que les Athéniens s'atteignirent et que nous passâmes le petit braquet pour attaquer les cols tout en faux-plat de l'Oulipo (1).

Les pieds d'un patient qui vient de recevoir des soins de qualité sont comme des ustensiles neufs qu'on lui aurait branchés au bout des chevilles à la place des vieilleries avec lesquelles il est arrivé. Vous étiez perclus-e, vous repartez monté-e sur élastique ; vous nagez douillettement dans des chaussures qui, à l'aller, pouvaient vous être insupportables ; vous sentez chaque poil de vos chaussettes sans que leurs coutures vous blessent. Vous grandissez même peut-être d'un petit centimètre, tant l'équilibre podologique amène la rectification de la posture. Bref : si le praticien est compétent, une personne neuve arpente la rue au en sifflotant au sortir du cabinet de podologie.

Or, tandis que l'état de mes panards s'améliorait sensiblement, nous échangions sur nos passions littéraires. Je me vis prêter "Ensemble, c'est tout", un pas mauvais roman du tout de Gavalda, et je laissai en dépôt El Capitan, récit poético-alpiniste d'Olivier Salon. Je lui présentai ce que je savais de l'OuLiPo, c'est-à-dire pas grand-chose au regard de la profusion des oeuvres de ces messieurs-dames, mais tout de même un peu plus que ce qu'on en apprend à l'école, et je lui passai quelques liens.

Insensiblement, chaque consultation podologique devint salon (sans jeu de mots) et pour finir, mettant de côté scrupules et modestie maladive, j'avouai écrire dans un blog. La podologue-lectrice avisée eut la bonté de me communiquer quelques observations fines.

C'est ainsi que, lors de notre dernier rendez-vous, pour le prix de la consultation et des soins (déjà un des meilleurs rapports qualité/prix de la profession), Lucie-la-podologue devint aussi co-productrice invitée de l'A.S. en me proposant quelques suggestions.

La première - aussitôt adoptée, et qui aurait déjà franchi le portillon s'il n'y avait pas eu consécutivement quelques délais indépendants de notre volonté, comme la grippe et l'affaire A-B-C, consistait en ce que soit explicitée la signature "L'AS".

Alors voilà : A comme Appentis, S comme Saucier. Oui, ça semble sauter aux yeux mais ça ne sautait pas si haut que ça, puisque plusieurs personnes en lisant "L'AS" ont compris "l'As", comme dans le film avec Bébel.

Ceux qui me connaissent n'auront pas été jusqu'à penser que je me livrais à un exercice couélien d'auto-surestimation, mais ça y ressemblait tout de même un peu.

Bon, ça c'est fait, comme disait un de mes anciens collègues en s'attaquant à la 201ème tâche de la journée. Pour éviter toute confusion avec un gonflement de la tête, ce blog sera désormais signé A.S.

La deuxième suggestion de Lucie est particulièrement futée, car elle me permettrait de compter mes lectrices-teurs (à ma connaissance au nombre de quatre ou cinq) par le biais d'un exercice justement qualifié d'oulipien. En plus, c'est une suggestion en forme de portes ouvertes, et cela aussi lui ressemble.

JEU !

Ma co-productrice et moi avons donc l'honneur et l'avantage de demander à chaque lectrice-teur de l'Appentis Saucier de bien vouloir, si ça lui dit, se présenter ici. Non pas par ses noms et prénoms, ce qui serait indiscret, mais selon la bonne vieille technique du portrait chinois (si c'était ... ce serait, etc.). Ajoutons une contrainte pour faire bon poids : présentation en 4 lignes maxi ? Et une autre en option, tiens, pour celleux que ça brancherait : en alexandrins, hi-hi. Tout le monde joue, même et surtout celles qui ont inventé le jeu.

Ah oui : pour écrire, cliquez ici en bas sur "commentaires" et déposez votre portrait dans la zone prévue à cet effet ! L'ensemble des portraits sera republié dans un billet equ'sseprès conçu pour ça.

Dans l'attente, etc.


(1) Pour mieux comprendre, savoir que l'A.S. a passé chaque été depuis 2007 quelques semaines d'été autour et au fil du Festival Pirouésie http://www.pirouesie.net/ - ne vous inscrivez pas en masse, c'est bientôt complet.