N'avez-vous point encore lu les billets n° 40 à 42 ci-dessous ? Vrai ?

Sinon ==> Résumé des épisodes précédents

Un sultan qui s'ennuie puis ne s'ennuie plus ayant entre temps acheté un cheval exceptionnel mais qui ne parle pas le serviteur du sultan inquiet voudrait résoudre le pb et pense que des religieux pourraient faire parler le cheval il les amène au palais les deux premiers échouent et se font zigouiller par le sultan énervé du coup le 3e religieux réfléchit... Pfffff, allez donc lire les billets précédents, un résumé jamais ne remplacera le texte intégral.


Le troisième homme de foi eut bientôt échafaudé un plan en trois points, ce qui, chacun le sait, garantit le succès de tout plan. Ce religieux, qui se piquait de philosophie, aimait l’image infaillible du trépied ; il aimait aussi les chiffres, le sens caché des choses, la symbolique.

Premier point de son plan, il n’attendit pas qu’on le fît chercher. Il devança l’appel et demanda qu’on le conduise au sultan sans tarder.

Le prince était morose. Il rechignait à tuer sans nécessité et il lui en avait coûté de sacrifier deux hommes, deux religieux qui plus est. Si Dieu se vengeait sur son cheval ? Le sultan accueillit donc la demande avec soulagement. Ce troisième religieux serait-il le bon, aurait-il une idée valable ?

En effet. Deuxième point du plan, le religieux réclama et obtint sur le champ que l’audience se déroulât absolument sans témoin.

- D’abord, Prince, sache que je ne crains pas la mort. En effet, la mienne est certaine si je ne réussis pas, elle est tout aussi assurée si je réussis. Il n’y a donc pas lieu de se perdre en apeurements, tout n’étant qu’une question de temps. Ainsi donc, pas de place à l’incertitude, mère de toutes les angoisses.

- Tu t’exprimes en toute sagesse. Continue.

- Pourquoi veux-tu que ton cheval parle et jusqu’où es-tu prêt à aller pour y parvenir ?

- Pourquoi, cela me regarde. Tu parles bien, toi. En quoi mon cheval te serait-il inférieur ? Quant aux moyens que je suis prêt à y mettre, considère qu’ils sont illimités. Qu’as-tu à me proposer maintenant ?

- J’allais y venir. Si mes collègues ont pu être assez stupides, l’un pour refuser un service à un aussi grand prince que toi (léger salut de la tête de la part du sultan), l’autre pour s’imaginer qu’une nuit de prière suffirait à donner la parole par miracle à ce magnifique équidé, ils ont signé leur arrêt de mort. Je sais, ce n’est pas très charitable de parler ainsi, mais franchement, Prince ?

- Tu dis juste. Au fait, au fait : ton plan ?

- Le voici, en trois points (ce qui fait huit ou neuf points au total dans l'histoire - N.d.l.r - suivant que l’on considère le plan dans le plan ou simplement la succession des points) : d’abord, il me faudra trois années pleines à compter de ce jour, pour parvenir à enseigner la langue humaine à ton cheval. C’est un apprentissage ardu, il y faut de la patience et de l’acharnement, mais enfin, dans trois ans ton cheval te lira des contes le soir pour t’endormir.

- Ah, puisses-tu dire vrai ! Trois ans … Qu’est-ce que trois ans si, pour le reste de mes jours, je puis m’entretenir avec mon merveilleux cheval ? Accordé. Point deux ?

- Point deux : j’aurai besoin de … (suit une liste interminable d’ustensiles, instruments de mathématiques et d’astronomie, sextants et astrolabes ; livres introuvables et manuscrits mermortiens ; ingrédients tous plus rares les uns que les autres, racines, feuilles réduites en poudre, mandragore, eau lustrale, lait d’ânesse, pistils de safran non brisés, or précipité en plomb ; objets dont l’accumulation aurait pu sembler farfelue mais que le sultan, entièrement tendu vers son but et subjugué par l’affaire, s’empresserait de procurer au religieux).

- Tu auras tout cela. Tu as dit : trois points.

- Ah oui. Tertio, le cheval et moi serons installés dans l’aile Est du palais, et nos appartements tournés vers le Levant (ce dernier point n’avait absolument aucune importance, mais le religieux philosophe tenait à son trépied et n’avait pas eu d’autre idée pour le troisième point du deuxième point, là, dans l’urgence).

- C’est déjà fait. Tu es mon homme et si tu réussis, il n’y aura pas quantité d’or assez astronomique pour te récompenser. Je te donnerai mon sultanat, tiens.

- Je n’en aurai pas besoin, ô Sultan, répondit plaisamment le religieux. T’avoir rendu service fera mon bonheur (car avoir la vie sauve était pour lui, comme on peut le comprendre, un bonheur nécessaire et suffisant).

Le troisième point du plan était précisément, par la déclinaison d’un plan en trois points, de s’assurer la confiance du sultan en lui offrant un espace de rationalité où loger ses rêves, et d’obtenir, ainsi, un répit. En cela, il avait pleinement réussi.


Il semble bien maintenant que le billet n° 44 verra la fin du conte... Ma... Chi lo sé ?