Quel plaisir, en ce gibouleux week-end de l'Ascension, de voir planer les avions qui se sont posés dans notre grand jeu "Qui veut faire l'avion ?" lancé dans le billet 61...

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D'abord, c'est un honneur de commencer la publication par un poème aérien de cette bonne vieille Alberte, une intro qui passe le mur du son en faisant "BOUM !" comme dirait un critique contemporain. Et un style légèrement inspiré, semble-t-il, de Robert Rapilly, alias "Le Chirurgien de la diérèse"...''

Le dimanche 28 avril 2013, par Alberte Lagrinche

AVION abréviation d'AbréVIatiON ?

Regardez, écoutez :
ŒIL est l'avion d'OrEIlLe.

Œil avion d'oreille,
défaillant l'appareil ?
Non si, dur de la feuille,
le biplan rime à l'œil.

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Ensuite, jubilation non-pareille de voir notre fidèle Podo décoller sans peine, atteindre rapidement 10 000 pieds (!) à l'aide d'une contrainte 'achement sophistiquée, une vraie piste d'envol :

Le mardi 30 avril 2013 par Lucie-la-podo

«Voici mon avion de "Les trois lumières" de Claire Keegan avec comme contrainte un mot par page : celui dont la position correspond à la page (je retourne à la ligne à chaque chapitre, les pages non numérotées ne donnent pas de mots)».

«Voici donc :

Truies

Clonegal oiseaux les papa landau souffle Tu crâne a prévue de grille
de l' commode - quoi ? toutes pierre enfant me l' plus en la pas boîte celui me
mais on
de peu ouvrir qu' La boucher ne ai pendant d' finiras pour là-haut jusqu'à étonne qui la enlevé à sur Kinsella sentir la
boîtes pars Elle
passe regarde cheveux je
a le chiens ça entre -Je microbes qu' Ses.

Je ne suis pas sûre que toute la beauté du texte transparaisse dans cette abréviation... Je recommande en effet cette très belle traduction de Jacqueline Odin»

Mais chez l'Appentis Saucier, on est sûre que c'est un poème-avion (bis repetita : la poésie naît de la juxtaposition aléatoire).

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Enfin, nous avons le plaisir de laisser à Mr K le(s) mo(s)t de la fin. D'abord, la maison K vous en donne plus : pour un avion, le 2e gratuit !

1er zinc :

Voici un aperçu depuis un hublot de ce long-courrier :

COUDE BLANC
polar olécranien

Chapitre 1

Bertha referma la porte et avança vers moi, les yeux brillants de rage.

- Donald je suis à bout.
- Pourquoi ?
- Il a aligné cinq billets sur mon bureau.
- Je vais le voir, dis-je. (...)

Pourquoi cet avion de "Cousu de fil blanc" est-il qualifié "d'olécranien" ? Où est la suite ? Qu'arrivera-t-il à Bertha et à Donald ? Très simple : rendez-vous sur http://numberk.blogspot.fr. Vous y lirez la version intégrale (12 chapitres, rubrique de mai, titre : Coucou), texte qui figure également dans les commentaires du billet 61. Mais d'une part, c'est mieux mis en page chez K (la tenancière de l'Appentis ne maîtrise pas tout à fait Dotclear) et d'autre part, elle s'est emmêlé les cuillers à sauce entre deux versions. Les olécranes sont aussi à découvrir chez K (rendez vous colonne du mois de mars).

2e zinc :

«Et voici 14, avion de 1984.

Il consiste en quatorze phrases extraites du roman de ce cher George.

Contrainte choisie :

a) en partant du début, 7 extraits correspondant aux phrases sur lesquelles on tombe toutes les 1984 lignes. S'il y a deux phrases, choix de celle qui se termine dans cette ligne.

b) en partant de la fin, même principe, en remontant. Si deux phrases, choix de celle qui commence dans la ligne.

c) agrégation des phrases "en quinconce" en reprenant l'ordre du roman

14

- C’était une journée d’avril froide et claire.
- Il convenait donc parfaitement.
- Il n’y avait aucun moyen de savoir quelle rédaction serait finalement adoptée, mais il avait la conviction profonde que ce serait la sienne.
- Au milieu de cette horrible pauvreté, il y avait quelques belles maisons, hautes et larges, où vivaient des hommes riches qui avaient pour les servir jusqu’à trente domestiques.
- « Vous pouvez pas r’garder où vous allez, non ? »
- Déjà, sur le chemin qui partait de la gare, il s’était senti sale et rabougri, sous le soleil de mai.
- C’était une de ces innombrables chansons, toutes semblables, que la sous-section du Commissariat à la Musique publiait pour les prolétaires.
- Après avoir dévoré le chocolat, il se sentit quelque peu honteux de lui-même et traîna par les rues pendant plusieurs heures, jusqu’à ce que la faim le ramenât à la maison.
- C’était comme de lutter contre une tâche physique écrasante, quelque chose qu’on aurait le droit de refuser, mais que là on était néanmoins nerveusement anxieux d’accomplir.
- Manufactures, mines, terres, maisons, transports, on leur avait tout enlevé, et puisque ces biens n’étaient plus propriété privée, il s’ensuivait qu’ils devaient être propriété publique.
- Il glissa une main dans sa poche.
- Jamais il ne l’avait aimé si profondément qu’à ce moment, et ce n’était pas seulement parce qu’il avait fait cesser la douleur.
- Savez-vous que vous puez comme un porc ?
- IL AIMAIT BIG BROTHER.

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K a repris, des commentaires, la notion de "contrainte choisie", qui sonne comme un beau défi en forme d'oxymore. On est comme ça, nous autres : la contrainte, on ne nous l'impose pas, c'est nous qu'on la choisit !

La patronne de l'Appentis confesse un faible pour ce "14", qui résonne aussi sinistre que le texte original, qui figure aussi parmi ses favoris. Il y a là une fidélité "fortuite" (mais rien n'est fortuit en littérature) à Orwell, une forme de condensation tout à fait saisissante.

A propos, l'Appentis recommande tout particulièrement, de George Orwell, "Dans la dèche à Paris et à Londres", chronique impitoyable d'un auteur qui a bien connu la dèche en question. Pages impayables sur les coulisses des palaces (où Orwell a bossé comme plongeur). De quoi vous faire préférer à tout jamais la cuisine maison.