... n'invite pas à l'effort !

Quelques noms de bistrots stéphanois pour la route :

- Les 6 roses (enseigne qui n'apparaît pas dans les pages jaunes, mais je suis passée plusieurs fois devant, sans toutefois m'être décidée à répondre à l'appel de ces 6 reines boursouflées). Rade fantôme, où je me promets d'aller boire une grenadine un de ces jours.

- Sinon y a toujours L’excuze (sic). On espère qu'au comptoir ils en proposent quelques-unes d'originales pour les pochetrons-à-leurs-mémères. Profitons-en pour citer la plus intéressante, sans conteste, que j'aie entendue proférer par un mien patron à sa bourgeoise : "on a été bloqués par un chalutier" (véridique, et dans les rues de Chalon-sur-Saône).

On peut boire aussi à L’Epreuve censé siéger au 21 de la rue du même nom, qui se trouvera ainsi automatiquement propulsée "rue du mois". Photo à suivre... mais d'Epreuve, point : à la place, le bar "O Boa debout". O tempora, o mores...

Ou alors, on ira jusqu'au Vertige...

Je me souviens qu'il existe un bar dont la navrante enseigne pourrait provoquer aussi bien le fou-rire que la plus noire déréliction : La Rechute. Mais là encore, impossible de le localiser. Perdu pour Maps et pour les Pages Jaunes. La Rechute aurait-elle chuté entre mars et juillet ? Précisons que j'avais repéré ce modeste établissement (devant lequel on ne peut que déclamer Baudelaire : "Le vin sait revêtir le plus sordide bouge / d'un luxe miraculeux ..."), pendant mes recherches d'appartement. L'annonce montrait un très joli 3 pièces lumineux et rénové, et disait "quartier très calme", ce que je crus, le temps de zoomer et de me rendre compte que l'appart' était situé au premier, juste au-dessus du bar. L'honnêteté ligérienne perdra les agents immobiliers : il ne fallait pas donner l'adresse !

Les plus littéraires iront écluser à l'Apocope Bar, et nous garderons pour les longues après-midi d'hiver la recherche des zincs les plus énigmatiques : "Bounhiang Foulaphone" (Café des Abattoirs) et "X La Medina Galactic". A signaler que cette dernière et intrigante adresse a disparu, elle aussi, de Maps. A la place, on peut voir un flambant neuf "Assommoir". Au moins, le propos est sans détour. Va pour l'Assommoir... Si je dis que je me prénomme Gervaise, est-ce qu'ils vont me payer une absinthe ?

A la vôtre ! La prochaine fois, je vous parlerai de pain et j'essaierai d'aller acheter le mien à "La Boulange à Bergson" (et je le prouverai).

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Chalutier, le contexte : un beau jour du printemps 1973, mon boss et son commercial, qui effectivement avaient quelque peu éclusé avant de se décider à rallier Lyon à fond la caisse dans la Renault 16 directoriale pourvue de toutes les options - y compris le clignotant permanent à 180 à l'heure sur la file de gauche (car c'était l'époque où l'on pouvait fumer partout, boire des coups et prendre le volant, se permettre à peu près n'importe quoi sur routes et autoroutes, y compris enrouler toute la tôle autour du prochain platane), le patron, donc, s'était en fait trouvé bloqué à la sortie de Chalon par un convoi exceptionnel : le chalutier en question était posé... sur un camion-remorque à 9+4 trains de pneus.

Il avait fallu se dégager de là, prendre une petite route et s'arrêter à la première cabine téléphonique (je vous parle de la Haute Antiquité où le portable n'existait pas), appeler la légitime, laquelle bossait au bureau avec nous les filles (les secrétaires) pour expliquer le délai. Comme le boss et son collègue avaient déjà grillé l'heure de battement autorisée (au bar du Chat-qui-Pêche, dans la rue chalonnaise du même nom et après la signature de quelques contrats intéressants), le patron se préparait à devoir argumenter sec au téléphone.

Il faut dire que l'entreprise s'occupait d'affrêtements fluviaux : il n'était pas incongru qu'ils rencontrassent un bateau, mais d'ordinaire on les trouvait plutôt, les barlus, sur les canaux ou à quai, et c'étaient des péniches de 38m50 classiques à fond plat, dites Freycinet, pas des navires hauturiers.

Le patron s'en prit une sévère (d'engueulade, pas de cuite) en arrivant, mais le lendemain, triomphant, il faisait le tour des bureaux avec le Progrès du jour, lequel affichait en première page une grande photo du chalutier semblant traverser Chalon dans les airs comme un char de carnaval particulièrement soigné. - "Et pis la voiture, elle passait pas par en-dessous, peut-être ?" lui asséna la patronne, amère.