Elles prend des allures de festival, notre presse estivale !

Au cours du mois d'août, deux faits divers publiés en ligne à quelques heures d'intervalle avaient attiré l'attention de la patronne de l'Appentis en mal d'inspiration :

"Poignardé, il se rend dans une boulangerie pour acheter une meringue au chocolat..."

Voici ce qu'annonçait plus ou moins le chapeau du premier article dont la source nous a échappé (toutes nos excuses à la presse locale). Sur une colonne, on y apprenait qu'à Bourgoin-Jallieu, ville de l'Isère, un jeune homme pris dans une rixe ordinaire de pied d'immeuble un soir d'été, et qui avait reçu au cours d'icelle plusieurs coups de couteau dans le thorax, s'était ensuite présenté vers 21 h 30, tout sanguinolent et en slip, dans un commerce ouvert en soirée pour y demander cette improbable confiserie.

Le détail de la meringue au chocolat est particulièrement savoureux, risquerons-nous. On ne sait pas trop qui a pu inventer cet assemblage sans goût ni intérêt d'une meringue étouffante et d'un chocolat épais aboutissant à cet écoeurant objet bicolore, la plupart du temps, de surcroît, rassis. Sans doute une société secrète de recalés du CAP Pâtisserie en mal de vengeance. En tout cas, on visualise bien la meringue en question qui, traditionnellement présentée en pyramide à la devanture des mauvaises vitrines, assume pratiquement la fonction de lanceur d'alerte pour vous avertir que ce n'est pas ici qu'on pourra se fournir en douceurs goûteuses et authentiques.

Qu'un poignardé de fraîche date eût le mauvais goût d'avoir envie d'un tel repoussoir, il n'est sauvé que par sa décision primesautière de s'y rendre en calbute, offrant ainsi la vision post-moderne d'un Saint Sébastien en pagne avec coutures, ayant réussi à échapper à la soldatesque dioclétienne et pris d'une bouffée délirante (on le serait à moins) urgeant un inexplicable, mais bien excusable, vu son état, besoin de meringue au chocolat.

La patronne n'avait pas fini de se tenir les côtes (en raison d'un fou-rire spontané et non d'une quelconque empathie avec le poignardé gourmand), qu'un autre titre l'achevait :

"Un jeune homme chavire d'un pédalo et se noie en sortant de discothèque" - Le Parisien du 3/8

C'était encore dans l'Isère, un département qui ne fait pourtant pas trop parler de lui depuis la guerre des gangs de Grenoble. C'est précisément dans cette capitale dauphinoise qu'un allumé (hélas rapidement éteint par excès d'eau) eut l'idée, sortant bourré d'un dancing local, de vouloir conduire la petite machine nautique pourtant réputée insubmersible. Il est vrai qu'un pédalo malmené peut se retourner, mais enfin, si vous êtes en pleine possession de vos moyens, il ne doit pas être très compliqué de s'en extirper pour revenir en surface. Mais le pauvre candidat pédaleur avait quelques grammes de trop (d'alcool, pas de surpoids), et n'était pas isotherme avec l'eau du coin, qui même en été reste frisquette.

Tout de même, le stagiaire journaleux qui a pondu le titre n'hésite devant rien : "chavire" ! Pourquoi ne pas parler de naufrage pendant qu'il y est ?

Bon, ça ne ramènera pas à la vie ce jeune écervelé qui n'a rien trouvé de mieux comme blague pour amuser sa famille.

Ainsi allait le mois d'août, où s'égrenaient de navrantes ou cocasses nouvelles au milieu des encore plus tristes nouvelles internationales.

Du coup, la taulière, toujours à l'affût, drague ce soir encore dans les niouzes du Net et tombe sur la perle du jour, qu'elle tient à partager : ça vient du Point.fr, c'est un article qui nous informe qu'un "culturiste drogué" a saccagé l'avion d'Angela Merkel.

Suit une description courte mais efficace de la cavalcade échevelée du type à l'intérieur du zing - à lire sur
http://www.lepoint.fr/monde/un-culturiste-drogue-saccage-l-avion-de-merkel-29-08-2013-1719313_24.php.

Trois détails attirent l'attention de la taulière : d'abord le prénom tout à fait prédestiné du type : Volkan ! Ensuite, la photo de Merkel illustrant l'article : la chancelière fait la gueule, on ne sait pas si c'est en regardant son Flugzeug (un des mots allemands qui ont ravi mon année de sixième) bordélisé ou s'il s'agit d'un ancien cliché recyclé, auquel cas : facile, on ne manque pas d'images de la chancelière écoeurée : c'est chaque fois qu'elle rencontre Hollande et qu'elle se rappelle que c'est lui qui remplace Sarko.

Mais surtout, une petite phrase, où un verbe semble employé de manière impropre (c'est le cas de le dire !), a emporté l'adhésion de la patronne de l'Appentis à ce fait divers de choix :

"Assiégé par la police pendant quatre heures, Volkan aurait été découvert empaffé en slip dans le lit de la suite aérienne d'Angela Merkel"

Ou bien la personne qui a rédigé l'article a confondu, ou bien elle a été victime d'une mauvaise blague pendant qu'elle allait tirer un café à la machine, et quelqu'un aura remplacé sur son écran un verbe plus anodin (envapé ? empaqueté ? assoupi ?) par cet "empaffé" (1), qui ne l'est pas (encore qu'on n'en sait rien).

On se perd en conjectures, et sur le mobile du vandale, et sur la description de sa posture - encore un héros de faits divers en slip, ce qui lui garantit en principe une relative et temporaire étanchéité de l'orifice côté pile, mais apparement seul, ce qui réduit les risques de se faire surprendre par l'arrière.

La presse en ligne est une intarissable source de méditation.


(1) Chez vous je ne sais pas, mais en pays lyonnais et connexe, "empaffé" désigne un adepte de la sodomie ; par extension, et, homophobie oblige, de manière très péjorative, l'empaffé est un personnage félon, un qui vous a fait une queue de poisson, par exemple, ou qui vous a piqué un marché juteux, bref : qui vous a nui lâchement.