L'Appentis grisaille à l'unisson du ciel.

Jour à rien ?

Ce matin pourtant, instantané à l'aube : c'est l'heure entre loup et chien. Le matin le loup se lève paresseusement et s'en va sans se presser. Abrité sous le porche d'en face, il marque le pas pour rouler sa première (?) de la journée. Il repart.

Il a plu, il repleuvra. Le trottoir luit, quelques aiguilles liquides sont mises en lumière par le réverbère. La température n'est ni froide ni chaude. Le silence est relatif mais bien présent.

L'employé de voirie descend la rue avec un petit balai de fagot sans manche (pourquoi ?), à l'aide duquel il accompagne les déchets, au long du caniveau arrosé, vers sa pelle et son seau déposés en aval.

L'homme est baraqué, très corpulent : son visage brun-noir et son embonpoint évoquent davantage la Polynésie que l'Afrique. Il est vêtu de la tenue jaune fluo à bandes réfléchissantes, pantalon et vareuse. Sous celle-ci, un gros pull rouge vif dépasse à l'encolure et aux manches. Un bonnet de même couleur coiffe sa bonne bouille ronde jusqu'aux sourcils.

C'est déjà, dans le bleu de la nuit finissante, une réjouissante explosion : cobalt, citron, carmin. Un plein de vitamines pour les yeux. S'il fallait le peindre, je vois bien une éphémère toile fauviste, la silhouette jaune et rouge soulignée d'un épais trait noir, le fond bleu/gris/beige et les maisons déstructurées.

Ensuite c'est un son répété, le tchii, tchii du balai soutenu par le glou-glou de l'eau. Des bruits rustiques, concrets, naturels, que vient couvrir une rare voiture (le déferlement de huit heures - ici de toute façon modeste - n'a pas commencé, loin s'en faut). Lorsque le moteur a tracé sa route, revient le bruit bicolore tchii, tchii, glou glou.

Enfin, c'est une chorégraphie. L'employé de voirie est grand, sa main puissante et son balai petit : chaque pas dansé/chaloupé longe exactement la bordure du trottoir. Le corps penche à gauche. Côté caniveau, le bras exécute un ample mouvement de l'arrière vers l'avant. Le gaillard embarque bien son mètre cinquante de détritus à chaque pas. Le bras revenu vers l'avant, un pas, on recommence.

Question ergonomie de l'outil de travail, c'est pas ça, mais le geste est beau comme celui d'un antique semeur, les couleurs sont belles, le bruit est charmant.

La rue est propre. Merci, l'ami !

Nuit bleue
Anthracite matin
Murs beige
Asphalte d'encre mouillée
Silhouette rouge et jaune
tchii, tchii, glou, glou, glou

L'image contente deux fois : d'abord à l'ouverture des volets, lorsqu'on la découvre. Ensuite à l'écrire ici. Quelqu'un veut-il la peindre ?

Jour pas rien.