...Comme : Journée mondiale du refus de la.

"Les riches ont tiré, sur les pauvres, un rideau sur lequel ils ont peint des monstres." - Charles Booth, 1889

"Le mensonge est souvent plus plausible, plus tentant pour la raison que la réalité, car le mensonge possède le grand avantage de savoir d'avance ce que le public souhaite entendre ou s'attend à entendre. Sa version a été préparée à l'intention du public, en s'attachant tout particulièrement à la crédibilité, tandis que la réalité a cette habitude déconcertante de nous mettre en présence de l'inattendu." Hannah Arendt, Du mensonge à la violence - 1972

Ces deux citations figurent en exergue du petit livre "En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté", édité par ATD Quart-Monde, proposé aujourd'hui au public pendant les nombreuses animations de la journée, et qui démonte sur quelques 200 pages de nombreux et parfois malodorants clichés : voici une saine lecture, qui ne prend pas longtemps, remet les priorités dans l'ordre et éclaire utilement les vraies problématiques sous-tendues ou occultées par les fameuses idées reçues.

Ci-dessous un petit extrait sur une thématique qui m'est chère : la fraude.

A propos de fraude, une digression : ma visite de ce jour à la capitale des Gaules m'a permis de découvrir la campagne de comm. du SYTRAL (transports en commun lyonnais) sur ce thème http://www.tcl.fr/Pages-annexes/La-fraude-sur-le-reseau-TCL. Il y a entre autres sur le site un petit film qui serait drôle si le type était moins typé.

Sur le fonds, on pourrait opposer au SYTRAL :

- le prix exorbitant des dispositifs de contrôle sophistiqués (et peu fiables) installés avec faste et abondance, pour ne pas dire gabegie, dans les stations de métro ; les coûts non maîtrisés de leur maintenance ;

- la dépense occasionnée par les brigades de douze à quinze contrôleurs, attifés comme des membres du GIGN, qui écument le réseau aux heures creuses et sur des lignes sans risques (pour eux), plus nombreux dans le bus ou la station de métro que les quelques usagers du milieu de la matinée et parfois appuyés par 4 ou 5 flics de notre publique police nationale, le tout aux frais du contribuable...

- la chasse d'eau financière des amendes non payées, de la gestion administrative qui s'ensuit, les encombrements de tribunaux...

On pourrait opposer au SYTRAL le coût du ticket, la politique tarifaire de "punition" qui a passé le ticket à l'unité dans le bus à 2 euros, pénalisant les gens en panne ou les personnes fragiles qui ne savent pas acheter aux automates (voire des usagers déconfits devant un automate en panne).

On pourrait reprocher au SYTRAL la verbalisation des abonnés qui n'ont pas "validé" leur carte annualisée, alors que l'abonnement est payé, parfaitement valable, et que ladite validation n'a qu'un effet statistique pour le SYTRAL. Il semble d'ailleurs que cette pratique soit légèrement en délicatesse avec la loi et sur le point d'être abandonnée. Passons.

Mais le SYTRAL, à qui ces remontrances virtuelles en toucheraient une sans faire bouger l'autre, si vous me permettez cette vigoureuse expression crois-je me souvenir chiraquienne, expression au demeurant fort symbolique s'agissant non d'un homme, mais d'une société anonyme, le SYTRAL, donc, n'en aurait cure. Car il poursuit sa quête graalo-totalitaire du contrôle à tout prix (bientôt les usagers scannés lors de leur passage au portillon ?), en installant le "contrôle en civil", qui est vendu comme ciblant les fraudeurs en "laissant tranquille" ceux qui ont validé, etc. Tiens tiens. Des types en imperméable et chapeau mou ?

Bref, on a envie de crier "De l'air !!! De l'air !!!" De demander au SYTRAL, plutôt qu'une annonce à la trompette sur les 11 millions de fraude, chiffre qu'il faudrait, pour lui donner un sens, mettre en relation avec d'autres... De demander un audit sérieux sur cette question de la fraude. D'inviter par exemple la ville d'Aubagne, qui pratique la gratuité des transports (elle n'est pas la seule agglo à le faire), pour un débat sur cette gratuité des transports, qui n'existe pas d'ailleurs, puisqu'il faut bien que quelqu'un paye, la vraie question étant qui, à quel coût pour la collectivité, comment faire jouer la solidarité, à quel prix et selon quelles modalités, etc.

Mais on peut aussi s'en rapporter à l'extrait ci-dessous pour remettre la problématique de "la fraude" - aux transports et à autre chose - à sa vraie place sur l'étagère aux dossiers urgents.

17 octobre, Journée Mondiale du refus de la misère

Extrait du livret d'ATDQM :

mise en relation des masses monétaires allouées ou collectées (en euros) de la fraude estimée, en euros et en pourcentages

__Sécurité sociale toutes branches :
Total des prestations 400 milliards / fraude estimée à 2 ou 3 milliards / taux inférieur à 1 %__

__TVA :
Total collecté 130 milliards / 10 à 11 milliards / environ 8 %__

__Travail au noir des entreprises :
250 milliards / entre 15,5 et 18,7 milliards / entre 6,2 et 7,5 %__

__Impôt sur le revenu :
50 milliards / 15 à 19 milliards / 30 à 38 %__

Ces chiffres n'émanent pas de rumeurs ou de sources douteuses, mais de la Cour des Comptes, ou de sites tels que vie-publique.fr ou atlantico.fr (ce qui garantit l'équité politique des infos, l'un étant un site gouvernemental et l'autre manifestement une émanation de l'UMP) ; de la Délégation Nationale à la lutte contre la fraude, etc. etc.

Bien d'autres idées fausses sont ainsi passées à la moulinette d'une vérité bien définie par Arendt, telles que "Les Roms ne veulent pas travailler" ; "on ne pourra jamais trouver du travail pour tout le monde" ; "les pauvres ne paient pas d'impôts" ; "La France distribue des minima sociaux élevés" ; etc. etc.

Bien que la tentation soit grande de recopier ici l'intégralité de cette lecture indispensable, je laisse aux lectrices-teurs le soin de se la procurer.

Il faudrait maintenant - mais je le ferai pas, rassurez-vous - replacer la question morale de la fraude - de la triche, de la resquille, des stratégies d'évitement, de l'infraction en général - au coeur d'une réflexion sur la loi, le sens du collectif, de l'intérêt général. Interroger les pratiques telles que la détection des radars routiers, le cumul des mandats, les utilisations un peu "à la marge" des fonds publics pour des intérêts privés, et, tiens, en parlant de privé, voir à qui profitent les fameux PPP (*), essayer de démonter le travail des lobbies, et tiens, pourquoi pas : installer la transparence bancaire mondiale. Hahahaha... 11 millions... Pouf pouf comme disait Desproges.

(*) PPP : Partenariats Public-Privé, http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/03/05/bercy-face-a-la-bombe-a-retardement-des-partenariats-public-prive_1842821_823448.html