Ne vous donnez pas la peine de chercher la rime !Bois_d_Avaize.JPG

Le parc naturel du Bois d'Avaize, situé sur un crassier stéphanois, encore un gros morceau de vraie campagne en pleine ville, farci de micaschistes et de houille friable incluant des fossiles délicats (branches, feuilles, vers). Saint-Etienne est ainsi : composite, étrange ville de montagne où la nature se glisse partout. Le sommet, point géodésique du parc, recèle une jolie plantation du rare ajonc nain, qu'on retournera voir fleurir à la fin de l'été.

Pour l'heure, not'bande-de-vieux-c'qu'on-rigole s'est baladée sur les flancs, les chemins pentus et fort boueux, et a découvert sur l'ensemble du site les traces de la catastrophe que fut la neige précoce et abondante du 20 novembre dernier : les feuillus, toujours verts au moment des chutes, ont reçu un tonnage de neige insupportable par son poids, multiplié par autant de feuilles, et qui a fait plier et casser une quantité impressionnante d'arbres. Des troncs et des branches maîtresses (on a mesuré la section d'un ou deux des spécimen : 30 cm) ont été brisés comme par une main géante, le plus souvent, bizarrement, au niveau de leur base (premières branches, troncs divisés, parfois à un mètre du sol !). De vilaines fractures avec esquilles, des déchirures de la chair même des arbres, offrent maintenant aux agressions diverses des langues énormes.

Mais dans ce parc où volontairement aucun entretien n'est effectué (sauf pour la circulation et encore) afin de pouvoir observer le travail de la nature, le nombre d'arbres jeunes (qui ont mieux résisté) est important. C'est heureux parce que cette petite forêt va devoir digérer d'énormes chablis.

C'est ainsi que nous avons cueilli sans scrupules de grandes branches prêtes à fleurir, car la deuxième catastrophe est en route : la douceur inhabituelle et durable de décembre/janvier a mis toute une série d'arbres en bourgeons prêts à éclore. Or le gel est en route et il sera sans doute sévère en février. Même sur les arbres à terre, le processus se poursuit ; c'est là que nous avons opéré nos prélèvements. Foutu pour foutu, ça va apporter un air de verdure dans notre hivernage.

Des documents de la fin du XVe siècle indiquent une étymologie - ou une acception au sens large - de avaize, ou avèze (lat. vezia ?) et précisent qu'un "terrain d'avaize" est un site interdit de coupe de bois, de pâtures. On ne nous en a pas dit la raison : écologie pragmatique de l'époque ? Croyances ? Réserve de chasse ou privilège seigneurial...

Le plus de la balade (for my ears only) : ce groupe de Stéphanois au sein duquel la patronne de l'Appentis se trouve immergée, connaît sa ville par coeur. Chaque éminence, sommet ou détour de chemin, est l'occasion d'un arrêt où chacun-e montre, ici le Guizay (860 m, perdu dans les brumes hier), là le château de la Perrotière. Plus loin un point incertain au sommet d'un terrain pentu "c'est là qu'y z'ont mis les Roms"...

Les commentaires les plus réjouissants viennent d'un père tranquille spécialiste des "coins à suicide". Immanquablement il nous fait visiter sa cartographie particulière des désespérés : rocher d'où "ah ben là, tenez, y a beaucoup qui viennent pour se jeter" ; bassin de Janon : "y a beaucoup de suicides par là, c'est bien profond vous comprenez" ; rivière le Furan coulant en contrebas "y en a eu pas mal par là, une dame, l'année dernière...". A l'entendre, le tout Saint-Etienne ne pense qu'à parcourir les pentes et les gorges pour s'y donner l'ultime secousse en farandole. Si j'en crois la remontée du chiffre de la population (+ 3000 en quelque cinq ans), soit l'épidémie a cessé, soit les nouveaux ne sont pas encore prêts. C'est le joueur de flûte de Hamelin ce mec. Il organise lui-même des promenades tous les troisièmes dimanches du mois, se souvenir de ne pas y aller.

Enfin, tous les participants sont d'accord sur la question des "trous" : Saint-Etienne, territoire en constant effondrement ? "Regarde, y z'ont pas fini de combler ! - Oh ben ça fait bien vingt ans qu'y comblent..." (un immense terrain comme une décharge en cours de recouvrement, qui ressemble bien, en effet, vu d'en haut, à quelque chose comme un gigantesque avalement de terrain). "Tiens, v'là la route qui s'est effondrée, là en face (entendez : de l'autre côté du vallon, ouf). Et pis tu te rappelles ? ça fumait.... "Et la maison des ingénieurs à Montaud ? Quand tu traverses le salon c'est en pente pour aller de l'autre côté de la pièce, la maison est en train de descendre dans la galerie". Et ils vont, la canne en avant, frappant le sol qui tout à coup rend un son creux, et répétent, pleins d'alacrité : "Saint-Etienne, c'est un vrai gruyère".

Résignons-nous donc à dévaler un jour, nolens volens, quelque pente, trou, effondrement soudain, grand'rue coupée en deux, chute dans le Furan cascadant et souterrain (oui, cette merveilleuse petite rivière a été recouverte dans toute l'agglomération !!).

Si j'en crois ma bande de potes âgés, à Sainté si vous ne voulez pas vous défenestrer en choeur, au besoin on vous garantit un trou naturel qui ne demande qu'à béer sous vos pas sans même que vous vous en rendiez compte... Ah si : faut regarder si la rue "fume".

Bééé, je devais sortir, là, mais finalement j'sais pas trop.