De nombreu-se-s lectrices/teurs réclament la taulière à corps et à cris (enfin, ses billets). Don't worry, elle ne saurait tarder à reprendre le collier (doux collier, au demeurant). Un peu de temps encore, pour peaufiner un point géo-politico-anarcho-j'sais pus quoi, et on va vouère c'qu'on va vouère.

En attendant, un instantané du jour (pour celleux qui souffriraient de jet-lag où qui se trouveraient désorientés dans la forêt allusive qui suit, lire d'abord les billets 132 - Attention Mesdames et Messieurs et 134 - S'attarder à Tardy, et tout s'éclairera et vous serez admis-e au nombre des éveillés).

Que se passe-t-il donc à Tardy ? Aujourd'hui, les Rubans de Janette survoltées ont chanté six heures d'affilée dans les locaux de l'école, avec juste un casse-croûte frugal entre temps (un jour on vous donnera un aperçu de la frugalité stéphanoise mais là j'ai pas la place pour énumérer les plats).

Fatalement, toute chanteuse des Rubans... fréquente au moins une fois, pendant la journée de répète, les toilettes de l'étage (au fond du fameux couloir de la Main Verte déjà connu de nos abonné-e-s) : or donc, le tour de la taulière venu, que n'y découvre-t-elle pas ? Le dino a changé de couleur !!! Y a pas à en démordre : en février le dinosaure en plastoc posté sur l'interrupteur était rouge, aujourd'hui il est violet...!

Il ne s'agit pourtant pas d'un de ces bibelots chimiques à figure crétine qui virent au rose lorsqu'il pleut et bleuissent au soleil ou l'inverse. Non, le dino des W.C. est toujours à la même place ("Trois fois, je t'aime ??"). Il n'a cessé de veiller, imperturbable, sur les éliminations et ablutions des gens qui fréquentent l'étage. Seulement voilà, il est devenu violet...

Mutation des chaînes moléculaires ? Ras-le-bol du raffût de la chasse d'eau ? Remplacement, par un décorateur soucieux du climat artistique de l'étage, de notre figurine-totem ?

Dans le même temps, l'une des plantes en bac a fleuri. Pas un peu, non : c'est un nuage de fleurettes blanches qui environne l'arbuste comme un délicat voile de Valenciennes. J'dis pas qu'y a un rapport, je signale seulement le fait, moi.

En vérité je vous le dis, à Tardy il se passe des choses pas nettes !

Peut-être un léger fantôme enfantin parcourt-il nuitamment les lieux et se livre-t-il à quelques facéties pour distraire sa solitude ? Un de ces petits élèves à culottes courtes et béret, devenus jeunes gens au sang nerveux, tombés pendant la dernière (guerre, pas averse), au maquis peut-être, ou au détour d'une embuscade ? Jeunes hommes dont les noms égrenés s'affichent en lettres d'or vieilli sur une grande plaque (grande, hélas) de marbre blanc vissée à la façade de l'école et qui cite, en premier : "Les Maîtres", puis en dessous, "Les Elèves". Tous méritent leurs majuscules... Bien sûr ça ne ramène pas leur jeunesse vive, mais ça les relie, centenaires aux frais visages de vingt ans, à nous les vieux passants d'aujourd'hui. (*)

Petit dino violet, tu ne m'échapperas pas !! L'autre jour je n'ai pas fixé ta couleur assez nettement pour être sûre qu'elle ne changerait pas. Aujourd'hui, je témoigne ici de ta teinte épiscopale. Gare à toi si, à la prochaine répète, tu as viré au vert. Je jure de monter un guet nocturne à Tardy pour saluer l'écolier translucide et lui dire qu'il peut dormir tranquille, ici tout va bien.

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(*) Non, ils n'avaient pas vingt ans ! Autant pour la taulière qui a brodé à propos de cette plaque commémorative. La vérité est encore plus terrible : les maîtres et les élèves dont les noms y sont mentionnés, ont été tués dans leur école par le bombardement du 26 mai 1944. En lisant le récit d'Aline Rossillon on se fera une idée plus précise de ce que vivent toutes les populations civiles sous les bombes, hier et aujourd'hui, à Saint-Etienne, Kaboul ou Damas...