Avec une spéciale dédicace à un architecte lâchement licencié sans motif sérieux, et à une assistante de direction victime d'une non-embauche au terme de sa période d'essai avec des prétextes juridiquement irrecevables.

Le présent démontage n'est pas l'oeuvre de la taulière. Il lui a été livré clés en mains par Gérard Filoche, mais elle avait une furieuse envie de vous le faire partager, alors voilà.

Gérard Filoche est inspecteur du travail et aussi, c'est un communiste. Ce drôle de zig avec son drôle de blaze s'est fait connaître du grand public en avril dernier lors d'un craquage émotionnel en direct, pendant qu'il disait son écoeurement à propos de l'affaire Cahuzac. C'est pas si souvent que les politiques et apparentés font oeuvre de sincérité sans filet. Et ça le rend déjà un peu sympathique.

Mais les lecteurs de l'Huma Dimanche le connaissent mieux encore pour ses billets "Au boulot", une colonne souvent réjouissante de ce magazine.

Après, vous me direz tout ce que vous voudrez sur la ligne éditoriale tendancieuse de l'HD. Je rétorquerai que Filoche ne me semble pas fait du bois dont on fait les langues, et que son inféodation inconditionnelle à la doctrine du parti ne saute pas aux yeux non plus. Je dirais, si on me le demandait, que Filoche est un honnête homme. Trois bonnes raisons pour ne pas boire d'eau croupie conservée dans une bouteille plastoc et pour répercuter ici les échos de son billet intitulé "Gras, le Code du travail ?", paru dans l'HD du 12 au 18 septembre 2013.

Notre inspecteur du turbin s'attache à y démonter pour nous un argumentaire merdeux de François Bayrou qu'on trouve à tous les étages de la grande épicerie du Net. Suffit de taper "Bayrou code du travail" et hop, embarquement pour la Suisse garanti.

Notre centriste en perpétuelle gravitation décentrée use de procédés sarkoziens (ah bon, z'êtes sûre ? - Mais oui Mâme Bouziges) pour asséner l'idée simpliste (centriste, simpliste, tiens ça rime) selon laquelle les Suisses, avec quelques 100 pages de code, seraient plus efficaces que nous avec nos laborieuses 2000 pages. Circule en outre sur le Net un montage montrant (!!) l'augmentation du poids du Code (son poids physique), de 500 grammes en 1798 à 1450 grammes en 2010.

Laissons la parole à Gérard Filoche à propos du gros bouquin avec lequel il doit dormir depuis une paire d'années :

"Aujourd'hui, 93 % des actifs sont salariés. Le Code du travail mesure le degré de notre civilisation. Là où il y a du droit du travail, il y a du droit au travail. Le Code exprime cent ans d'évolution des rapports de forces sociaux. Il est fait de sueur, de larmes et de sang : chaque article, chaque alinéa, chaque décret, chaque arrêté résulte de combats et d'âpres négociations, d'accords minutieux ou de votes contestés au Parlement ; il a souvent été rédigé à la virgule près."

Sur le droit du travail : "c'est le droit le moins enseigné, le plus dénigré, le plus fraudé, le moins sanctionné".

Sur le prétendu grossissement du Code du travail :

"Le Code, il est vrai, s'est étoffé de 1910 à 2010. Mais on est passés de 3 millions à 18 millions de salariés".

"En fait, il n'est même pas gros. Les éditeurs ont grossi le format, avec des caractères plus gros mais, en vérité, il a été diminué de 10 % en signes (...)"

"C'est la droite qui a recodifié (le Code) : elle a fait 1890 subdivisions au lieu de 271 et divisé 1891 articles de loi en 3652 parties (...)".

"Mais au bout du compte, pas plus de 10 articles essentiels servent aux prud'hommes et les 4/5e des 8 livres du Code ne sont pas des lois mais des décrets, arrêtés ou commentaires de jurisprudence. Si on ne retient que la partie législative, il n'est pas plus gros que le Code... suisse. Bayrou nous escroque en jouant sur la "grosseur" : des milliers de précisions indispensables, concrètes, vitales, touchent à tous les métiers, branches, situations de travail (...)".

Filoche a bien raison de dévisser le grossier montage de Bayrou, lequel est bien mal inspiré de prendre la Suisse comme modèle en matière de Code du travail... Sans compter que les juges helvètes, lorsqu'ils ont feuilleté leurs 100 paginettes, vont sûrement chercher tous leurs compléments d'info dans mille revues annexes, alors que nous, hein : un seul bon gros volume et tout dedans : la classe !

Ah, les procédés simplificateurs, les amalgames, les fausses naïvetés à propos de choses en apparence aberrantes mais qui, pour peu qu'on les analyse, qu'on les mette en perspective (mais cela demande un peu de travail intellectuel il est vrai), se révèlent tout à fait normales, justifiées, voire louables... On n'en est plus à un près !

Sur le bien-fondé du Code du travail, lequel "contraint l'employeur à payer non seulement l'acte productif, mais aussi tout ce qui le permet : le repos, les congés payés, le logement, le transport, la formation, la protection contre le chômage, les accidents du travail, la maladie, la vieillesse", je sais pas vous, mais moi, j'aurais tendance à faire confiance à un inspecteur du travail plutôt qu'à un politique politicien de carrière (élu ici ou là depuis l'âge de trente-deux ans !!).

Gérard Filoche nous rappelle à ce propos que le Code "aborde le droit de grève, les institutions représentatives du personnel, les droits syndicaux, l'inspection du travail, les prud'hommes (...)".

Les conseils de Prud'hommes : une institution que veut supprimer Michel Sapin, actuel ministre du travail chargé d'administrer aussi les 3 316 200 chômeurs recensés en janvier 2014, parmi lesquels un certain nombre de gens licenciés abusivement.