... extraordinaire, ti-la-li-lala, ta-tada, la, la...
"(...) dans le même temps, c'est-à-dire dans ces heures passées justement à jardiner - et à rêver -, quelque chose d'autre que cette simple dérivation ou ce simple apaisement est venu et s'est peu à peu imposé : via les gestes mêmes du jardin et les régimes d'objets qui les accompagnent, ce qui s'est construit, loin de toute volonté d'édification comme de tout cadre institutionnel, c'est aussi une sorte d'utopie, d'utopie concrète aux contours incertains...
... - non pas le système tout entier proposé d'une refonte, mais des suites fragmentées de marques légères indiquant souplement, discrètement, une autre façon d'habiter la terre."
"(...) ce modèle réduit de sociabilité qui ricoche de parcelle en parcelle et d'un groupement à un autre étant justement ce qui confère aux jardins ouvriers cette allure de zone franche peut-être pas rebelle mais tout au moins dédouanée, affranchie qui, sur les franges de la ville, entonne un chant très léger, peut-être en train de disparaître. (...) Peut-être est-ce pour cela que, surtout dans les services, l'on ne dit plus "jardins ouvriers", mais "jardins familiaux", comme s'il y avait de la honte à remuer le vieux fond sans lequel, pourtant, ils n'auraient jamais existé."
"De cette vie, les jardins sont la frange et la preuve : quelque chose de chantonné, de murmuré, que certains, aux abords directs ou en haut lieu, ne veulent plus ou ne savent plus entendre".
Extraits de Légers jardins, à peine - Jean-Christophe Bailly, Le dépaysement, Voyages en France - Seuil, 2011
(Le chapitre ainsi intitulé est entièrement consacré à Saint-Etienne).
Photos : Jardins partagés de Maugara, après-midi du 10 avril avec Madjid et Cherifa. Et là contre, c'est la cabane du Loup, qu'on ne visite pas comme ça sans y être invité-e, mais on peut du moins en voler un petit aperçu, de cet abri coquin !
Aide aux familles dévastées par la guerre ou par les crises économiques mais de plus en plus une autre façon d'habiter la Terre ...Des jardins sauvages ( guerilla gardening) fleurissent sur les toits, en bas de immeubles ,sur les trottoirs, dans les terrains vagues des grandes cités , voire sur des campus universitaires ( Cf Grenoble, et son jardin d'Utopie, attaqué en justice pour dégradation de l'espace public )
Autant d'ilots de résistance où les lois et les règles de ce monde de brutes sont momentanément suspendues, au bénéfice de valeurs de partage , solidarité(s),convivialité...
Des jardins comme autant de zones d'autonomie temporaires ,où, espérons-le, ces utopies pirates feront lever un autre monde ...
( c'est beau comme un sermon, non?)
En effet soeur Paul(A)... Vous êtes la Bossuette des fleurettes !
Les jardins de Maugara illustrés ci-dessus sont un ensemble de parcelles de jardins ouvriers délaissés, abandonnés, qu'a repris un centre social. L'association C'Barré est missionnée pour l'animation et la mise en valeur de ces jardins. C'est de la "green guerilla" à la stéphanoise ! Le vert étant ici une couleur sacrément chargée de symbole !
Lorsque je rentre chez moi par le tram, je passe du côté de Rezé, cité ouvrière s'il en fut, et apparaissent de tels jardins. C'est juste beau, c'est juste du baume chaud au coeur par tout ce que ça évoque, tel que que tu l'as si bien partagé dans ton billet, chère MH !
C'est vrai que c'est un spectacle au minimum réconfortant ! "Chaud au coeur" c'est bien le mot ! A Lyon les jardins étaient beaux aussi, mais moins accessibles - plusieurs années d'attente pour obtenir une parcelle, alors qu'à Saint-Etienne les 3400 jardins restant (sur au moins 12 000 à la fin du 19e) sont loin d'être tous occupés.
Ce qui "bouffe" les jardins familiaux, c'est d'abord la cupidité immobilière. Imaginer à Lyon par exemple, où le prix du mètre carré foncier s'est envolé, que les seuls jardins "sauvés" sont ceux qui sont sur des pentes inconstructibles ou situés entre trois rocades en banlieue est ! Est-ce le cas à Rezé ? C'est aussi la perte de savoir-faire des générations actuelles, la servitude que suppose un jardin potager, l'idée peut-être que c'est ennuyeux...
Ce billet, c'était enfin une bonne raison (de plus) d'évoquer à nouveau le remarquable "Voyage en France" de Jean-Christophe Bailly, à qui je suis redevable du texte du billet (et que je relis, toujours aussi passionnée). Ce qu'il décrit - j'aurais aimé pouvoir citer l'intégralité des pages), c'est le commerce humain qu'engendrent les jardins, et aussi le petit côté "rebelle" des occupants de parcelles, petits territoires pittoresques et bricolés que des pressions extérieures (lotissements immobiliers en premier lieu) voudraient voir "nettoyés", en particulier de leurs cabanes de fortune, parfois remplacées par des "niches à chien" en bois toutes uniformes.
Extrait d'un règlement de jardin Volpette à Saint-Etienne (19e siècle ou début 20e) :
"Les jardiniers ont le devoir de tenir leur jardin propre, même s’il n’est pas cultivé, et de ne pas transformer leurs parcelles et leurs cabanons en gandouses comme cela s’est vu parfois."
Occasion d'apprendre aux lectrices/teurs de l'Appentis un premier mot de gaga (ou, plus savant, d'arpitan), la gandouse est une déchèterie, un dépôt d'ordures.
Avez-vous, chère A.S., entendu parler du Bizardin ?
C'est là http://www.ajonc.org/spip.php?artic...
sur une friche de Fives-Lille, jadis "le Parc à Matières".
Les matières en question désignaient divers poisons d'industrie.
Aujourd'hui ce lieu donne un avant-goût de paradis terrestre.
Sur Rezé dix aires (p)réservées appelées Jardins familiaux, variant de 300 à 2500 m2.
La spéculation m'y semble tenue en laisse. Rezé c'est les rouges du coin, terre ouvrière !
Longue vie à la rouge Rezé et à ses jardins familiaux, Mr K ! Ca doit être bien beau du côté de Nantes...
Et salut au magnifique Bizardin de Fives, dont la taulière aurait bien dû mettre le lien plus tôt (merci à cette bonne Alberte d'y avoir pensé). Jardin non pas familial (encore que), mais partagé et né de la volonté de quelques-un-e-s, le site des Ajonc(s) en dira plus. Depuis 2006 et mon dernier passage, huit années de travail et de fêtes poétiques au Bizardin, les photos en témoignent, quelle splendeur ! Bonne continuation ! (N.B. - le Bizardin est aussi en zone "rouge", voisin du Square de l'Internationale où trône une bien belle machine...)