Seul-e-s, celleux qui ont connu quelques vieux "stal" de derrière les fagots, formant l'arrière-garde du PCF et rodés à propager la doxa productiviste, comprendront l'allusion provoc du titre.

Lors d'une réunion du groupe des élus coco à Lyon en 2009, une info circula autour de la table : une "Verte", pendant un conseil municipal, avait demandé le remplacement des mini-bouteilles d'eau en plastoc par une cruche d'eau municipale et des verres. Une copine faisait alors le commentaire suivant, l'oeil de travers et la mine renfrognée : "Et pis quoi encore ? Elle veut pas qu'on s'éclaire à la bougie, non plus ?".

L'année suivante, la présidente du groupe et la taulière (alors en pleine crise d'engagement citoyen et politique, suite au traumatisme du 7 mai 2007, lequel avait laissé sur elle une empreinte non pas carbone mais durable) se rendaient à une journée d'études organisée par notre centre de formation sur le thème des cantines scolaires et de l'alimentation bio. Un petit détail amusant au passage : la formation avait lieu à Riom (Puy-de-Dôme), autrement dit sensiblement au centre de la Limagne céréalière, réservoir d'une agriculture intensive dont les zélateurs ont brossé hors du paysage auvergnat toute autre culture, éradiqué l'élevage et implanté avec des méthodes de voyous des parcelles transgéniques pour la plupart clandestines. Mais à Riom elles rencontrèrent, les deux coco(tte)s, une coopérative de culture bio super performante, un éleveur à moitié ruiné mais déterminé à faire mener à ses bêtes une autre vie, à défaut de leur foutre complètement la paix. Que voulez-vous, faut des étapes, on peut pas devenir vegan en bloc, comme ça d'un seul coup. Et des élus communistes entrés en réflexion.

L'on sentait frémir, dans les bonnes vieilles consciences rouges, quelque chose qui commençait à ressembler à un vague souci pour l'impact de l'industrie humaine sur la planète, et une interrogation qui, à notre sens, doit rester la seule de ce siècle et du suivant (s'il reste encore des gens, dans cent ans, ayant la capacité de poser une question, sans parler d'y répondre) : peut-on continuer comme ça ? Et la question qui en découle immédiatement : est-ce aux peuples gavés du richissime Occident (sachant que dans le langage politique international, "Occident" ne doit plus être entendu comme synonyme de "Ouest" mais de "Nord", tant il est vrai qu'on est toujours l'Ouest de quelqu'un : la Corée du Nord, ne vous en déplaise, est bel et bien à l'Ouest du Japon, lequel constitue indéniablement le Far-West des Etats-Unis d'Amérique), est-ce à ces peuples, donc, de poser cette question ou ne serait-il pas plus décent et plus légitime que les pays du Sud se la posassent, eux qui sont en pleine accession à la propriété, avec leurs propres armes et leurs propres richesses que les pays du Nord leur auraient rendu (j'ai fumé la moquette, là) ? Ces pays qui, vous n'aurez pas manqué de le remarquer, sous toutes les longitudes sont les plus mal lotis en termes de : richesse nationale ; capacité à s'auto-suffire du point de vue alimentaire ; éducation et santé ; économie générale, infrastructures, et j'en passe.

Mais nous nous éloignons de notre sujet. Il s'agissait de se rappeler que les communistes, depuis l'après-guerre et jusqu'à avant-hier, soutenaient mordicus que la solution était dans l'industrie, laquelle, c'est bien connu, crée des emplois ; et le soutenaient encore hier, alors même qu'on assiste depuis trente ans à un dézingage organisé du tissu industriel, au moins occidental, et que les images navrantes de la prévisible faillite de Detroit, Michigan, ne figurent qu'une illustration un peu exotique, un peu forcée, de ce qui a déjà frappé depuis longtemps le Nord-Est de la France, région qui ressemblerait à Bagnole City à c't'heure si n'existait pas un truc un peu ringard nommé "Etat", qui a pu réguler la misère, ne pas abandonner totalement à eux-mêmes les milliers de chômeurs induits par cette catastrophe annoncée et sauver un peu le paysage.

De même qu'ils naviguent, ces bons cocos, depuis la construction de la première centrale, vent nucléaire en poupe et dans l'objectif de produire une électricité à très bas coût (je pouffe), ce que le nucléaire était réputé faire (et je re-pouffe).

Cinq ans plus tard, entendre Patrick Le Hyaric (directeur de "L'Humanité"), sur France Inter, chanter les louanges des bonnes pratiques environnementales, s'inquiéter des changements climatiques et se référer deux fois, au cours de son interview par Stéphane Paoli dimanche (Emission 3D), aux intervenants précédents (entre autres un membre du GIEC, pas moins), permet de mesurer à quel point les "lignes" ont "bougé". Certes, Le Hyaric n'est pas président du Front de Gauche, mais il est au directoire, d'une façon ou d'une autre. Sa parole a donc valeur, sinon de ligne officielle, au moins de tonalité globale.

Le Parti Communiste Français est comme un immense paquebot (cabines et pont déserts, je vous l'accorde, mais le bâtiment navigue toujours et quelques soutiers continuent de charger les chaudières) : il lui faut un temps infini, et la mise en oeuvre d'une inertie colossale, entre l'ordre de stopper les machines et de virer de bord, et la réalisation du mouvement. Une hésitation formidable qui permet tout juste à l'antique carcasse de ralentir en tremblant de toutes ses tôles, le temps que le navire s'ébroue, commence un immense virage pour tourner le dos à l'océan du vingtième siècle et doubler les caps du futur. Le vieux navire est aujourd'hui remorqué. Se pourrait-il qu'il puisse envoyer balader le hargneux pousseur du Front de Gauche et que son hélice recommence à battre les flots pour un autre voyage, réussi celui-ci ?

Imaginons un Parti Communiste Français qui organiserait, non pas un énième congrès sur ce même modèle stalinien qui faisait ses belles heures de Thorez à Marchais, mais une refondation sur la base d'une mise à plat des erreurs qui l'ont conduit à son agonie, inféodation aveugle à Moscou en premier lieu, pour finir par l'alliance douteuse avec le colérique Méluche et son improbable Parti de Gauche (à propos, marrez-vous une seconde en regardant la photo qui illustre, sur Wikipédia, l'entrée en jeu chez les cocos de notre imprécateur à l'écharpe pourpre : on le voit avec Marie-Georges, et il a déjà l'air de sa propre caricature, la mâchoire en avant, le sourcil fripé, l'oeil noir. Buffet en a l'air toute interloquée).

Imaginons un Parti Communiste Français qui persévérerait dans ses efforts méritoires pour donner aux femmes la place qui leur revient (notre place, rappelez-vous : ni plus, ni moins), avec peut-être un petit engagement à ne pas laisser les bobonnes desservir la table et faire la vaisselle dans les réunions-déjeuner, s'pas, les copains ;-) ?

Imaginons un Parti Communiste Français qui réussirait à produire un message clair et convaincant, appuyé par le même travail de sa base militante qui a fait sa grandeur autrefois mais sans le fatras idéologique qui rend sourd, et parasite le bulbe rachidien des jeunes cocos d'aujourd'hui, lesquels, recrutés en gros à l'université, sont des idéologues parfaitement rodés mais n'ont qu'une mince idée du monde réel ; un PCF qui mettrait dans ce message l'écologie au premier rang de ses préoccupations, ex-aequo avec la réduction de la pauvreté ; qui soutiendrait une certaine idée non pas de la décroissance, concept foutu dès sa sortie de l'oeuf, mais l'abandon de l'idée même de croissance au profit d'une optimisation drastique de nos ressources actuelles (recyclage, réparation, ré-utilisations), la solidarité avec le monde et en particulier les pays du Sud (là-dessus les cocos ne sont d'ailleurs pas les plus mauvais) ; qui s'attellerait avant tout le monde au nécessaire travail sur l'idée de revenu universel, qui fait encore lever les yeux au ciel à toute la bien-pensance politique actuelle mais qui va devenir le sujet up to date avant longtemps.

Un Parti Communiste Français qui mettrait toutes ses forces dans la pédagogie et le porte-à-porte (c'est une image) pour regagner les territoires conquis par les bleu marine et autres BBR, et se montrerait assez pugnace pour les battre sur ce terrain-là (en écrivant cela, je n'oublie pas les militants de gauche régulièrement rossés, voire assassinés, par les fachos en polo Fred Perry, lesquels sont le bras armé de la mère Le Pen, elle a beau se pincer le nez d'un air dégoûté, on n'est pas dupes) ; un PCF qui s'inscrirait avec force dans l'éducation populaire, qui organiserait partout des rencontres avec les anarchistes, lesquels sont en train, à l'heure actuelle, de sacrément bosser en marge du système et qu'il serait très sain et assez urgent de rencontrer pour partager sur ce qui nous réunit, plutôt que de se regarder en chiens de faïence sur ce qui nous sépare. Bien une idée de bonne femme, ça. Et surtout, pour apprendre d'eux.

Ben, vous, j'sais pas, mais moi, je les vois bien, les Verts & Rouges, avec un logo représentant, sur fond vert sapin (histoire de ne pas se confondre avec EELV), par exemple une pelle, pas une faucille, et un râteau, pas un marteau, brodés en rouge vif histoire de ne pas perdre tous ses repères. Une pelle et un râteau pour ramasser les idées cassées, les rafistoler, en modifier le moteur, leur donner une deuxième vie... Et puis tient, le fond : moitié vert moitié noir, pour symboliser les alliances de luttes.

On n'aurait même pas besoin de changer l'hymne "Groupons-nous dès demain..." et, n'est-ce pas, MM. Pottier et Degeyter, que "L'Internationale sera le genre humain" ?