En provenance de My TF1 News (mais oui !) le 25 juin : « Un pavé dans la mare. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES) vient de faire une révélation très sérieuse sur les produits dont l'emballage affiche une mention "anticholestérol". Ils n'auraient aucun effet sur les maladies cardiovasculaires. L'ANSES publie un avis sur le sujet ce mercredi. Les consommateurs férus des margarines et autres yaourts présentés comme des atouts pour préserver leur santé cardiovasculaire pourraient déchanter. »

Aaaaah booooooon ?

Mars (pas la planète, le mois), dans les pages du Monde.fr : « L'Union européenne (UE) s'est engagée, jeudi 13 mars, à imposer d'ici à trois ans un chargeur universel pour téléphones portables, comme le demandaient les consommateurs et la Commission européenne. La Commission va désormais devoir s'atteler à définir plus précisément en quoi consistera ce « chargeur universel », et dans quelles conditions exactes il sera imposé. »

Mé kesvoum’dites pas là ???

On a plaisir à rapprocher ces deux informations qui mettent un coup de projecteur intéressant sur la grande connerie universelle, doublée, immanquablement doublée, par le non moins grand cynisme universel, bref c’est la bonne vieille histoire de l’œuf et de la poule, de quel cul sortons-nous, je vous le demande.

Ne nous attardons pas sur les chargeurs de portables, nous qui subissons la dictature des marques depuis vingt ans au bas mot, et balançons aux ordures régulièrement le chargeur du téléphone d’avant, qui ne va pas sur celui d’après.

Comment dites-vous ? On aurait pu créer des groupes de pression sur le modèle de ce qu’a réalisé aux Etats-Unis l’avocat gréco-libano-américain Ralph Nader qui mit à genoux General Motors en 1971, je ne m’étends pas.

Sa notice Wiki est un peu indigente, mais vous y apprendrez tout de même qu’il a fait 0,56 % aux présidentielles de 2008, score tout à fait rafraîchissant, mais qui, affirme le rédacteur de la notice, est le plus gros (!!!) obtenu par un « petit candidat ». Que Ralph Nader roule pour le parti « réformateur » qui renvoie dos à dos républicains et démocrates (1).

Non, mais vous allez voir : d’ici trois ans, on aura sans doute réussi, non pas à imposer le chargeur standard, faut tout de même pas pousser, mais à produire un moratoire qui permettrait aux fabricants de s’en foutre encore un peu plein les fouilles pendant une paire de décennies.

Parlons plutôt du beurre.

Et là, comprenez bien le désespoir de la taulière : qu’il faille dix, voire quinze ans à l’ANSES ou autre agence sanitaire gouvernementale, pour « découvrir » que les marchands de margarine ont largement explosé toutes les limites en vendant leur daube avec un argument médical complètement fantaisiste…

Quinze ans pendant lesquels vous avez certainement vu régulièrement un membre de votre famille, ou de vos amis, étaler sur son pain (quand ce n’était pas sur une espèce de biscotte allégée ou un machin grillé réputé contenir des céréales, des fibres, etc. – bref, tout ce qu’on trouve dans du pain normal, plus du sucre et du gras, ben oui faut tout lire sur les étiquettes), ce truc mou et jaunâtre vendu dans des barquettes plastoc aux noms qui évoquent la légèreté, la transparence, le vert prairie et autres sylphides…). Et d’affirmer gravement que c’est tout de même mieux que le beurre du point de vue santé…

Que pendant cette quinzaine d’année, les fantasmes médicophiles de ces pauvres consommateurs lobotomisés n’aient pas été réduits à néant par la simple constatation que leur santé était exactement la même qu’avant le machin à tartiner en barquette plastoc… C’est-à-dire bonne si elle était bonne, mauvaise dans le cas contraire, mais dans tous les cas, rigoureusement inchangée par cette pratique du gras en barquette plastoc !

Qu’il ait fallu quinze ans au bas mot pour qu’un courageux organisme gouvernemental ose enfin affronter les marchands de gras et dénoncer leur marketing scélérat ! Affronter… Que dis-je ? Peut-être vaguement s’excuser de leur demander pardon et leur suggérer un peu d’honnêteté ? Dans combien de temps ? En gros encore une quinzaine d’années, on parie ?

Ne vous inquiétez pas pour les fabricants de grassouille : entre temps, ils auront abouti dans la stratégie marketing nécessaire au lancement d’un nouveau produit, avec de nouveaux arguments (« bon pour la planète » ou « stop à la déforestation », on parie ?).

Qu’entre temps – nous voulons dire, pendant les quinze années où les fabricants se sont goinfrés, non de leurs barquettes d’huile de palme, mais de bons euros par millions, qu’entre temps, donc, le consommateur n’ait pas su :

- s’interroger sur ce marketing et son mobile (je parle pas du portable, là, mais de ce qui motive une action)

- calculer le prix au kilo de la daube en question et le comparer à celui du beurre tout bête (genre 35 % plus cher que le beurre en moyenne)

- s’inquiéter de la teneur du plastique enrobant cette pâte mollasse au lieu du bon vieux papier à beurre, et de l’impact de ce plastique sur sa santé (impossible à évaluer comme ça, mais à mettre en perspective avec tous les autres plastoc et produits bizarros qu’on ingurgite par la bouche, le nez ou la peau, depuis que la pub est devenue le produit (triste avatar du déjà navrant « medium is message »)

- et en conclure, donc, qu’il était urgent de laisser de côté ces produits scélérats pour revenir à un état mental normal, avec un libre-arbitre normal, et choisir enfin le beurre normal – et le moins cher, puisque de toute façon ce qu’on vend même dans le cas de cette matière grasse basique, c’est le papier et ce qu’il sous-tend (« moulé », « fermier », « de baratte » et autres billevesées), son contenu étant puisé dans des containers remplis de différents beurres de différentes usines de la CEE, agglomérés entre eux avec un peu de Charente-Poitou selon la formule alouette/cheval.

Qu’on ne parvienne plus, mais vraiment plus, à se dégager de l’emprise de la pub, voilà qui est tout de même sacrément inquiétant non ?

Parce que, voyez-vous, n’y a pas d’un côté les grandes théories macro-économiques ou macrobiotiques, les considérations et les engagements citoyens d’envergure, lesquels demandent la disponibilité qu’on n’a pas, vous et moi, en sortant du turbin juste avant de reprendre le collier à la maison avec les mouflets, et de l’autre le petit geste de prendre dans le rayon frais la matière grasse qu’on va consommer.

C’est toujours cette bonne vieille parabole du colibri et de l’incendie…

Donc : juste se « recerveler » si j’ose risquer ce néologisme, redescendre de cette mauvaise planante que nous procurent les affiches, la pub TV, les kiosques à journaux, les écrans en tous genre. Se repositionner, devant le rayon beurre, en personne responsable, à qui on ne la fait pas. Ca prend, genre 10 secondes. 20 s’il faut aller replacer la margarine anti-cholestérol de mes deux à son emplacement, mais vous pouvez aussi la déposer au rayon lingerie. Le supermarché n’incite pas tellement au respect de toute façon.

Ne soyons pas inquiets : on va être grandement aidés par l’ANSES qui va interdire toutes ces mentions « oméga machin et anti truc », et que ça va cesser de clignoter devant nos yeux crédules, et qu’on va se réveiller et laisser de côté toutes ces barquettes devenues inutiles ?

Pour vous en convaincre, je vous invite à stationner 10 autres secondes devant le linéaire monstrueux qu’occupe ACTIVIA (Danone, non ?). Et 10 autres secondes encore pour vous souvenir du petit pot vert « BIO » (2), et rappeler qu’ils n’ont plus eu le droit d’utiliser cette appellation générique des produits dits « biologiques » (encore une arnaque à démonter, pfff, j’ai pas le temps de tout scanner ce soir). Et ce, à partir de 2005, en raison d’une directive européenne de… de…

De 1991. Quatorze années pour se mettre en conformité. Y a de l’espoir.

Y a surtout que des fois le trop qu’on nous prend vraiment pour des cons ça vous grippe à la gorge et ça vous étouffe la syntaxe.

Oui alors, bien sûr, le vrai pain parfois est un peu long à couper. Le beurre, si on ne le sort pas du frigo à temps, ça fait des tartines qui ne ressemblent à rien. Alors que le rectangle de carton avec la margarine en barquette, tchac, tartine en moins de 1 seconde et 2 dixièmes.

Alors ?

Alors allez voir d’urgence « Résistance naturelle », le film gouleyant de Nossiter qui sort en ce moment dans les salles, en toute discrétion. Une discrétion, à mon avis, suspecte d’ailleurs. Le pinard doré qu’on voit dans les verres au fil de ce documentaire en forme de grosse claque, eh ben, il ne l’est pas, anti-cholestérol !

« Résistance naturelle » vous parle de l’agriculture en général et de la vigne en particulier, et des formes de résistance qui s’y déroulent. Comme le dit l’un des protagonistes, « contrôlez la nourriture, vous contrôlez la société ».

PS – j’en fais une tartine sur les machins gras qu’on étale sur le pain, alors que moi non seulement j’en mange jamais mais je déteste tout ça : le beurre, les margarines, les yaourts, bref, tout ce qui sort de la vache et qui n’est pas du steak. Elle est pas dévouée, vot’taulière ?

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(1) Les Romains dans Astérix, lorsqu'ils vont combattre sous les murs de Petit-Bonum

(2) « En politique intérieure, Ralph Nader défend un programme de défense des libertés individuelles et des droits des minorités, la promotion de la justice sociale, la protection de l’environnement. Il préconise de financer les partis politiques sur fonds publics, d’abolir la peine de mort et de réformer le système carcéral américain, de diminuer de façon importante les dépenses militaires pour financer des infrastructures publiques de transport et démocratiser l’accès à l’éducation ; d’instaurer une couverture médicale universelle. Dans le domaine de l’environnement, il appelle à la sortie du nucléaire et des énergies fossiles ; il est favorable à l’application du principe pollueur/payeur et veut interdire le brevetage du vivant. Il souhaite démocratiser les lois du commerce international en demandant la présence aux négociations de l’OMC des défenseurs de l’environnement, des travailleurs et des consommateurs.... » Epikoi encore ?

(3) J’avais un patron particulièrement con, en 1990, qui demandait à sa secrétaire de lui rapporter, pour midi, un yaourt « billaud ».