Parfois l'actualité dominicale est pleine de surprises primesautières, d'informations drolatiques propres à réjouir n'importe quel-le citoyen-ne confiné-e en sa demeure par la crève automnale et la pluie du même tonneau (très percé, le tonneau).

Figurez-vous que Jean-Michel Baylet, président (oui, y a pas mal de mecs qui sont présidents de quelque chose, faut croire que le hochet arrive toujours au hit-parade des joujoux appréciés des bambins, en cette période pré-fêtes de fin d'année), président, donc, du parti radical de gauche, annonce dans Le Monde que ledit PRG "menace de quitter le gouvernement".

"Menace" !! Il y a même un autre titre de presse qui dit "menace encore"... Ah, voilà un mot de trop ! Qui menace "encore" doit d'abord reconnaître que sa première menace n'a pas eu d'effet. La conclusion semble facile à tirer.

Par ailleurs, nul doute que l'idée du départ hypothétique de vedettes politiques du calibre de Sylvia Pinel (ministre du logement), Thierry Braillard (secrétaire d'état sport) et Annick Girardin (secrétaire d'état francophonie), ait de quoi faire trembler gravement Hollande et Valls ! On se roulerait par terre si l'on avait envie de rire.

Pour ce qui est de notre président, dont se demande parfois s'il bouge encore, bien malin qui saura quelles émotions peuvent encore agiter ce cerveau reptilien enveloppé d'un corps fourbu vêtu de bleu marine, pour qui avoir changé de montures de lunettes en 2014 fut peut-être le summum indépassable de l'audace. On doute, hélas, que quelque menace que ce soit puisse ébranler ses mornes certitudes.

Il avait semblé à la taulière, au printemps dernier, qu'une déclaration du chef de l'état (en substance : si le chômage ne baissait pas pendant son quinquennat, il ne se représenterait pas), résumait complètement, au-delà du comique de situation, l'état d'esprit et le programme personnel d'un mec qui, au fond, n'a jamais voulu être là et s'y retrouve par manque d'imagination au terme d'une carrière politique marquée par l'opportunisme et l'utilisation intelligente des réseaux du parti.

L'opinion de la taulière sur Hollande n'a pas varié depuis la campagne présidentielle : galvanisé malgré lui par l'affaire du queutard de service, porté par des primaires auxquelles il espérait échouer et auxquelles il n'a réussi que parce qu'une candidature féminine, surtout celle d'un poids lourd comme Aubry, semblait décidément inenvisageable au PS (et ne parlons même pas d'élection !), Hollande ressemble à cet élève lambda que les autres poussent en avant et qui se retrouve sur le devant de la scène le jour de la distribution des prix sans avoir la moindre idée de ce qu'on attend de lui, tandis que les cadors massés derrière lui se préparent à le cornaquer.

Par ailleurs, la mince mais significative expérience de la taulière en matière de représentation publique, lui a confirmé ce qui aurait dû venir à l'esprit de tout électrice-teur qui a un peu pensé (c'est pas gagné quand on voit la progression du FN) avant de voter : qu'avoir administré longuement une grande ville - encore plus, une communauté d'agglomération, avoir conduit pendant six ans successivement deux ministères du travail et de l'emploi, prépare bien plus utilement à la fonction présidentielle qu'une carrière émiettée entre de modestes représentations municipales et départementales sans conséquences, et qui culmine avec le poste de notable de province qu'est une présidence de conseil général.

Encore aurait-il fallu que le PS fasse la publicité nécessaire pour que les non-socialistes sachent qu'elles-ils pouvaient aller voter aux primaires (ça coûtait un euro, bon, c'est peut-être pas tout à fait légal mais qui aurait envie de se battre sur ce terrain ?). Etait-ce l'intérêt du PS qu'un vote massif à ses primaires, qui aurait à coup sûr porté Martine Aubry à la candidature en face de Sarkozy finissant ? Finissant, oui. La preuve : même Hollande a pu le battre...

Bref, Hollande "fait le job", en tout cas c'est ce qu'il dit. Pour avoir fréquenté quelques cadres de la fonction publique d'Etat qui occupaient des postes normalement exposés à un assez haut niveau de décision et à une quantité de travail idoine, et les avoir vu se débrouiller pour simplement occuper leur bureau pendant le temps imparti, toucher les primes consubstantielles à la fonction pendant que leur équipe se cognait le boulot, et arborer au revers du costard quelques babioles de couleur mauve, voire rouge, dans les pince-fesses académiques, la taulière voit à peu près ce que "faire le job" peut vouloir dire. On appelle ça du présenciel, pas du présidentiel. Il doit barrer les semaines dans son agenda, le père Hollande, plus que 130 à peu près, le temps de changer encore une fois de lunettes.

Quant à Valls, le véritable patron, que peut bien lui inspirer le départ de 3 PRG dont les noms sont à peu près inconnus des Français, sans parler de leurs sphères respectives d'influence ? Sans doute un mince sourire et un léger soupir d'aise : celui qu'on réprime à peine quand on est sur le point d'aboutir.

Oui, Valls doit se frotter les mains. Car, d'une part il ne manque pas de godillots, au PS, pour aspirer à flanquer leurs fesses avides dans le siège tout chaud que laisseront peut-être les 3 ministres PRG pour y co-signer les décisions ultra-libérales qui ne manqueront pas d'être prises dans les mois à venir, tant le virage se dessine. Peut-être. A moins que le PRG "menace une 3e fois..." ? D'autre part, l'idée saugrenue que Valls pourrait apparaître comme affaibli par le départ des "derniers alliés" du gouvernement socialiste, ne peut venir qu'à une presse anxieuse de trouver des titres pour les prochains jours. Aux yeux des pauv'nous z'autres, que peut bien signifier le départ de trois obscurs titulaires de portefeuilles sans envergure (oui, le logement est devenu cela aussi : un non-enjeu) ? Rien. Et Valls le sait, alors qu'il attaque son énième tour de piste toujours à la corde.

Le départ des "derniers alliés" donnerait peut-être à Valls toute la latitude nécessaire, à compter que leur présence la mette en danger, d'ailleurs, pour terminer la reconversion de son gouvernement vers des idéaux légèrement thatchériens (suivez Rebs des yeux, si vous ne voyez pas ce qu'on veut dire), propres à lui permettre ce que seulement deux, peut-être trois premiers ministres avaient réussi avant lui : passer de ce poste à celui de président. Ah le beau hochet.

Hochet, simplement hochet ? Et l'intérêt du pays, alors ? Et la place de la France dans le monde ? Et nos valeurs héritées des Lumières ? L'originalité gaullienne d'une nation indépendante et d'un rôle majeur de l'état dans l'administration du territoire ? L'espace vacant pour une vraie politique sociale ?

Mais de quoi elle nous cause, celle-ci ? Que celles et ceux qui pensent encore que le politique doit donner le ton à l'économique et non l'inverse ; que les chefs (ha ha ha) d'états se doivent d'être autre chose que des représentants de commerce avides de se rendre à la prochaine formation onusienne sur le marketing planétaire organisée par les States, etc. Que celles-ci et ceux-là lèvent la main. Personne ? Bon, c'est bien, je vois que vous avez suivi.

La prochaine fois, je vous parlerai de la ringardise des manifs, mode de contestation totalement dépassé, et de la nécessité de s'inscrire plutôt dans toutes les stratégies collectives de résistance au rouleau compresseur mondial. Vous verrez qu'il y a, en réalité et sous un apparent silence, beaucoup d'espace et énormément de programmes en cours. Et que les politiques, sur qui on peut compter pour ne rien, mais alors ne rien comprendre à la vie des gens qu'ils sont censés gouverner, n'y voient que couic dans ce domaine et continuent d'aller dans le mur en klaxonnant, bien fait pour leurs gueules cupides. Leur disparition ne nous chagrinera pas plus que celle des dinosaures. On n'a pas le temps, on a plein de choses à faire.