Prenons un parti politique qui se serait appelé pendant un temps PUM, et qui voudrait se délester du son de casserole accompagnant chaque jappement de son président lorsqu'il veut se mordre le croupion en tournant sur lui-même, dévoré par les excoriantes puces journalistiques. Il n'aurait qu'à se rebaptiser "Les Seuls Vrais Français", ou "Les Citoyens".

Notez que Xavier Hürstel - actuel directeur de cette officine officielle de paris - n'a pas demandé la transformation du PMU en "Les Bourrins".

Et sachez aussi qu'au siècle dernier (c'est toujours drôle, pour les gens qui sont nés au cours du 20e, d'écrire cela : on a l'impression de parler de 1882), au siècle dernier, donc, on était moins chicaneau qu'aujourd'hui. Il n'est pas de trace que le CNRS, qui s'appelait comme ça depuis 1939 et dont les initiales sont tout de même hautement symboliques en France, ait intenté un procès au mouvement gaulliste qui trouva malin, en 1956, de devenir le Centre National des Républicains Sociaux. Il est vrai que si cet avatar avait duré, Juppé s'y serait certainement senti un peu seul.

Apprécions que, pendant ce temps, les lourdes machines sorties des grandes révolutions sociales d'il y a deux siècles conservent aujourd'hui encore, à défaut des valeurs qui les ont fondées, leurs noms respectifs de Parti Socialiste et de Parti Communiste (celui-ci précise : Français, histoire de ne pas être confondu, surtout aujourd'hui, avec Moscou), et sont bien partis pour fêter prochainement leurs bicentenaires (ou presque). Et au fond, faire la fête avec dix personnes, ça peut être tout de même une très bonne soirée (dix personnes en comptant qu'ils arrivent à se mettre d'accord pour louer la même salle, réalisant ainsi une UDG, Union Désespérée de la Gauche).

En parlant de Moscou, tiens : en voilà un, d'acronyme à changer d'urgence : l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), chargée de surveiller, en Ukraine, l'application de la trêve signée le 12 février dernier, subit en ce moment, dans la région du Donbass, des revers sérieux suite à la flambée de violence dont Kiev accuse Moscou et vice-versa.

Pourquoi dès lors ne pas rebaptiser cette estimable officine : Organisation pour la Sécurité et la Coopération à l'Ouest en Ukraine et en Russie (OSCOUR) ?


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Des effets du thé sur les peine-à-jouir

Les gens qui, après bien des tergiversations silencieuses avec leur conscience, se résolvent (pour d'obscures raisons) à commander, après l'heure de sortie des écoles, un thé au bar du coin, se préparent en général mentalement, du fait de la réputation de ce breuvage, à une pénible nuit d'insomnie avec galop couché entre les draps brûlants, crises d'impatiences dans les jambes surmenées, lectures réitérées de l'annuaire et surveillance horaire du réveil qui vous conduira, exténué-e, vers un matin amer. A cela, plusieurs raisons aussi amusantes les unes que les autres.

La conception du thé par les bistrotiers
D'abord, le patron du bar du coin, s'il n'a pas entendu parler d'une marque délicieuse dont nous ne ferons pas la pub ici mais qui commence par la lettre D et dont les sachets en délicat organza contiennent de vraies feuilles, vous fera servir une infusette infâme qui a pris d'abord le goût du papier qui l'emballe (parfois jaune, ce qui est aggravant). L'infusette en question, bourrée d'une poudre difficilement identifiable (*) suffirait à composer, dans une théière d'un litre, un breuvage colle-aux-dents dont les arômes évidemment absents sont compensés l'épaisseur d'infects substituts chimiques à l'arrière-goût de bergamote frelatée. Or, il va falloir la tremper dans 20 cl d'eau seulement. Ce n'est plus une infusion, c'est une décoction de calfat.

De telles marchandises peuvent, en revanche, servir à teindre le coton blanc. Utilisez toute la boîte d'infusettes que vous avez fait l'erreur d'acheter pour chez vous (comme s'il ne suffisait pas de s'en voir imposer au bistrot), ôtez les étiquette cartonnées, fourrez le tout dans la machine avec le tissu à teindre et 500 g de sel fin. Faites tourner un cycle à 40°. Rincez. On obtient une inattendue et délicate couleur rousse que ne laissait pas présumer la médiocre qualité du produit.

Vous utiliserez tout aussi efficacement ce mauvais thé pour capter les mauvaises odeurs, en particulier dans une casserole qui a brûlé et qui, même récurée, continue de sentir l'horrible calciné : faites bouillir quelques infusettes éventrées dans la casserole, laissez refroidir, frottez bien le métal avec les débris de "thé", rincez. Testé récemment : c'est magique.

"Le recours de la méthode"
Revenons au bar du coin où l'inf-inf-inf (infusette infâme au goût infect) trempouille dans l'eau calcaire et brûlante du perco giclée avec la dernière brutalité dans un récipient abusivement qualifié de théière, mais qui a la contenance d'une tasse et un design à faire fermer la Biennale du même nom. Les gens qui, après bien des tergiversation silencieuses etc., se sont résolus à commander un thé, retirent alors immédiatement l'infusette du récipient minable (parfois en inox, aggravant) "pour qu'il ne soit pas trop fort". Il s'agirait d'obtenir un breuvage non pas marron café mais blond, comme on peut en avoir le souvenir (tasses à thé en porcelaine décorée où l'on versait l'or parfumé lorsque le soir tombait sur le Crêt de la Dole enneigé et que les prés sentaient la fumée dans l'air glacial. Il se trouvait sur l'assiette, en général, une tranche de cake au citron, et en avant la madeleine proustienne !). N.B. Ce souvenir est jurassien, et comme tel il repose dans la malle aux trésors de la Taulière dont l'enfance, faut-il le rappeler, s'est déroulée là-bas, là-haut.

Funeste erreur que cette infusion-express ! Vous n'êtes pas sans ignorer (comme disent ceux qui croivent parler un langage soutenu, mais qui n'est plus soutenu par rien)... Chacun sait, donc, que dans le processus d'infusion du thé, le premier produit libéré est la caféine (ou théine - c'est pareil : 1,3,7-triméthylxanthine). Trente secondes d'infusion : effet dynamite !! Dans la minute qui suit, le thé libère des tanins (notamment les polyphénols) et des acides aminés. Ces substances diminuent l'effet excitant du thé. L'infusion optimale est en général de deux minutes. Au-delà, le breuvage "épaissit" et a tendance à "coller aux dents" (effet desséchant sur la bouche).

L'auto-suggestion comme principe de vie
On boit donc ce truc chaud - indéniablement chaud : on a les lèvres pleines d'ampoules - et super-chargé en caféine, en se disant zut alors, je ne vais pas fermer l'oeil cette nuit, tant pis ça réchauffe (l'histoire ne se situe pas aujourd'hui). Et là, c'est gagné ! L'auto-suggestion fera le reste : il est interdit de prendre du plaisir au thé de cinq heures, la pénitence, mon enfant : vous ne dormirez pas pendant huit heures de rang et vous aurez les dents rêches. Lisez donc un roman du paterne Auster pour passer le temps, tiens.

Si le-la candidate à l'insomnie réfléchissait cinq minutes, il lui apparaîtrait que les populations de l'est de l'Europe (depuis l'Ukraine, tiens, jusqu'aux îles orientales du Japon) ne forment pas, depuis cinq mille ans, d'innombrables bataillons d'agités de la nuit qui rament pour fermer l'oeil à l'aurore avant d'attaquer leur journée de boulot, ad libitum... Du tout : figurez-vous que ces gros buveurs de thé dorment normalement depuis 2737 avant Jean-Claude !

Des solutions existent !
Côté, bar, pour faire avec ce qu'on a, la solution est assez simple : demandez que l'infusette ne soit pas mise dans la théière mais à côté. Ouvrez le couvercle de la théière pour refroidir légèrement l'eau. Déchirez avé les dents (vers le haut, près de la ficelle) le sachet de... de... bon : de thé. Otez la moitié de la poudre, que vous laisserez baigner dans la sous-tasse humide (ça peut faire réfléchir le taulier), et faites tremper l'infusette ainsi "re-dosée" avec précaution, pour que la poudre restante ne s'échappe pas dans l'eau. Comptez jusqu'à 60. Comme on dit, ce sera moins pire.

Sinon, préférez les établissements qui servent du thé D. (infusette cristal), lequel est parfaitement dosé. Au besoin, demandez un pot d'eau chaude supplémentaire. On reconnaît les bons bistrots à au moins deux critères : la taille de leur théière et l'excellence de leur côte-du-rhône (pour d'autres moments). Si en plus il n'y a pas de "musique" ni d'écran allumé, alors vous tenez un café digne de ce nom.

A propos de pinard : le blanc aussi donne des insomnies, de quoi vous en faire passer le goût. Le goût du blanc, que vous chérissiez tant.

Prochainement, recette du thé "à la maison", celui qui laisse aux Orientaux des nuits paisibles.

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(*) L'histoire est bien connue : les Anglais, dans leur perfidie historique, se sont toujours approprié les meilleurs thés issus des jardins himalayens. La première infusion de la first quality va directos chez Mom' the Queen et la royal family, c'est bien normal. Les infusettes pressées après utilisation à Buckingham ne sont pas jetées : elles sont fournies gracieusement aux prisons du Royaume. Bien. Dans les taules anglaises, on ne jette pas non plus les infusettes des taulards (2e passage). On les récupère pour des raisons budgétaires. Séchées et repassées, reconditionnées en sachets jaunes dans un atelier par les taulards eux-mêmes, elles sont exportées... vers la France.