En voilà assez.

Des mois que la presse de droite s'acharne sur le gouvernement grec. La bonne vieille presse bien pourrave que la Taulière va se faire un plaisir de citer pour une fois : Figaro en tête, Le Point qui fait un travail de sape permanent, l'Express qui se déguise en presse de centre gauche mais dont le faux-nez crève les pages - et toute la presse dite "économique"... Encore est-on bien bonne de qualifier de presse une officine comme BFMTV qu'on a vue à l'oeuvre dans des circonstances dramatiques en janvier dernier, en train de curer les caniveaux avec la langue. Et j'en oublie sans doute. Et l'on ne mentionnera RTL que pour parachever l'écoeurement.

Des mois que les Grecs y sont qualifiés tour à tour de voyous, d'irresponsables, de paniers percés aux frais de l'Europe, de feignants, de bolcheviks... Des mois qu'on y héberge les propos de politicards comme l'inoxydable (qu'il croit) Sarkozy - mais pas que : NTM croit malin de déclarer (il est vrai que c'est sur TF1, ça n'a pas grande importance, ici on ne détaille pas le contenu des poubelles), que "la Grèce ne doit pas être la CGT de l'Europe". T'inquiète, ma poule, Syriza fait peur même à la CGT.

La Taulière conseillait à Yanis Varoufakis, il y a quelques semaines, de se barrer. C'est chose faite : "Minister no more". Au revoir et merci, M. Varoufakis (*). Le non cravaté de l'Europe exit (ha ha), à qui le tour ? Euclide Tsakalotos, crédité d'un taux de keynésisme supérieur à celui de Yanis V., prend le manche. Il est bien vu, il sort de l'establishment british où il a fait toutes ses études et commencé brillamment un prestigieux cursus. Et pis il a un patrimoine impressionnant, ça va inspirer le respect aux institutions financières européennes.

Enfin, faut-il rappeler que les Grecs ont voté à 61% contre le plan d'austérité infligé à Tsipras pour son pays ? Un gouvernement de voyous dilapidateurs de l'argent mondial, soutenu à ce point par une population unie qui se goinfre avec des retraites d'une moyenne de 300 euros mensuels, c'est vrai que c'est tout de même curieux.

Que ne s'étonne-t-on de n'avoir vu, depuis les J.O. de 2004, aucun article traitant de l'impact sur l'économie grecque des dépenses somptuaires effectuées pour construire un ensemble de sites aujourd'hui abandonnés ?

Même l'Obs (le Plus) qui a publié hier ou avant-hier un entretien avec Geórgios Katroúgalos, ministre de la Réforme Administrative, auquel on souhaite bonne santé et bon courage, réalise le tour de force d'une interview totalement à charge, n'hésitant pas à relever très discourtoisement que l'interviewer a été accueilli au ministère par "trois personnes assises derrière une table", ce qui, d'après l'Obs, est le symbole visible d'une incurie et d'une gabegie administrative sans pareilles.

C'est vrai que c'est plus classe en France où, avant de fouler une moquette ministérielle, on se casse le nez successivement sur un pool d'une huitaine d'assistantes, un-e (des) chef(s) de cabinet, un dircab, quand ce ne sont pas les attaché-e-s qui rôdent, chacun-e de ces fonctionnaires étant doté d'un espace de travail où une famille grecque élargie trouverait à se loger, et d'un outillage numérique haut de gamme qui doit coûter à peu près 500 fois le prix de la table grecque des trois malheureux fonctionnaires, lesquels ramènent tout de même, avec leur traitement, de quoi bouffer sans doute à une vingtaine de personnes.

Ah les salauds de Grecs, salauds de pauvres ! Trois personnes assises - assises, vous avez bien lu ! Feignasses, va - derrière une table ! Pas étonnant que Sarko se lamente sur les quelques 2300 euros que, selon lui (mais on aurait plus vite fait de lister ici les conneries que le nabot n'a pas dites) les Grecs devraient à chaque famille française.

Tiens, tu sais quoi, Sarko ? Du haut de son découvert endémique, la Taulière en fait cadeau aux Grecs, des 2300 balles. Fume !

Lançons sur les réseaux sociaux un mouvement "Adoptez un Grec pour 2300 boules".

Merde alors ! Y en a marre.

C'est drôle comme on a la mémoire courte. Il n'y a pas si longtemps que quelques pays d'Amérique centrale et du Sud envoyaient chier le FMI et se sortaient honorablement d'une situation économique catastrophique. Plus grand monde ne regarde par là-bas actuellement... Or, la situation en Bolivie, en Equateur, au Chili, en Argentine, au Vénézuéla et au Brésil, ne fait plus la une mais ne sera jamais pire que lorsque ces pays subissaient - sous couleur de FMI d'ailleurs - la loi yankee. Les latinos cherchent à créer - et y réussissent - leurs propres organes de contrôle internationaux (Cf ALBA), Morales en est à son troisième mandat, les Ricains n'ont pas (encore) eu sa peau.

Souhaitons donc tous ensemble et très fort que la Grèce réussisse dans ce qu'elle entreprend : cheminer sur une voie plus étroite qu'une semelle de taille 36, entre pression insupportable des groupes financiers mondiaux, pression exercée via les institutions européennes, et tentative de redresser et de réformer son économie sans faire plus de dégâts qu'il n'y en a déjà, dégâts dont la "presse" citée plus haut oublie avec élégance à qui il conviendrait de les imputer, si l'on s'était acheté une conduite en fait d'honnêteté et d'indépendance journalistiques.

Souhaitons très fort que d'autres pays en Europe (à commencer par l'Espagne, qui semble bien partie) leur emboîte plutôt le pas pour réaliser ce que les leaders gauchos latinos ont réussi, et que tous fassent preuve d'une solidarité contagieuse. Souhaitons que la France, en 2017, se trouve un gouvernement plus offensif que l'actuel (pas difficile) et rejette massivement l'UMP dite LR, un vrai gros coup de pied au cul.

Quoi, y a pas de candidat crédible à gauche des socialo ? Ben oui c'est vrai. Faut qu'on se mette à carburer, les aminches.

En attendant, qui aura le courage de lancer un "Stop Greece bashing" sur les réseaux sociaux ?

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(*) La suite du feuilleton :

Vendredi 10 juillet au soir : Tribune de Varoufakis dans le Guardian, qui se conclut par ces mots : « Si je me fonde sur mon expérience des négociations, ma certitude est que le ministre allemand des Finances souhaite que la Grèce soit exclue de la monnaie unique, afin de faire une peur bleue à la France et de les conduire à accepter leur modèle d'une eurozone disciplinée ».

Samedi 11 juillet : « Depuis une semaine, l’Elysée est monté en première ligne pour défendre la Grèce dans la zone euro sans ménager sa peine, en allant jusqu’à mettre à disposition des Grecs des experts du trésor. Et quitte à se retrouver un peu seule dans cette bataille. ». En savoir plus dans Le Monde.fr du 11/7

Une occasion de relever nos têtes françaises ?

En revanche, les déclarations de Wolfgang Schäuble, leader des "Faucons" de l'Eurogroupe, a fait circuler à Bruxelles le 10 juillet justement, en amont de l'Eurogroupe, une lettre dont les termes donnent raison à Yanis Varoufakis, qui avait beau jeu de les évoquer dans sa tribune : il est à peu près certain qu'il en avait eu connaissance avant d'écrire cette dernière. Voici donc ce que propose Schaüble :

« Au cas où la soutenabilité de la dette et les propositions de réformes ne seraient pas réalistes, il faudrait proposer à la Grèce une sortie temporaire de la zone euro, avec une possible restructuration de sa dette, si nécessaire dans un club de Paris, dans les cinq prochaines années ». (Même source que précédemment)

Vous verrez qu'ils vont y aller... Ce ne sera plus un Grexit mais un Greece-firing (foutage dehors)