C'est le titre américain, encore une fois vachement plus explicite, adapté au contenu, que le titre français banal à pleurer, d'un réjouissant ouvrage dont la Taulière se paie régulièrement la relecture, même en l'absence de toute disette littéraire.

"Raymond Chandler / Lettres / Tome 1", trad. Michel Doury, préface de Philippe Labro, Paris, Christian Bourgois éditeur, 1970

Aussi concis qu'un aboiement de Marlowe au téléphone, Chandler Speaking nous ouvre la mécanique interne d'un franc-tireur sacrément doué, et d'un spécimen rare : un auteur de polars californien nourri et abreuvé à une éducation anglaise littéraire, connaisseur de Shakespeare et rompu aux arcanes du scénario à l'époque glorieuse (? hum) de Hollywood.

La préface de Labro, lamento éperdu d'amour pour cet auteur inclassable devenu classique, sera parcourue avec intérêt si l'on fait abstraction des excès de langage qu'il s'autorise au plus fort de la passion : "me recueillir quelques instants sur la tombe du cher Raymond..." ; "Mais (n'est-ce pas, Fitzgerald ?)" ; "Mais foin de littérature ! Voici que cette vieille putain..." etc., abus qui lui auraient valu, de la part du cher Raymond, une de ces sorties vachardes et définitives, genre croche-patte au bord du ravin, qui font le sel, le poivre, enfin la substance de cette correspondance.

Labro déplore que les romans policiers de Chandler aient été mal traduits. C'est le cas - selon l'expérience de lectrice de la taulière - d'une bonne partie de la production du genre, et ce n'est pas, hélas, un sort réservé aux seuls polars. Cette traduction de la correspondance de Chandler souffre du même mal à un point difficilement pardonnable. Elle est l'oeuvre - si l'on peut s'exprimer ainsi - d'un prof d'anglais qui a publié quelques romans à la même époque.

VOULEZ-VOUS VOUS TAPER UNE LONGUE DIGRESSION DE LA TAULIERE A PROPOS DE TRADUCTION ? Si oui, continuez votre lecture ci-dessous à 1. Sinon, sautez à 2 (*).

1 - L'OBSESSION DU PASSAGE DE LA LIGNE

La Taulière a pesté, en son temps, contre le laminage dont furent victimes Steinbeck, Faulkner ou Caldwell, pour ne citer qu'eux - mais ce n'est pas un hasard s'ils sont réunis ici, parce que ces trois auteurs ont écrit sur l'Amérique profonde, rurale - commis par un gars qui a beaucoup et souvent frappé dans les années 30 à 60, nous voulons parler de Maurice Edgar Coindreau.

Comme quoi on peut être agrégé, extrêmement plus beaucoup mieux cultivassé que mille Taulières, fussent-elles même docteuresses en la chose littéraire, ce qu'à dieu ne plaise, ou même, comme le dit pour notre plus grande boyauderie Belletto, le génie lyonnais qui a introduit l'art du calembour potache dans le corpus policier, "fussent-elles de Coulanges", ha ha, et échouer à faire autre chose qu'appliquer une unique et lassante grille lexicale à la traduction de trois auteurs aussi radicalement différents (sans parler d'Hemingway et de bien d'autres).

M.E. Coindreau réussit ainsi à nous donner l'impression de lire toujours le même bonhomme qui raconterait toujours la même histoire sous plusieurs noms différents. En particulier, Coindreau affectionnait "endêver" et "giries", deux mots qui, pour être intrinsèquement jolis, sont sans doute tombés en désuétude tout de suite après George Sand et filaient la nausée au lecteur par leur répétition à l'infini dans tous les livres qu'il a traduits de l'américain, donnant ainsi l'impression que tous ces auteurs ne traitaient que de paysans arriérés du Berry passant leur temps, avachis dans leur dodine, s'pas, Mr K :-) à faire endêver leurs proches en leur reprochant leurs giries... Et ce ne sont que quelques exemples, seigneur.

On ne veut pas de mal à M.E. Coindreau, qui a eu le mérite de servir les romans américains majeurs de l'époque au lecteur français, fût-ce en affublant ces pauvres romanciers de salopettes trop grandes pour eux et en colorant uniformément leur prose au jus de chique. Beaucoup de traducteurs (les Russes n'y ont pas échappé, y compris par Markowicz qui, à force de dépoussiérer Dostoïesvski, finit par nous donner à lire non pas l'auteur russe mais un texte écrit par un Français "habité" par Dosto : Markowicz) n'ont réussi que partiellement dans cette performance inimaginable, pas assez saluée par la critique, qui consiste à transposer d'une langue à l'autre non seulement la lettre, l'esprit, mais aussi le cadre, le contexte spatial et temporel et, in fine, la poésie exprimée ou implicite d'une oeuvre, disparaissant pour finir derrière l'auteur avec une discrétion qui n'a d'égal que leur génie linguistique.

Tâche qui relève de l'impossible ! Pourtant, nombre de talentueux traducteurs l'ont accomplie. Certain-e-s collent à la version originale avec une humilité et une exactitude d'orfèvres, je pense à Le Boeuf qui a si bien traduit Auster qu'en lisant celui-ci dans le texte, on ne fait aucune différence et que l'on peut naviguer de l'une à l'autre version sans déprimer ! Il est vrai qu'Auster est francophone, francophile et lui-même traducteur de Dupin, Blanchot, Sartre, Mallarmé, etc. ce qui a dû leur donner bien de la fraternité collaborative, mais cela n'enlève rien à l'art délicat de Christine Le Boeuf. D'autant plus que la prose d'Auster, en apparence simple voire dépouillée, linéaire et factuelle, est en réalité complexe et très nuancée. Signalons à ce propos les pages consacrées par Auster dans son essai "L'Art de la Faim" à son propre travail de traduction du Pont Mirabeau ou des poèmes de Paul Celan.

D'autres, comme Quadruppani (**), à qui revient tout le plaisir qu'on éprouve à lire Camilleri en français, ont pris un parti et l'ont assumé, en ont maîtrisé l'usage et ont ainsi paradoxalement restitué intact le "jus" de leur auteur. L'avertissement que donne Quadruppani en préalable à son travail explicite fort bien ce parti pris (invention de mots en français, non traduction d'expressions qui, laissées dans leur dialecte, sont compréhensibles par le contexte, laissant ainsi au lecteur une petite part de jeu ; utilisation de mots du registre provençal, etc.), une réussite, même pour qui ne parle pas du tout l'italien, encore moins le sicilien. Alors que les traductions précédentes de Dominique Vitoz ne donnent, de cet auteur truculent, qu'une version distordue en parler guignol lyonnais (une aberration littéraire et culturelle).

Pour le peu que la Taulière connaît de langues étrangères, elle ne peut guère parler que de l'anglais et de l'espagnol. Garcia Marquez n'a pas toujours été bien aidé non plus - il traîne en particulier une indigente version de Cent ans de solitude que je ne citerai même pas. Mais le Colombien avait, parmi ses maîtres, Rabelais et il a inventé beaucoup de mots ou introduit des éléments dialectaux, ce qui ne facilite pas la tâche.

Au fond, ce pour quoi la Taulière en tient, c'est pour le plaisir éprouvé à lire, grâce à la bonne traduction française d'un bon livre étranger, une langue fluide, grammaticalement impeccable, aux conjugaisons concordantes - ou au contraire une langue volontairement argotique voire vulgaire (en vérité, je ne sais pourquoi j'ai l'air d'opposer l'une à l'autre, ce n'est pas le même plan), pourvu que ce soit rendu, ce qui permet, en quelque sorte par transparence, d'apprécier le texte original de l'auteur même si on ne pratique pas sa langue, et surtout d'être invité-e dans son univers mental. Les mauvaises traductions vous laissent à la porte, ou pire, si vous comprenez la langue de l'auteur, vous heurtent douloureusement comme des angles de commodes mal placées lorsque vous devinez la version originale à travers une phrase en français mal gaulée, qui "gêne" la lecture sans qu'on sache bien toujours pourquoi, mais enfin, ça fait des bosses, c'est indigeste.

Le comble de la médiocrité malhonnête c'est par exemple un certain Victor Liona, lequel a suffisamment vécu aux Etats-Unis pour essayer de faire le job correctement et qui a pourtant massacré Gatsby. On sait de quoi l'on parle, ayant lu ce bijou d'abord dans la traduction Liona en Poche, puis dans le texte original, avec l'impression de découvrir une histoire nettoyée, épurée, restaurée ; une troisième lecture conjointe enfin, la "traduction" à côté, nous ayant convaincue du manque de respect de Liona pour le bijou de Fitzgerald.

Pour finir ce tour rapide de la question, demandons-nous s'il convient de réécrire par exemple Madame Bovary, ou Les Liaisons dangereuses ? Certainement pas, vous récriez-vous. La langue de leurs auteurs (c'est aussi vrai pour Balzac, Stendhal, Hugo, Madame de Lafayette, qui nous livra la Princesse de Clèves en 1678, ou, plus près de nous, le père Proust), est parfaitement lisible, comprise - mieux : appréciée, jusqu'à trois cents ans plus tard - sans (re)parler de Rabelais. Dès lors, pourquoi serait-il besoin de publier de nouvelles traductions des auteurs étrangers des mêmes époques ? Si le traducteur/trice fait son boulot, il doit livrer un texte aussi intemporel que l'original, que celui-ci ait été écrit en 1700 ou en 2015. Lorsqu'on éprouve le besoin de "toiletter" une traduction, ce n'est pas que la précédente soit périmée : c'est qu'elle était mauvaise. Dès lors, il n'est que de re-traduire inlassablement les ouvrages maltraités. Jusqu'à ce qu'on publie une traduction elle aussi intemporelle ?

Si l'on se reporte à la bibliographie de Chandler lui-même, on voit que la plupart de ses polars ont fait l'objet de nouvelles traductions dans les années 90 si fortement marquées par l'apparition de talentueuses collections policières (Rivages Noir, Carré Noir, Le Poulpe, etc.) en même temps que par l'accroissement soudain de la recherche consacrée à ce domaine particulier de la littérature. Sous réserve de lectures de ces re-traductions, on devrait donc s'en féliciter.

Pardon pour cette longue parenthèse, la traduction étant la manie d'une qui, indubitablement, a raté sa vocation et son métier - pour redire que la correspondance de Chandler souffre, elle aussi, d'une traduction au minimum faiblarde et trop souvent bourrée de contresens. A la décharge du traducteur, la lecture dans le texte d'une lettre de Chandler m'a fait entrevoir la difficulté. C'est pourquoi, à la relecture, la Taulière avoue s'est montrée très injuste avec Doury. Ce traducteur a eu quelques malheureux partis pris, emploie parfois des expressions un peu effarantes (il parle à un moment d'une "petite" (pour une femme) qui est "mettable". Il me semble très improbable que Chandler ait employé un terme d'argot aussi vulgaire, je me demande si Doury lui-même s'est rendu compte, ou s'il a fait un lapsus (significatif, hé hé) en voulant dire "sortable". Mais il a réussi de très bonnes pages. Le paragraphe à propos d'argot, justement, cité ci-dessous, est un modèle : Doury a donné un bon rythme à la phrase (ou conservé le bon rythme de Chandler), Bref : ça roule.

Chandler dit avoir rencontré des problèmes de traduction. Il déplore, à propos de la version italienne d'un de ses bouquins, que le traducteur ait essayé d'inventer un langage plutôt que d'utiliser les codes admis du polar italien, comme c'est le cas, dit-il, en France. Chandler a raison. Evidemment : il connaît son affaire. Inventer un langage est certes casse-gueule. N'est pas Quadruppani qui veut. Rencontrer sous la plume de cet auteur vénérable (ne labroïsons tout de même pas de trop) une opinion si concordante avec la sienne fait la Taulière ébouriffer ses plumes et se rengorger imperceptiblement.

2 - CHANDLER PAR LUI-MEME

A suivre quelques extraits. On est tentée de recopier tout le bouquin mais on se retient, allez donc l'acheter ou le voler - nous parlons du Tome 1, le 2 pas encore lu. Signalons au passage que plusieurs blogs littéraires regorgent de citations de Chandler et en particulier de ce livre-ci. On se limitera donc (qu'est-ce que ça serait si la Taulière ne se limitait pas !!!) à un échantillon de ses considérations sur le style, sur la presse et sur l'industrie du cinéma.

Il y a bien d'autres diamants dans cette correspondance : une analyse rigoureuse de la construction d'un bon polar (si vous voulez vous essayer au genre, un conseil : suivez pas à pas le tuto de Chandler) ; une approche du style bien plus fouillée que ne le laissent entendre les extraits ; tous les éléments du célèbre "Simple art of murder" - apparemment non traduit en français - et un tour d'horizon du monde littéraire : éditeurs, agents (dont le drolatique "Ten per cent of your life"), écrivains... non seulement issu de sa propre expérience d'auteur, mais aussi éclairé par son passé d'homme d'affaires (Chandler est un auteur tardif, ayant consacré la première partie de sa carrière aux pétroles), à qui on ne la fait pas à l'envers. On y trouve enfin plusieurs analyses fort pertinentes de crimes célèbres. Le démontage de certains de ses bouquins, ses relations avec les chats... Une biographie de Marlowe, son héros récurrent. Enfin, un aperçu assez poignant de sa propre vie.

A propos du style et de "l'outil-langue"

Extrait d'un carnet de travail, notes sur les styles anglais et américain :

"Les mérites du style américain sont moins nombreux que ses défauts et ses inconvénients, mais ils sont plus forts (sic pour le traducteur).
C'est une langue fluide, comme l'anglais de Shakespeare, et qui adopte facilement des mots nouveaux, ou les sens nouveaux de mots anciens. Elle emprunte à volonté et à son aise les usages d'autres langues, par exemple les mots composés allemands, ou l'emploi du nom et de l'adjectif comme verbe. Ses sous-entendus ne sont pas devenus la subtilité conventionnelle qui est en fait un langage de classe.
Elle s'empare des clichés. Son action est au niveau (re-sic) de l'émotion plutôt qu'intellectuelle. Elle exprime des choses vécues plutôt que des idées. C'est un langage de masse seulement en ce sens que l'argot du base-ball vient des joueurs de base-ball. C'est-à-dire qu'il s'agit d'une langue formée par des écrivains pour des tâches délicates, tout en restant à la portée de gens à l'éducation superficielle. Ce n'est pas une croissance naturelle comme ses écrivains prolétariens le voudraient.
Si on le compare à la langue américaine au mieux de sa forme, l'anglais a atteint à cette époque byzantine de formalisme et de décrépitude."
(...)
"Comme le pouvoir politique domine la culture, l'américain dominera l'anglais pendant longtemps. Mais la langue américaine n'a pas encore pris conscience d'elle-même - elle n'est pas encore assez bonne. L'Amérique est un pays de production de masse qui en vient seulement à la notion de qualité. Comment l'Amérique peut-elle produire une littérature de qualité ? La réponse, c'est que le meilleur a été écrit par des gens qui sont, ou ont été, cosmopolites. Ils y ont trouvé une certaine richesse de vocabulaire, une certaine variété d'intérêts. Mais il leur fallait le goût européen pour utiliser ce matériau."

Lettre à Hamish Hamilton (son éditeur londonien), avril 49 :

"Shakespeare aurait réussi à n'importe quelle époque, car il aurait refusé de se laisser crever dans son coin ; il aurait adopté les faux dieux pour les transformer ; il aurait pris les formes admises et il les aurait obligées à dire ce dont on les croyait incapables. Vivant aujourd'hui, il aurait sans aucun doute fait des films, des pièces ou Dieu sait quoi.
Au lieu de dire "ce moyen d'expression ne vaut rien", il s'en serait servi et il l'aurait rendu bon. Si certains avaient trouvé une partie de son oeuvre sans valeur (ce qui est le cas), il s'en serait complètement foutu, sachant qu'il n'y a pas d'homme complet sans une petite touche de vulgarité.
Il aurait détesté le raffinement en tant que tel, car c'est toujours un refus, un recul, et il était bien trop fort pour reculer devant quoi que ce soit."

A propos d'un ouvrage d'un certain Partridge, qui avait publié un genre de somme sur l'argot censément en vigueur aux EU à cette époque, Chandler lui règle son compte de très réjouissante manière (mais c'est le cas le plus souvent car, dans cette correspondance, on voit tomber comme à la Foire du Trône : la presse ; l'industrie du cinéma ; la critique, la télévision, etc.) :

"Les soi-disant experts ont plus souvent l'oreille collée à la bibliothèque qu'au sol."
(...)
C'est très difficile pour l'homme de lettres de faire la différence entre une véritable expression du langage des truands et une forme inventée. Comment dire à quelqu'un de s'en aller ? Sram, beat it, take off, take the air, on your way, dangle, hit the road, et ainsi de suite. Tout ça, c'est très bien. Moi, je préfère l'expression authentique employée par Spike O'Donnell (des frères O'Donnell de Chicago, la seule petite bande à dire au gang d'Al Capone d'aller se faire foutre). Voilà ce qu'il a dit : Be missing (sois plus là). Réserve implacable".

A propos des journaleux :

Lettre à son agent, Edgar Carter, 1951 :

"Picture Post, c'est pour les gens qui remuent les lèvres en lisant. Mon éditeur anglais, Hamish Hamilton Ltd., leur donnera sûrement tout ce qu'ils peuvent souhaiter savoir à mon sujet. La question d'eux que vous me citez montre bien le niveau intellectuel du bureau de la rédaction de Picture Post.
Oui, je suis exactement comme les héros de mes livres. Je suis un vrai dur et l'on m'a vu briser un croissant entre mes doigts. Je suis très beau, avec un physique puissant, et je change régulièrement de chemise le lundi matin. Quand je me repose entre deux affaires, j'habite un château à la française dans Mullholland Drive. C'est une bicoque de quarante-huit pièces avec cinquante-neuf salles de bains. Je dîne dans de la vaisselle d'or, et je préfère être servi par des danseuses nues. Mais bien sûr il y a des moments où je dois me laisser pousser la barbe et me terrer dans un garni minable de Main Street, et il y a aussi des fois où l'on m'enferme malgré moi avec les poivrots dans la prison municipale.
J'ai des amis dans toutes les couches sociales. J'ai quatorze téléphones sur mon bureau, avec des lignes directes pour New-York, Londres, Paris, Rome et Santa Rosa. Mon classeur dissimule un bar très pratique, et le barman habite dans le tiroir du bas. C'est un nain. Je fume beaucoup et, selon l'humeur, je fume du tabac, de la marijuana, de la barbe de maïs ou des feuilles sèches. Je rassemble beaucoup de documentation, en particulier dans les appartements de grandes blondes.
Je trouve mes thèmes de différentes façons, mon moyen préféré étant de fouiller dans les bureaux d'autres écrivains après leur départ. J'ai trente-huit ans depuis vingt ans. Je ne me considère pas comme un tireur d'élite, mais, avec une serviette mouillée, je peux être un homme très dangereux. Tout compte fait, je crois quand même que mon arme favorite, c'est un billet de vingt dollars."

Lettre à son agent Bernice Baumgarten, 1949 :

"Je m'en veux à cause de ce projet avec Newsweek. - Je m'en veux, et à personne d'autre, parce que je me suis encore laissé prendre à ce jeu plein d'embûches, la publicité. (...)
Alors on leur donne tout ce qu'ils veulent savoir, on parle à s'en rendre idiot, on s'épuise à poser pour Dieu sait combien de photos, on fait tirer pour eux des épreuves de vieilles photos, et en fin de compte, non seulement ils ne tiennent pas ce qu'ils avaient promis, mais en plus ils ne publient même pas la critique du bouquin.
Ce qui me blesse ici, c'est un sentiment de culpabilité non récompensé, comme le pickpocket qui volerait un portefeuille vide."

A propos des lecteurs des maisons d'édition

Lettre à Edward Weeks, The Atlantic Monthly, 1948 :

"Veuillez présenter mes devoirs au puriste qui lit vos épreuves et lui dire que j'écris une espèce de patois, un peu comme la langue parlée par un maître d'hôtel suisse, et que lorsque je semble faire des fautes de grammaire, nom de Dieu c'est exprès, et quand j'interromps le développement velouté de ma syntaxe plus ou moins élégante avec un mot ou deux de l'argot des bars, je fais ça les yeux grands ouverts, l'esprit tranquille mais sur le qui-vive. La méthode n'est peut-être pas parfaite, mais je n'ai pas mieux. Je trouve que votre correcteur est bien gentil de vouloir me remettre dans le droit chemin, et je lui en suis bien reconnaissant, mais je crois être capable de me diriger tout seul, à condition d'avoir les deux trottoirs et la chaussée à moi."

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(*) A la façon de "Conte comme il vous plaira" - ce n'est pas le titre exact mais j'ai la flemme de chercher, de Queneau je crois. Références à revoir.
(**) A propos de Serge Quadruppani, on a découvert récemment et par hasard (les hasards d'internet !! Parfois, soit louée la toile) son blog, dont on recommande très chaudement la lecture. C'est pas si souvent qu'écrivent les honnêtes hommes. Et aussi celui-là.