L'Express commente le déroulement de la cérémonie d'hommage aux victimes du 13 novembre.

« Familles et blessés assistaient à la cérémonie depuis la vaste tribune de 2.650 places érigée dans la cour d'honneur de l'Hôtel national des Invalides. Devant eux, jusqu'à son discours, assis seul sur une simple chaise, François Hollande. »

Ils pensaient le voir assis sur quoi ? Un trône ? Dans un command-car ?

Que de récits compassés n'aurons-nous pas dû endurer, avec leur son creux, leur écho vide aux drames...

Mieux vaut écouter ceci, sur quoi notre attention a été attirée par Robert Rapilly - qu'il en soit remercié - en direct du Nord et de France Culture (émission "Les Pieds sur terre", pour l'occasion un spécial "Pieds sur scène" à Lille) du 27 novembre : il s'agit du récit de Nordine Baraka, "directeur technique" (on n'en saura pas plus, dans un premier temps, sur cet homme remarquable mais on apprendra beaucoup de lui en l'écoutant).

Nordine Baraka est en visite sur les traces de sa jeunesse à Hénin-Beaumont. Pour l'entendre allez directement à 18:39. Mais on peut écouter la totalité de la bande bien sûr.

Nordine Baraka n'est pas assis, lui. Même pas sur une « simple chaise ». C'est un homme debout.

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Addendum : la moisson de ces derniers jours

1 Chez le kiné

La Taulière pédale en côte. Sur le tapis voisin, une dame s'éclate avec des haltères et tire sur des élastiques. Une conversation est en cours avec le kiné à propos de régionales et de ce qu'on-n'y-comprend-rien. En plus, nous on devient "Rhône-Alpes Auvergne", mais ils veulent qu'on dise "Auvergne-Rhône-Alpes", ce qui, d'un point de vue euphonique, est con.

Bref, la conversation dérive, puis soudain dérape :

- Vous savez, commence la dame dont le travail aux haltères n'améliore visiblement pas l'unique neurone, vous savez, en Australie, eh ben, les Maghrébins, ils leur disent que s'ils sont pas contents ils les renvoient chez eux.

- Ho ho, relance la Taulière... Des Maghrébins... ??? En Australie ? Vont loin pour émigrer maintenant dites-donc (sourire sarcastique)
- Non, je veux dire, des islamistes.
- Ah, vous voulez parler des personnes immigrées de confession musulmane...
- Oui, voilà, c'est ça ! Eh ben ils les RENVOIENT CHEZ EUX
- Oui, rétorque benoîtement la Taulière : mais ici c'est plus compliqué : si on dit ça à un "Maghrébin", il va nous répondre "ne vous donnez pas cette peine, chez moi, c'est juste là en face, voyez, l'immeuble au coin... Ou bien "la maison aux volets bleus". Vu qu'il est français depuis deux ou trois générations, le "Maghrébin"... Ca va pas être simple...

- Ooh, geint "l'haltérophile-j'suis-pas-raciste-mais", d'un air blessé : vous, vous êtes instruite, vous savez dire les choses, vous vous moquez de moi mais moi je me comprends

Eh ben allez, c'est bien l'essentiel...

2 Galerie marchande, devant l'entrée d'Auchan, samedi soir

La Taulière s'est laissé embarquer dans la collecte pour la Banque Alimentaire et plantonne de 17 à 20 heures. Pendant le lancement des festivités de Noël, un samedi, le centre commercial : lieu de séjour idyllique, inoubliable, je vous le recommande ("jingle bell, jingle bell..."). Et pourtant.

Bilan de l'opération, je vous le donne, Emile... Et là, la Taulière va faire de l'analyse à l'arrache, en gros, sans finesse, juste sur l'échantillonnage qu'elle a côtoyé pendant ces trois heures. Pas de raisons que ça ait été radicalement différent aux autres collectes. Donc :

- D'abord, la Taulière s'est bien divertie. Elle a retrouvé sa tchatche de la belle époque des tractages sur les marchés. Elle a hélé la pratique, poursuivi sans vergogne les filandreux qui tentent de franchir l'entrée du supermarché sans la voir (ne pas voir la Taulière à cet endroit, ça relève carrément de l'hypermétropie aggravée). Bonimenté, remercié très fort et très servilement et souhaité une excellente soirée aux couples aisés qui disent "non merci" d'un air emmerdé sans prendre le sachet tendu. Rigolé avec les djeun's qui viennent à l'abreuvoir acheter leur pack pour la soirée "vas-y, tu prends une boîte de petits pois en même temps, tu me laisses les petits pois tu gardes la vodka". Devisé avec certain-e-s, accompagné le petit qui va déposer son kilo de farine dans le chariot qui, peu à peu, se remplit (pas très vite tout de même).

- Sans surprise : les meilleurs donateurs sont les plus fauchés, ceux qui savent, comme le lui a confié un gars "au chômage depuis un an" qui a déposé dans les dix kilos de denrées. Plus les gens étaient fringués, plus ils entraient dans ce temple de la consommation effrénée, le regard torve, en affirmant sans rire : "non mais je vais pas faire de courses, là, je fais juste un tour". Oui, figurez-vous que les gens, maintenant, viennent prendre l'air dans les centres commerciaux en poussant un chariot vide, comme je vous le dis. Ce qu'on ne voit pas de nos jours tout de même.

- Au hit-parade des donneurs (la Taulière va faire du délit de faciès tous azimuts), gagnants toutes catégories : les clients originaires du Maghreb (du moins, ceux qui n'habitent pas provisoirement en Australie actuellement) ou d'autres pays arabes. Tous, vous avez bien lu. Les mecs seuls. Les mamans avec poussette et quatre mouflets. Les grosses familles. Les vieux. Les bandes de potes. Tous ! On va risquer un chiffre : à peu près 95 % des gens relevant visiblement de cette origine (encore une fois, à la très grosse louche) ont donné.

- Ceux qui ont le moins donné : les très très pauvres (une dame nous confie que la Banque Alimentaire elle connaît, vu qu'elle y fait ses courses) ; les habillés-de-bourgeois, donc (catégorie un peu vague, un peu abusive, je vous l'accorde), les couples âgés souvent (refus assorti de commentaires vaseux sur les sollicitations trop nombreuses, qu'il faudrait donner partout, etc.). Et les très jeunes, étanches à l'idée de misère ou simplement n'ayant en poche que l'euro nécessaire à leur achat.

- Enfin, ceux qui ont répondu "Non", les yeux dans les yeux, lorsqu'on les a interpellés : « un p'tit geste pour la collecte alimentaire, Madame, Monsieur » ? Les personnes - toujours au faciès - originaires d'Afrique subsaharienne, d'Asie, des pays de l'Est. Mais au moins, ceux-là n'inventaient pas une promenade de santé, ils refusaient carrément. Barrière de la langue ? Nous ne le pensons pas. Indifférence ou méfiance vis-à-vis d'une de ces "grosses machines" du caritatif... ? On ne saura pas.

- Intéressante expérience, qu'on peut faire très facilement. Il suffit d'aller voir, dans l'enseigne de votre choix, le bénévole superviseur de la collecte le premier jour - le vendredi (facilement repérable : c'est celui qui vient récupérer les chariots pleins et circule parmi les équipes) et de proposer un coup de main. Ils vous disent à quelle heure ils ont besoin de monde (plutôt le soir). Pléthore de volontaires le samedi matin, gros besoin de renforts à partir de 16 heures. On peut y aller pour une heure, deux heures (plus, c'est de l'abnégation). Ils sont davantage intéressés par une grosse rotation, car les bénévoles sont moins fatigués et pour ce "job", plus on a d'allant, plus on "ramasse".

- Méditation morose sur le chiffre d'affaire du magasin, au vu des chariots de collecte. L'enseigne ne s'y trompe pas, qui met en tête de gondole tous ses premiers prix, qu'on ne trouve jamais d'habitude (produits toujours planqués tout en haut ou tout en bas, au tréfonds). A qui profite le crime ? Mais que faire ? Ne pas donner ? De deux maux...

Quoi, le gilet orange ? Ah ben oui, tout bénévole est obligé de porter ce machin fluo qui est fourni sur place. Aggravant, le jour de l'ouverture de la COP21 : logo GRDF au dos. Mais rassurez-vous. Dans les cinq minutes on a oublié le gilet, y a trop de turbin on n'y pense plus (failli repartir avec).

Ah excusez-moi j'ai un fou-rire qui me monte, je vais pas pouvoir me retenir. COP21... Ha ha... COP21, ha ha ha ha ha, arrrrfffff ! Gnnnnnttttzzzzouarffff !! COP21, ho ho ho hahaha, hi hi ! Arrêtez j'ai des crampes.

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Pour la beauté, c'est souvent un peu partout : il faut juste savoir la dénicher... C'est ce qu'a fait mon estimé confrère en bloguerie, Mr K, sur ses Interférences référencées ci-en bas de page, en nous signalant Florence Trocmé, son blog "Le flotoir" et "Poezibao", revue de l'actualité poétique. Ecritures magistrales !