... ou presque : lundi dernier (un siècle !!), la Taulière arpentait le bitume avecques ses bâtons de marche pendouillés au poignet, parce qu'on était lundi, et que le lundi, vous savez.

Une mémé stéphanoise, une vraie, se retourne dans la rue et, le regard pétillant et moqueur, l'air de chercher les skis en regardant du côté de mes chaussures : "c'est pourtant pas qu'y a d'la neige !" (5 centimètres, pour une native, c'est rien c'est comme la plage en été).

Il règne ici un humour paysan, plus fin qu'il n'y paraît, où la légère moquerie est aussi une façon d'entrer en conversation si l'on a le temps. Et il faut le prendre, parce que ces instants, et ces gens, sont de plus en plus rares. On trouve de cet esprit dans la trilogie de Robert Sabatier et en particulier dans "Les Noisettes sauvages", où il raconte ses vacances en pays saugain (Haute-Loire).

Loire/Haute-Loire, les gens d'ici ne considèrent guère la frontière administrative, le commun est plus fort que la séparation départementale et quand on veut localiser on dit "c'est plutôt du côté de la Haute-Loire", ou "elle descend travailler sur Sainté".

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Quel est l'abruti, le criminel, qui a lancé la mode délétère de tousser/éternuer/cracher/se moucher dans son coude ? L'imbécile, le con.

Quand vous mesurez un mètre cinquante neuf et votre voisin de tram un peu moins de deux mètres (et même à 1,75 ça le fait), quelle partie de son vêtement vous frotte le nez ? Son anorak. Sa manche, du côté du coude oùs'qu'il a bien rangé ses sécrétions bactériennes. Idéal. C'est exactement ce qui m'est arrivé lorsqu'à la station un grand type a généreusement fait atchoum et garni sa manche d'un tas de produits intéressants, après quoi il est monté dans le tram et, la foule aidant, s'est retrouvé fort proche de moi, le bras levé pour se tenir à la barre. Contamination garantie 100 %.

Je ne dis pas que c'est ça, remarquez. On a fait la java vendredi entre enrhumés et bien-portants, on a partagé. Normal entre amis. C'est plutôt par ici qu'il faut chercher la cause. Des coudes emplumés, là, on en a côtoyé pas mal en se dandinant en rythme...

C'était un concert de vieux blues au Bar de Lyon, chez Gabin (on l'a surnommé comme ça à cause d'une ressemblance du patron, un peu "Quai des Brumes", faudra qu'on pense à l'en informer). Le groupe (lyonnais) s'appelle Chris Feeling Blues Band et on peut en trouver un aperçu ici, sur une vidéo qui ne rend pas forcément justice aux musiciens. Il y avait un petit batteur juste sorti de l'oeuf, en revanche, qui donnait un tempo bien plus intéressant que le papy là, sur l'image.

Tiens : si vous avez envie d'entendre un concert de glaçons par temps de pluie dans un temple calviniste, allez donc voir Esbjorn Svensson Trio en 2004 aux Jazzwoche Burghausen : batteur et pianiste ferment les yeux et, lorsqu'ils les rouvrent, ils ont l'air si peu intéressés par ce qu'ils voient qu'aussitôt ils les referment. Le contrebassiste semble un peu plus humain, il a même parfois l'ombre d'un sourire. C'est un très très beau concert, jazzistiquement parlant (tiens il est pas mal çui-là), mais à déguster sans regarder l'écran sous peine de s'emmerder ferme. Quant au public, c'est pas lui qui va faire flamber la scène.

A Marciac les mêmes, trois ans plus tard : même beauté musicale, même communication minimale. Tout de même l'esprit de Marciac leur insuffle un tempo un peu plus fiévreux, mais le batteur a l'air cette fois carrément dégoûté. Ou épuisé par la chaleur. Marciac, ça rigole pas question météo.

Regrets : je viens de réaliser que ce trio c'est "E.S.T.", dont le leader, Svensson, est mort bêtement en 2008, causant ainsi beaucoup de peine à un de mes collègues pour qui ce groupe, et surtout son pianiste, comptaient beaucoup. Il m'en parlait sans arrêt, écoutait en boucle leurs disques dans sa voiture. Eh bien, le monde du jazz a perdu en effet un très bon pianiste, Gérard, je suis rétrospectivement triste pour toi, that's true.

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La Taulière a réussi la performance d'habiter un appartement sis dans un quartier absolument, définitivement et désespérément in-ga-rable. Les copines en voiture font des tours et des tours en bas, cherchant l'impossible place, tandis que moi, peinarde dans mon sixième... Elles finissent par appeler pour que je descende chercher ce qu'elles voulaient m'apporter, et la petite visite à la gripouillée se passe, comme au grillage d'un convent, à l'entr'ouverture de la porte d'en bas où l'on se refile un sac d'un air conspirant, moi planquée derrière cinq écharpes comme une novice rougissante, elles, un peu énervées mais souriantes car elles savent vivre, mes copines...

Le dépôt du jour, c'est Marie-T. qui l'effectue : soupe de potiron, coulis de tomate, confitures (pas dans le même bocal, hein) ; carottes et potimarron du jardin.

Belle récolte ! Et belles amies.