Attendez un peu avant de crier à la pub gratuite. Il s'agit d'un fait divers à lire/écouter chez France Bleu Béarn, qui a trouvé sa conclusion le 18 janvier dernier.

Les chocolats suisses sont fabriqués dans les Pyrénées Atlantiques maintenant ? Ben oui. On doit être un peu leurs Chinois, aux Helvètes. Moins chers, moins socialement protégés.

C'est donc l'histoire d'une salariée non protégée justement, que vous pouvez lire dans l'article référencé ci-dessus.

Ce qui interpelle assez violemment la Taulière, c'est l'ironie de la conclusion : « Lindt and Sprungli n'a pas demandé de préjudice d'image pour ne pas accabler Ana ». Les braves gens ! Oui, mais on lui réclame - dette que le tribunal a validée "dans les limites des capacités financières" de la condamnée - la modique somme de 551 000 euros.

Ce serait le prix de l'enquête qui a permis de coincer Ana, travailleuse précaire de 57 balais, licenciée pour faute lourde - logique - donc sans indemnités ni recours. Ana glissait des trucs et des machins dans les moules à chocolat : bouts de métal, vis, boulons, pièces d'un centime d'euro, et jusqu'à une pastille de gomme mentholée d'une marque bien connue.

On lui facture tout jusqu'au dernier centime, à Ana. Précision suisse : les boîtes rappelées, les heures passées à enquêter (pas les heures supp des gendarmes, j'espère) ; le coût des contrôles qualité... Lesquels, soit dit en passant, la Taulière peut en causer parce qu'elle a bossé dans l'agro-alimentaire, sont systématiques et nous avaient permis de dégotter, à l'époque, des écrous dans des barquettes de maïs à popcorn, comme quoi le sabotage par salarié frustré a cours un peu partout. Ca n'excuse rien bien sûr, mais a-t-on décompté, dans cette lourde note d'honoraires, ce qui relevait des contrôles normaux, de ce qui a motivé des relevés particuliers ? On espère que son avocat a bien épluché le mémoire...

Et au fait, quelle est donc "la limite des capacités financières" d'une femme seule, embauchée en 23 contrats saisonniers successifs (elle bosse chez Lindt depuis l'âge de 16 ans), qui n'a jamais été titularisée, se tapait encore, à 57 balais, les 3x8 comme manutentionnaire et se retrouve maintenant tirée au sec avec un devenir qui va ressembler à l'ASS (non je ne suis pas grossière, je parle de l'allocation spécifique de solidarité) pour durer, pendant cinq ou six ans, jusqu'à l'âge d'une retraite inférieure au minimum vieillesse ?

Oui, parce qu'une habitante de cette bourgade d'environ 10 000 âmes, si elle ne bosse pas chez Lindt, doit pas y avoir des ressources infinies en matière d'emploi et de toute façon, dans un milieu aussi étroit, à mon avis la dame elle a le panneau vissé dans le dos avec un casier judiciaire pourri et une réputation guère plus avenante.

L'histoire sociale et individuelle qu'on lit en creux, de cette personne qui a cumulé les petits boulots avec de grands vides, interroge. Mais, comme le souligne l'article, la boîte (de chocolats) n'a pris aucune part de responsabilité dans la cause profonde du dépit d'Ana, lequel, encore une fois, n'excuse pas ses actes mais pourrait ressembler à des circonstances atténuantes. Ou alors, il faut le lire en (très) creux dans la décision de ne pas demander de réparations pour "préjudice d'image". Comme si l'image du chocolatier industriel qui veut se faire passer pour un artisan, en sortait grandie, de cette affaire.

Quant à la pastille Valda (zut, encore une pub) dans le chocolat, si ça se trouve, Lindt va le breveter d'ici peu pour "un nouveau goût". Faudra pas qu'ils oublient de verser des royalties à Ana.

Coda : la Taulière et une de ses frangines, férues de chocolat, étaient abonnées à cette marque productrice de belles pubs bien crémeuses et d'un produit où l'abondance de sucre et de gras onctueux faisaient oublier la pauvreté en cacao. Mais, depuis quelques années, elles l'ont rayée de leurs listes de courses en raison d'intolérance digestive, et remplacée par des marques moins prestigieuses mais mieux tolérées, voire par de très honnêtes premiers prix de marques distributeurs. Comme quoi.

Comme quoi, quoi ?