D'abord, quelques proverbes de Chez-nous-Partout, à composer à la pince Dymo :

"Chez dépanneur chafouin, parfois ristrette vigousse" : un bon produit peut se trouver même chez les commerçants les moins honnêtes.

"Quand ça drache en poudrerie, ne pleure pas les lumerottes" : par grosse neige, il faut allumer les quinquets dehors pour la sauvegarde du passant égaré.

"C'est risqué de monter dans le tap-tap avec un champagné fada" : mieux vaut payer soi-même ses notes de taxi (proverbe régulièrement cité le jour de la Sainte-Agnès).




Ristrette story (histoire corsée)

Y a une fois j'sus tombée en amour avec un champagné de Pointe-Noire drôlement vigousse, qu'a sa propre compagnie de tap-tap en Ayiti et qui vit par ici (où que se situe cet ici). Un internationaliste avant l'heure (c'est pas l'heure), quoi.

Vrai sapeur avec ça, jamais en retard d'un trois pièces rouge brugnon, étrangleuse pied-de-poule, limace moirée, gilet porté à la décrochez-moi-ça. Chaussures miroir avec chaussettes impeccablement tirées, et de soie sauvage. Comment résister, les mecs, je vous le demande ?

On s'est trouvés nez à nez chez le dépanneur où j'allais acheter mon manger du soir. Le magnifique était en train de mériter le surnom de Six-packs, vu qu'il en avait casé trois sous chaque bras. OK, j'avais mon plan d'approche.

- Fais gaffe, que je lui dis pendant qu'on attendait à la caisse (l'épicier, ce chafouin, n'hésite jamais à écluser des denrées périmées). Tes bières ont déjà été bues et pissées deux fois, prends plutôt la marque locale, c'est plus frais. Et à propos, si ça te dit peut-être de goûter mon ragoût fada même avant de partir en fête sans blâme (cette phrase a été écrite avant l'instauration de l'état d'urgence du circonflexe) ?

D'un sourire absolutely ravageur, mon champagné embarqua sur l'invite plutôt directe. Il farfouilla dans son gousset pour en extraire, le classieux, de quoi régler nos deux notes.

Dehors, le temps était sombre mais on s'en foutit.

On sortit sous une drache démente ! Voilà que ça s'était mis à tourner en poudrerie avant qu'on ait passé le coin de la rue. N'importe, on était chauds pour dix hivers... Et mon champagné de m'ouvrir la portière de la plus superbe auto qu'on ait jamais vu dans le quartier ! On voyait bien qu'il avait de gros, gros moyens, ce gars...

C'est ce que j'ai pu vérifier par la suite, et... Quoi, quoi ? Vous voulez pas que je vous la raconte, la suite, non ? Vous auriez pas non plus aimé tenir la lumerotte, des fois ?


Dédié à Alain Mabanckou, un de ces auteurs contemporains qui ne figurent pas sur les tables à l'entrée des librairies (mais bien se souvenir que les auteurs qui comptent ne sont jamais sur les tables entre Lévy et Nothomb, mais parfois dans les vrais rayons des bonnes maisons). Sinon, commandez : "Verre cassé", "Black bazar", "Le sanglot de l'homme noir", "Lettre à Jimmy" ou encore le terrible "Mémoires de porc-épic" et bien d'autres encore...

« (…) Avant, littérature africaine voulait dire « Je revendique mes racines », aujourd’hui ce n’est pas seulement les racines, mais le tronc et ses feuilles éparpillées par le vent. » - Alain Mabanckou, propos recueillis par Joël Metreau, 20 Minutes.fr, septembre 2015.



Règlement municipal numéro zéro zéro zéro zéro zéro zéro zéro zéro zéro zéro

Situation : Univers
Département : Système solaire
Commune : Planète Terre

1 - L'autorisation d'être chafouine sur le territoire de la commune est rétablie, mais uniquement dans le but de préparer une bonne surprise à une autre Terrienne afin de l'égayer, de lui faire plaisir. Le présent règlement vise à faire de la chafouinerie, à terme, une qualité humaine.

2 - Tout champagné sera dépouillé de son portefeuille de relations, de ses cartes de visite, téléphones cellulaires, golden cards, cyberconnexions et de tout moyen d'assurer son trafic d'influence. Il sera interdit de séjour sur le territoire desdites relations et condamné à refaire sa vie tout seul, sans appui ni autre aide que celle, compatissante, des plus proches voisines. Il sera doté du strict nécessaire à une vie sobre et heureuse. Si le champagné essaie de nouveau d'établir un réseau, il sera envoyé en séjour de conscientisation à la cîme de Pierre-sur-Haute (1631 m, frontière Loire/Puy-de-Dôme), d'octobre à mars.

3 - Les dépanneures terriennes s'engagent à n'avoir que des produits locaux et à servir également toute citoyenne qui se présenterait à leur boutique, et ce sans percevoir le moindre paiement. L'approvisionnement des dépanneures et leurs moyens de subsistance seront assurés par la solidarité du voisinage agricole et artisanal. La diversité est garantie par les ressources naturelles propres à chaque quartier, les échanges de denrées se feront dans le respect d'un transport raisonnable.

4 - Il est interdit de laisser une autre Terrienne sous la flotte quand il se met à dracher. L'obligation d'abri s'étend à toutes intempéries.

5 - Les fadas de toutes origines seront entièrement prises en charge par la communauté terrienne quant à leur bien-être, leur vie personnelle, familiale, affective. Elles recevront tous les soins médicaux que pourrait nécessiter leur état et y seront accompagnées autant que nécessaire.

6 - La lumerotte est vivement recommandée chaque fois qu'on pourra éviter de piller les ressources en énergie, même dite "renouvelable" car en vérité, on ne sait pas jusqu'où et quand ce renouvellement est possible. D'autre part, la notion de renouvelable vient percuter celle de sobriété et suggère que, si c'est renouvelable, on peut en abuser. Les utilisatrices de lumerottes veilleront cependant à ne pas mettre en péril leur intégrité oculaire et celle de leurs proches.

7 - Pour les quartiers situés en zone de probable ou constante poudrerie, la solidarité, les facilités d'approvisionnement et de déplacement seront renforcées dans les limites des ressources communales et en favorisant toutes les initiatives inspirées du bon sens originel ; de même qu'en zone de forte chaleur, les habitats seront conçus pour permettre aux Terriennes de se reposer au frais chaque fois que nécessaire. Ces aménagements seront fortement accompagnés de la destructions d'immeubles inutiles telles les ridicules tours érigées aux XXe et XXIe siècle dans un esprit d'orgueil et de domination.

8 - L'absorption de ristrette est possible à tout moment de la journée ou de la nuit, mais il est conseillé d'être très raisonnable en la matière. Pour les quartiers où ne parviendrait pas la matière première nécessaire, on avisera. L'anéantissement des multinationales de l'agroalimentaire sera programmé de façon à éclaircir et rendre supportables les conditions de la circulation du café.

9 - La circulation en tap-tap est favorisée et entièrement subventionnée, à condition que celui-ci soit un véhicule non polluant, toujours plein à 100 % de sa capacité et pas 1 % ni 200 %. La zone autorisée pour les conductrices de tap-tap n'est pas réglementée, les capacités du véhicule et de sa chauffeuse déterminant elles seules cette aire de circulation. La gratuité du tap-tap est instaurée de façon à ruiner la notion de concurrence et à rétablir celle de solidarité entre collègues tap-tapistes. Toute conductrice de tap-tap surprise à conduire comme une fada, à zigzaguer sous la drache, à circuler sans lumerottes, à déraper dans la poudrerie par excès de vitesse, à parler mal à ses transportées, à se montrer chafouine dans l'ancienne acception du terme et en particulier dans un mode sexiste ou discriminatoire, à transporter seuls des champagnés égoïstement épris d'un confort excédentaire, à faire d'abusifs arrêts chez les dépanneures pour se gorger de ristrette au mépris de sa sécurité ou de celle de ses passagères, ou à conduire alors qu'elle n'est manifestement pas assez vigousse pour cela, sera condamnée à se déplacer à vélo et son tap-tap confisqué.

10 - Chaque Terrienne assez vigousse, en harmonie avec ses capacités physiques, psychologiques et matérielles, prendra en charge un nombre de Terriennes vulnérables (y compris le quota de fadas cités à l'article 5) . Elle se fera aider autant que nécessaire par d'autres Terriennes vigousses. Celles qui voudraient s'y soustraire seront privées de tap-tap et de ristrette, ne recevront aucune chafouinerie bienveillante et devront éteindre leurs lumerottes au coucher du soleil.

11 - Il est vivement conseillé de ne respecter aucun de ces règlements, d'affirmer la capacité du groupe humain à se conduire et administrer sans lois écrites et à prendre soin les unes des autres comme elles l'entendent. Les Terriennes sont considérées comme dignes de confiance pour cela.

Ce texte a été écrit au féminin puisque le MAMGP est entré en vigueur (Manifeste pour l'Abolition du Masculin Grammaticalement Prépondérant). La rédactrice serait intéressée à connaître l'effet produit sur les lecteurs masculins, n'y a-t-il pas là un sentiment d'étrangeté et quel n'est donc pas le nôtre, à nous les femmes, qui n'avons vécu que sous cette contrainte grammaticale non justifiée ?

L'article 2 concernant les champagnés a été laissé au masculin puisqu'il s'agit de domination et de lutte d'influence. La radicalité de ce propos est entièrement assumée.