... avec la "Colleuse" du quartier - en vérité, peintre et colleuse (*), nous avons inventé une machine.

Le contexte : nous revenons d'une reconnaissance, fructueuse cette fois, du pré-au-mouton. Ce lieu mythique, dont tout le monde parle mais que très peu ont vu, que la Taulière allusait dans un précédent billet (298 - Frère Pigeon), consisterait en un pré où pâturerait un mouton et où seraient installées des ruches, lesquelles donneraient une récolte de miel.

Nous parlons d'une installation peu ou prou agricole en pleine ville, donc.

Une première balade avec l'ami Guigui n'avait pas permis de découvrir l'endroit. Sur la colline du Crêt-de-Roc, nous avions exploré chaque ruelle, impasse, sentier, cour pavée. Lorgné par les serrures de portes d'usines en ruines. Glissé sans vergogne nos regards fureteurs par-dessus les grilles, clôtures, portails et barrières. Escaladé quelques marches menant à des maisons parfois branlantes, suspendues sur les pentes (beaucoup de terrasses reposant sur des plateformes portées par des piliers de béton).

Mais nada.

De cet habitat disparate surgissent quelques points remarquables, comme on dit dans les guides à pneus. Ainsi une énorme villa dans le plus impur goût californien, probablement édifiée dans les années quatre-vingt sur un imposant mur de soutènement en belle pierre de taille, habilement dissimulée par une abondante végétation, crépie de blanc, volets de bois plein, accès par un portail des Menuiseries industrielles Font-la-Paire, dont chaque pilastre porte une tête de lion en ciment, chacun de ses trois niveaux souligné de véritables balustres probablement achetés au mètre chez Bricol'Castor et montés en série... Guigui affirme que c'est là le logis d'un baron local de la drogue. On suppute à l'intérieur une piscine, un garage pour Ferrari...

Mais aujourd'hui, conduite par la copine initiée, on double la villa californienne et, deux ruelles plus haut à gauche, on arrive droit sur site. L'astuce : il fallait grimper l'escalier (privé) d'une maison dont heureusement elle connaît bien l'occupante. Juchées sur le palier (extérieur), en se penchant l'on aperçoit en contrebas, dans un étroit carré d'herbe : un lapin noir, une chèvre et peut-être une poule. La dame à l'escalier nous ouvre sa porte et nous fait admirer un pot étiqueté "street miel" provenant de la ferme. Elle décrit les essaims qu'elle voit passer devant sa fenêtre, par ciel bleu, et qui montent à l'assaut des fleurs de la colline. Il est probable que le grand cimetière qui couronne celle-ci doit constituer une réserve de pollen considérable, si l'on en juge par les budgets déraisonnables consacrés par les familles au fleurissement des tombes.

Rendez-vous est pris pour une visite de cet espace agricole étonnant. Il paraît que le "fermier" est hospitalier et qu'on sera conviés à une visite, chic, de ce pré bien plus vaste que le morceau aperçu, mais qui ne se révèle pas aux regards depuis les rues, encastré qu'il est entre des ilots bâtis.

L'affaire du mouton nous aura bien occupés un petit mois, voyez-vous comme on passe le temps par ici !

En redescendant, d'humeur badine, on échange sur tout et rien et nous en arrivons à la connerie. Vaste sujet, aurait dit le Grand Charles. On se rappelle les propos inadmissibles tenus par un type de rencontre. On se demande comment on peut encore tenir un discours pareil aujourd'hui.

C'est là que la copine évoque la solution : "il y aurait bien la machine à baffes..." dit-elle d'un ton méditatif.

Au moment où l'on se sépare, on a, peu ou prou, le plan d'une structure de bois dans laquelle on ferait entrer l'impétrant.

Ses jambes seraient maintenues en position rigide au niveau des genoux par des sortes de jambières qu'on fermerait par un clapet, ceci afin qu'il ne tente point de s'affaisser pour échapper au baffage. Les fesses seraient accessibles et dégagées, car vous savez que les ingénieurs, dès lors qu'ils tiennent une idée, ne cessent d'y apporter des améliorations. On a donc ajouté un dispositif de coups de pieds au cul simultanés par en-dessous, ce qui a permis d'évacuer l'idée d'une selle de vélo car elle risquerait d'entraver le dispositif en question.

Les bras seraient fixés au torse par un effet de pince, la tête bien dégagée, le cou coincé dans une sorte de minerve. Face au visage, sur un plateau de hauteur réglable par vérin, une sorte de roue à aubes horizontale, dont chaque "godet" serait en fait une pale de bois, effectuerait à une vitesse variable des demi-rotations dans un sens, dans l'autre. A chaque tour, deux pales viendraient baffer les joues en rythme, et, au niveau du cul, deux pales plus longues viendraient percuter le postérieur à la même fréquence : splaf, splaf, bam, bam, BAM !

Aux prémices de l'invention, calées contre les potelets de la place Fourneyron, nous étions déjà hilares. A l'ajout du pied-au-culmètre, pliées. A ce stade, le délire n'a plus de fin : la machine à baffes est érigée sur la place publique. Nous en assurons le fonctionnement et faisons avancer les candidats. Une longue file humaine, dûment encadrée, serait là dans l'attente de son quota, et... Au suivant ! Au suivant ! Splaf, splaf, bam, bam...

C'est toujours hasardeux de déclencher un fou-rire à deux. Car lorsqu'on se retrouve seule dans la rue et qu'on continue à rigoler en rentrant chez soi, on ne manque pas de croiser des regards inquiets...

Splaf, splaf, bam, bam...

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(*) L'artiste en question ne m'a toujours pas autorisée à publier un lien vers son blog... Ca viendra en son temps et seulement si elle le souhaite... En revanche elle m'a envoyé ce soir un lien vers une machine à baffes assez efficace, mais qui présente l'inconvénient d'être fermée, ce qui ne permet pas d'assister au châtiment. Or, c'est bien le meilleur moment, non ?