... « Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme »


Encore une "journée", encore une inscription molle de la bonne conscience dans le calendrier des "journées" de ceci, de cela...

France TV info en profite pour pondre un article comme toujours destiné en premier et dernier ressort à faire bramer dans les chaumières : « Autisme : le combat d'un père ».

A quel point la Taulière est littéralement saoulée par ces formulations à la tonalité dramatique, ce n'est rien de le dire. Pour le journaliste moyen (médiocre, même), c'est toujours "machin-truc, deux points le combat d'un-e, etc.". Il semble TRES IMPORTANT de présenter un sujet comme la lutte désespérée d'une seule personne sans soutien face à l'adversité, le vent dans la figure et avantiii...

Et d'y aller gaiement dans l'enfonçage de portes ouvertes - voire dans les propos réducteurs ou inexacts - à propos des conditions de non-accueil des enfants porteurs de handicaps à l'école publique : « Aujourd'hui en France, un établissement scolaire n'est pas obligé d'accueillir un enfant autiste (...) ». Et hop ! « dans son enquête, machin dénonce, etc. » ; « seuls 20% des enfants etc. ». On aimerait que la même rage de dénonciation s'applique à tout un tas d'autres situations politiques, économiques, sociétales, etc.

Attention : la Taulière ne contredit pas le fait que la scolarisation des enfants différents : porteurs de légers ou plus lourds handicaps, malades, ou encore précoces, bref, différents de la masse des enfants dits "sans histoires" (hum), elle ne contredit pas le fait que c'est très difficile. Elle est - ou a été - particulièrement bien placée (au centre du dispositif scolaire) pour le savoir.

MAIS, NOM DE DIEU.

Ecrire un article pas plus long, non, mais documenté, présenter ce qui existe et non pas seulement les difficultés d'un parent - en les présentant d'ailleurs comme résolues par "chance" et par "combat", ce serait trop demander ?

Et puis, pourquoi choisir ce bout de la lorgnette : "un établissement scolaire n'est pas obligé etc.", plutôt que d'écrire "aujourd'hui en France il existe xx ULIS (Unités Localisées pour l'Inclusion Scolaire - dispositifs de scolarisation d'enfants différents)" ?

Et aller à la source des causes profondes pour lesquelles c'est en effet un parcours du combattant, ce serait vraiment impossible ? T'es pas obligé de citer les textes in extenso, mon pote. Mais donne juste le lien pour la circulaire définissant les modalités d'installation d'une ULIS dans une école, quoi. Et là, t'auras été utile à ton lectorat. Pour une fois.

Aux termes de ce texte, les ULIS (Unités Localisées pour l'Inclusion Scolaire) accueillent les élèves qui « présentent des troubles des fonctions cognitives ou mentales, des troubles spécifiques du langage et des apprentissages, des troubles envahissants du développement (dont l'autisme), des troubles des fonctions motrices, des troubles de la fonction auditive, des troubles de la fonction visuelle ou des troubles multiples associés (pluri-handicap ou maladies invalidantes...) ».

Il serait donc plus constructif et plus précis de faire un article sur l'implantation (insuffisante) des ULIS dans les écoles, collèges et lycées publics. De donner quelques informations sur l'invraisemblable lourdeur du fonctionnement des CDAPH (commissions droits et autonomie des personnes handicapées). De présenter les grandes lignes de la loi handicap de 2005... Impossible ? Ah oui mais faut bosser.

Il y aurait enfin véritable oeuvre d'information à parler des moyens de pression qu'ont les citoyens auprès de leurs élus et de l'institution scolaire, via les conseils d'école, les conseils d'administration dans le secondaire, les fédérations de parents, etc. pour obtenir l'implantation d'une ULIS dans une école. Moyens de pression, mais à condition... de les mettre en oeuvre !

« La carte des Ulis est arrêtée annuellement par le recteur d'académie sur proposition des inspecteurs d'académie-directeurs académiques des services de l'éducation nationale. Elle est déterminée notamment en fonction des critères suivants :
- caractéristiques de la population scolaire concernée : nombre d'élèves en situation de handicap, répartition par âge et par bassin, etc. ;
- caractéristiques géographiques de l'académie : distances, densité des établissements scolaires, zones d'enclavement, etc. ;
- carte des formations professionnelles, bassins de formation, en lien avec les partenaires concernés et les collectivités territoriales.
Les recteurs d'académie et les IA-Dasen portent une attention particulière aux établissements scolaires où sont implantées les Ulis lors du dialogue de gestion (...) ». http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=91826

Oui, le rapport avec l'institution scolaire en particulier, avec les institutions en général, c'est un rapport de forces. On n'a jamais dit le contraire. Mais la place du journaliste, ne serait-ce pas de faire de l'info sur ce thème, et non pas de l'anecdote en filmant un gosse qui n'a rien demandé pour faire du sensationnel ?

A propos de combats : dans une grosse partie des établissements scolaires, le taux de participation lors des élections de parents est inférieur à 10% - il est en moyenne d'environ 45% dans le premier degré (écoles primaires) et de... 24 % dans le secondaire !!! Source : ministère de l'Education Nationale, novembre 2014. Quant à trouver des parents candidats, il faudrait des sergents-recruteurs dans toutes les tavernes. La plupart du temps, ce sont les mêmes qui marnent au sein des fédérations et qui donc, ont comme principal souci de faire passer les messages de leur fédé plutôt que de prendre à bras le corps les problématiques internes de l'établissement.

Faut-il encore préciser ici que la PEEP roule pour la droite et la FCPE pour la gauche ? Parfaitement, c'est aussi simpliste, aussi réducteur que cela. Les "sous-marins" des partis politiques ne mettent même plus leur faux-nez et leurs "éléments de langage" sont les mêmes que dans les permanences du PS ou de LR ou de EELV - ou du FN, malgré ses sempiternelles vertueuses protestations anti-système.

Vous avez remarqué ? Je ne cite pas le Front de Gauche ni le PCF, parce que je parle de partis qui ont un poids réel, directement traduisible en "voix", la monnaie qui fait saliver les candidats de tous bords.

A propos, c'est en pesant de toutes nos forces sur les institutions : Education Nationale, collectivités de rattachement, qu'on aboutirait. Ce n'est pas un miracle administratif que l'existence d'une ULIS dans un établissement scolaire : c'est le résultat d'une décision collective, qui s'obtient par la volonté d'une équipe pédagogique, par la demande des parents, par la pression au conseil d'école, par le soutien actif du dossier dans une collaboration forte école/parents/élus, par les votes, les pressions auprès des décideurs. Et, oui, c'est du boulot.

Seulement, si 100% des parents d'élèves s'y mettaient, s'ils se servaient intelligemment de leurs cartes d'électrices/teurs au lieu de voter avec leurs pieds, ou de bayer aux corneilles des discours politicards, vautrés devant leur télé, bref : si les parents d'élèves (et même ceux qui ne sont pas parents) se bougeaient, si les équipes pédagogiques se bougeaient, les ULIS fleuriraient ! (et pas que). Et encore en bref : si les gens comprenaient qu'on est plus intelligent et plus efficace à plusieurs... Et si... et si... Bah, allons nous faire une tasse de thé.

Mais tout de même, qui n'a jamais vu un DASEN (sigle rigolo qui veut dire maintenant Inspecteur d'Académie, autrement dit, le patron local de l'enseignement du premier degré) ou un recteur (le super-manitou académique, qu'on sort pour les grandes occasions comme une châsse de saint vitrée), aux prises avec un rassemblement de parents interdisant l'entrée de l'école un jour de rentrée, manoeuvre assortie d'une grève massive des personnels, n'a pas mesuré le pouvoir citoyen dans les petites et grandes choses du quotidien. Ajoutez la convocation d'un ou deux journalistes ce jour-là... En voilà des moyens de pression ! Que diable... Croyez-moi, ce jour-là le DASEN envoie son meilleur adjoint quand elle/il ne se déplace pas en personne, et les élus locaux en charge de l'éducation sont sur place. Même le maire, parfois !

Le rôle d'une presse intelligente et responsable, ce serait donc d'ouvrir ces pistes, de les donner à connaître au public, de relater des mobilisations collectives réussies, de passer le message de la mobilisation même, et non de taquiner la larmette à l'occasion d'une "journée" destinée surtout à ce que dès le lendemain, on passe à autre chose.

Marre de cette information pauvre, qui renforce l'idée qu'on doit subir éternellement ou que, si l'on en sort, c'est par un combat à la dimension solitaire et quasi héroïque, alors que les moyens de peser sur notre destin individuel et surtout, collectif, existent.

Ah, mais c'est ça qui changerait un peu la gueule du P.A.F., tiens...

Ajouté postérieurement : et non je ne vote pour aucun gugusse dans le monopoly politicard général. Je glisse dans mon enveloppe le bulletin de non-vote publié ici même. Non je ne suis pas "citoyenniste", quel que soit le sens de cette étiquette globalisante. Mais ça n'empêche pas l'action, et le vote dans des sphères plus réduites et pragmatiques.