Mais avant ça, une dernière (pour la route) du Cocommuniste qui insiste, le pied dans la porte. Et puis après, hein, n'y revenez pas, on passe à autre chose.

La Taulière a donc en apparence terminé ce bouquin, mais bon, elle va y retourner parce qu'il y a des passages qu'elle a lus trop vite. En attendant, elle y a trouvé des trucs comme :

« Je comprends mieux, aujourd'hui, combien j'ai été socialisé par le communisme, au rebours du catholicisme et du capitalisme commercialiste familial, qui tous deux n'étaient que claniques. C'est une empreinte qui ne m'a jamais quitté. Cela a quelque chose à voir avec une idée de la réussite qui ne peut en aucune façon s'imaginer solitaire ou fondée sur des rivalités. Sans oublier jamais que l'angélisme est contredit par le concret de l'Histoire qu'il ne faudra jamais cesser d'étudier et de mettre en poésie, en théâtre et en roman. Est-ce là encore du militantisme ? Je n'en suis pas sûr, et pourtant il y reste une teinte, celle qui me convient le mieux, mon drapeau discret et pavillonnaire. »

... qui lui font un immense plaisir. Elle est sûre, quant à elle, que la poésie, le théâtre ou le roman et bien d'autres occupations artistiques, forment un pan essentiel et vivace du militantisme, à côté ou avec d'autres pistes.

A propos, diffuser l'art de "mettre en poésie", n'est-ce pas une chouette forme de militantisme ? Un brin d'histoire, tiens, sous la plume de Robert Rapilly : « 2006 : C., J., JJ et moi à table un soir ; on se raconte faire la même chose que Zazie Mode d’Emploi à Lille, expérience partagée de nous quatre. La conversation esquisse assez bien ce que deviendra Pirouésie, ateliers et lectures, spectacles ».

Quant à l'équipe de Pirouésie l'hiver, qui "n'hiberne pas mais hiversifie", elle met en pratique l'extension du domaine de la plume pendant deux mois dans les écoles et collèges du canton de Lessay, près Pirou.

Pirou
Poésie
Militante.

Elle voit un peu mieux à présent, la Taulière, où le Coco Jouet ex-communiste voulait en venir. Une longue balade solitaire et mémorielle (un peu) dans tous les états du communisme. Une dissection curieuse et affectueuse de ce phénomène politique, qu'il expose, retourne dans tous les sens. Il fait parler ces vieux cocos, espèce en voie, entendez-vous, de disparition, il écrit directement sous leur dictée dirait-on, tellement c'est pur et vrai, et ces militants syndicaux, là aussi, dernières bandes d'éléphants très vieux dans une savane qui brûle de tous côtés... Il fait parler les morts, les révolutions, leurs aïeules utopies socialistes... Bref, il embrasse large, Jacques Jouet.

Immanquablement, la Taulière pense à celles et ceux auprès desquels, pendant six petites années, elle a frôlé l'histoire du grand Parti qui n'était déjà plus très grand. Elle pense aussi aux apparatchiks de la "Fédé", conservés dans la naphtaline malgré leur jeunesse. Au vieux stal qui parlait du "lobby juif" ou affirmait après l'affaire DSK que le travail du sexe correspond à un réel besoin des hommes. A celui qui tapait fort sur la table et gueulait qu'il fallait "voter non" pour "faire chier le maire socialiste". Il tapait fort, le camarade, mais dans une salle de réu déserte : la "cellule" réduite à trois survivants aurait tenu dans la fameuse cabine téléphonique brandie par les moqueurs...

Bah, les jeunes d'aujourd'hui ne comprennent plus ça : "cellule" comme unité de base du militantisme coco. Pas plus que "cabine téléphonique". Comme le Parti, les cabines ont disparu ou à peu près.

Bon, alors... Pirouésie 2016 - Les pépites

Photos & vidéo@Dominique Vernay

Lorsque les trois animatrices du "off" n'étaient pas en train de faire écrire les timides ou les moins timides, elles assistaient, comme tout le monde à Pirou, à une paire de spectacles intégrés au programme du festival et dont il faut tout de même dire plus d'un mot.

Le lundi soir, projection du film "Le Cameraman" au cinéma Le Cotentin. Lucien Rapilly à la guitare, Martin Granger aux claviers et effets, Henri Binauld au saxo. Epoustouflant. L'an dernier, ces musicos qui font dans la contemporaine jazzo-drôlatique, nous avaient déjà régalés avec "Le mécano de la General". Chaque fois, on est sciés par la bande musicale. Et comme on est pliés aussi par le film, voyez dans quel état un vieillard en sort...

Le mardi : OuLiPolisson, avec Jehanne Carillon et Olivier Salon. Olivier Salon est un oulipien distingué dont la présentation ici donne une petite et apéritive idée. OuLiPolisson : la facétieuse conférence de l'Onc' Jean-Patrick et de son assistante « Marie-Poule euh, pardon : Marie-Paule... »

OuLiPolisson.JPG

Textes oulipiens animaliers, questions au public, animation trépidante d'Onc'Jean-Patrick... Délicieux, d'une drôlerie qui pétille à tout va, parfaitement servie par ces deux pointures. Inénarrables costumes et toujours, la belle et claire voix de Jehanne qui nous chante tout ce qui se peut chanter dans ce spectacle qu'il serait convenu de dire : moment magique. Eh bien oui : magique !

Pour mieux connaître Olivier Salon : un petit sonnet pour la route ? Voici "S'exercer".

On peut voir Jehanne ici ou là sur la Toile, sur sa page FB. On peut aussi écouter un extrait du superbe concert "Chantoulipo" et bien sûr, il vaut encore mieux aller la voir et l'entendre en vrai (elle officie aussi aux Papous dans la tête de F-Culture).




Le mercredi : Marie Prete, de la compagnie "La Vache Bleue", de Hellemmes (Lille), nous conte (son) "Mio Pinocchio" . Pinocchio_2.JPG Une petite heure de retour en enfance malicieusement mise en voix par Marie, dans un pur silence de soirée d'été à peine troublé, comme il est de rigueur dans le clos du Presbytère de Pirou-Bourg, par la cloche de l'église qui sonne (un coup au quart, deux coups à la demie, trois coups etc. et pour finir quatre coups + le nombre correspondant à l'heure). Pas moins de treize "dong", que la comédienne-conteuse intègre à son spectacle sans en rompre ni la fluidité du récit, ni l'enchantement !

Attentifs comme si nous ne connaissions pas la fin, nous étions suspendus à sa diction précise, à ses mimiques, gestes ou changements de voix qui font surgir les personnages et sont les seuls éléments de décor, si l'on excepte un bandeau bleu. Au vrai, nous ne connaissions ni la fin ni le contenu original, pour celleux qui n'ont pas lu le texte intégral de Collodi. Car, Mesdames et Messieurs, c'est bien dans un requin et non dans une baleine, que Pinocchio va retrouver son papa Gepetto ! Lorsque Marie s'en va, chantonnant "De bois, de bois...", on attend presque le léger et doux bisou pour la nuit, qui entre temps est tombée... A sa manière délicate et juste, elle nous a bercés et bordés...




Le jeudi : festival de bonnure !... comme dirait Robert Rapilly, un directeur artistique qui doit bien jubiler tout de même au fil de la semaine lorsque se déroule sa programmation, même si on le rencontre, jour après jour, les traits de plus en plus tirés. Mais on t'a vu danser pourtant, RR, oui, danser et sauter bien haut !... jeudi soir tandis que
la Brigade des Tubes (fanfare lilloise, 58 musiciens aux cuivres, bois et percussions) se déchaînait sur la place.
Les_Tubes.JPG Sacrée musique pas sacrée pour deux ronds, mais qu'est-ce qu'on s'est trémoussés ! Echantillon ici (soyez patients, téléchargement 30 s.) grâce à la captation spontanée et bien avisée de Dominique, une des animatrices du "off" à qui l'on doit également les clichés sur cette page (hélas, téléchargement plus disponible).

Ensuite, parcours conté de JeanKri Viseux (toujours "La Vache Bleue") qui fait marcher son public (au propre et au figuré) dans une déambulation hilarante au cours de laquelle, déguisés, avec son compère Loran Casalta, en conférencier divaguant et stagiaire emprunté, ils commentent à leur manière un paysage "urbain" qui autrement ne présenterait qu'un faible intérêt à première vue. Mais voilà, JeanKri est un spécialiste de la "deuxième vue" et il nous apprend à regarder.

la_conference.JPG

Figurez-vous par exemple que si l'habitant de Pirou construit dans son jardin de petites cabanes en bois ce n'est pas du tout pour y ranger outils et mobilier de jardin. Non. En fait, les propriétaires pirouais, soucieux d'offrir à leurs locataires vacanciers l'entière jouissance de leur maison, se replieraient (c'est le cas de le dire) dans ces édicules pendant la période où ils louent leur chez-eux, afin d'une part de s'assurer que les locataires ne manquent de rien et aussi, car il faut bien veiller au grain, de surveiller un peu ce qu'ils font. Ainsi revisité, l'habitat pirouais ne sera plus jamais vu du même oeil, non plus que les cabanes de jardin et autres niches à chien. Quant aux interprétations divergentes des vignettes-vitraux de la chapelle St-Michel...

Les épatants comédiens de La Vache Bleue il faut les suivre. Leur travail est de salubrité publique et leurs productions, justement, illustrent ce qui est pointé plus haut à propos de l'art militant.

Et le vendredi... Théâtre ! Une compagnie d'enfants d'à peu près quatre à seize ans, troupe à géométrie peu variable qui a la particularité de travailler une semaine par an à Pirou sous la houlette de Jehanne Carillon aux talents décidément multiples, pour donner le vendredi soir une unique représentation.

Lorsqu'ils ont goûté une fois à cette folle semaine théâtrale, ils reviennent année après année et l'on voit maintenant de grands garçons dont la voix a mué, et qui ont commencé de brûler les planches pirouaises à six ans. Le spectacle n'est pas "pour les enfants" et l'on est très loin d'une nunucherie qui ne serait dédiée qu'aux parents, certes présents dans la salle, mais noyés dans un public nombreux et en joie. Qualité et exigence, invention et textes sans tabou font de cette représentation un tabac pur et simple.

Cette année, "Scènes de rupture amoureuse". C'était magnifique vendredi, ces dix-sept gosses dont Jehanne, avec Alexandre Soulié, ont utilisé l'âge et la stature pour créer un effet comique, qui jouent Racine et Molière dans la tradition du répertoire. Où, dans le même élan lyrique, un faux repenti de même pas 8 ans chante "Marie-Christine" ("Je suis saoul, sous, sous..."), où des filles de six piges répudient de grands ados, où une presque jeune femme rompt sans états d'âme (apparents) avec un garçonnet à la voix fluette qui lui demande si c'est "parce que je suis chétif ?".

Pour en arriver là, une semaine de travail acharné, de réglages au petit poil et d'apprentissage assez rude pour les djeun's qui, n'étant pas maso pourtant, en redemandent chaque année.

On regrette de ne pouvoir illustrer, n'ayant pas la possibilité de flouter les visages, par ce cliché montrant Jehanne et sa joyeuse troupe rappelés sur scène...

Voilà. Encore un truc de fini... Pour connaître la programmation 2017 et l'ouverture des inscriptions aux ateliers d'écriture, la même adresse déjà citée amplement ici.

Et si vous vous demandez pourquoi Lille est si bien représentée à Pirou, c'est comme chercher le lien entre Zazie Mode d'Emploi et Pirouésie. Je vous laisse réfléchir...

Bonus :

Entendu à Pirou la blagounette suivante : "... en fait, pour pouvoir animer des ateliers ici, faut avoir un nom d'objet de la vie quotidienne : Jouet, Soulier, Salon, Carillon, Tabouret...". La suite est prometteuse, elle pourrait fournir inspiration pour un exercice oulipien...