L'anarchiste Bonnot (chef de la bande du même nom) avait fait sienne la théorie de la "reprise individuelle", corollaire de l'affirmation proudhonnienne "la propriété, c'est le vol". Cavanna, dans "Et le singe devint con", développe sur cette même idée que, depuis qu'un premier homme (ce n'était sûrement pas une femme : on n'est pas assez mauvaises, nous autres, pour inventer les clôtures) a décidé que certain territoire devenait le sien (priorité au premier installé), l'histoire de la propriété est une longue saga de prédations.

Il est donc doublement réjouissant, dans la morosité des informations actuelles, qu'une bimbo friquée de la téléréalité amerloque (c'est-à-dire le trash du trash) se soit fait tauper 10 plaques de bijoux (ça semble vrai, en fait, et là je dis une seule chose : chapeau les braqueurs), et que M. Ginestet, patron de GIFI (et Madame), aient été délestés de 100 000 euros de bagages dans un taxi en revenant de l'aéroport.

Ce qui sous-tendait les actions des anarchistes de 1900, c'est l'idée que voler les riches c'est reprendre quelque chose qu'eux, de toute façon, ont d'abord volé. Lorsqu'on se pavane avec 100 000 euros de bagages pour un petit voyage, lorsqu'on se vante cyniquement sur le Net de ses diamants et autres possessions et qu'on descend dans un palace pour nantis, on ne peut pas soutenir en même temps que ces choses ont été acquises honnêtement. Des gens honnêtes n'auraient eu avec eux que les bagages et les bijoux qu'un revenu décent et acquis par leur travail leur aurait permis d'emporter, c'est-à-dire peu et d'un prix raisonnable. Remarquez, ils se seraient peut-être fait braquer tout de même, nobody's perfect. Vous n'allez pas me chercher des poux pour ce genre de détails, non ?

Quoi qu'il en soit, dans l'excès avec lequel se pavanent les richissimes "victimes de vol" dont il est question ici, il est facile de lire qu'ils se sont enrichis en procédant, de manière active ou passive (passive mais non pas ignorante dans l'acception virenquienne du terme), en procédant, disais-je, à l'appauvrissement jusqu'à la famine de populations, au meurtre de mineurs en Afrique du Sud, à la tuerie d'animaux, au braconnage de l'ivoire au mépris des derniers éléphants, à la spéculation sur l'or, sur l'immobilier, le pétrole, la bidoche, Donald Trump et le coton indien.

Ces gens bouffent, boivent, se vêtent, posent leurs gros culs blindés dans des jets de luxe, etc. grâce à l'esclavage de millions de gens dans le monde qui bossent pour des clopinettes au risque de leur vie dans des ateliers qui sont des mouroirs, ou en nettoyant la merde de ces touristes de luxe dans les hôtels 5 étoiles, etc. Cupidité et cynisme sont inséparable, l'une s'appuie forcément sur l'autre.

Ceux qui inspiraient paraît-il Bonnot théorisaient qu'il valait mieux se servir directement dans la poche des possédants, qu'attendre la distribution de la soupe populaire.

On ne peut pas leur donner tort, à ces penseurs de 1900. Quant à Bonnot, malheureusement, ce n'était pas un penseur politique mais un garnement opportuniste et il n'a fréquenté les anars que le temps de constituer sa dream-team. Sa biographie ne plaide pas en sa faveur. Un type qui liquide un complice pour lui piquer son fric applique peut-être la reprise individuelle mais c'est surtout un salaud. Alors un autre des comparses aurait dû en user de même avec lui, le flinguer et reprendre le magot (et ainsi de suite ha ha). S'ils avaient procédé ainsi, on aurait pu démontrer en sus l'inutilité de la police et de la justice. Las, le repreneur individuel veut jouir, lui aussi...

Bref c'est voleur contre voleur, salaud contre salaud, un peu comme ce qui est arrivé à la mère Kardashian et à Ginestet.

Ces infos sont déjà rances, mais arrêtez-moi si le raisonnement a vieilli ?

DERNIERE MINUTE : jeudi 20 octobre, Boucheron, 500 000 euros. Les affaires continuent !!! Encore une raison de se réjouir du succès de l'industrie nationale du braquage, secteur économique en pleine expansion. Franchement, je me marre. Je devrais pas ?