Notre ami Didier, qui, ce matin-là, se baladait un peu loin de chez lui à près de 1600 m d'altitude en VTT, un vrai pro de la grimpette, se trouvait au sommet du Puy Gros (Cantal), lequel Puy (merci Didier pour l'info) est surmonté d'une grosse croix métallique dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle n'améliore pas le paysage. Mais ce n'est pas de la croix que nous entretient Didier dans un mail collectif dont la Taulière ne résiste pas au plaisir de vous fournir un extrait ci-après :

« (…) Arrivé sur place vers 9h, je découvre l'immensité du paysage, avec un temps identique à celui de la veille, superbe.

A côté de cette croix métallique immense, qui semble minuscule vue de la vallée, un 4x4 est stationné. Pas un 4x4 de citadin de marque allemande ou française, non, non, un vrai 4x4, un Toy, avec des pneus à gros crampons, un treuil, etc. Mais personne autour...

Je sors ma gourde et je bois, puis je sors le portable et je prends une photo ou deux, quand soudain je sursaute en écoutant dans mon dos une voix forte : "vous avez fait fuir deux mouflons !"

Je me retourne, surpris, puisque je pensais être seul. Un homme est en face de moi, j'ai du mal à voir son visage, il est dans l'axe du soleil mais je devine rapidement qu'il est vêtu d'habits de camouflage de la tête aux pieds, jumelles en bandoulière.

Il reprend, sur le même ton : "Lorsque vous êtes passé plus bas sur le sentier, il y avait deux mouflons en dessous de vous. Ils vous ont vu arriver, ils ne pouvaient pas vous rater avec votre gilet jaune fluo ! Ils n'ont pas bougé et ils vous ont observé. Quand vous êtes arrivé à une vingtaine de mètres d'eux, à peu près au moment où vous êtes descendu de votre vélo, ils sont partis jusqu'au bois, vous n'avez rien vu, je vous observais".

- Deux mouflons ? Non, effectivement, je ne les ai pas vus, c'est bien dommage. Quand je suis descendu du vélo, la pente était trop raide et je n'arrivais plus à monter, il y avait un pierrier, je cherchais mes pas, j'étais concentré sur le sol. Le gilet fluo, je le porte systématiquement en période de chasse, j'ai peur de prendre une balle, désolé. Mais le mouflon se chasse, il n'est pas protégé ?

- Le ton a baissé : "sa chasse est très règlementée, on ne prélève que ce qui est nécessaire pour maîtriser la population. C'est qu'ils provoquent de gros dégâts pour les agriculteurs..."

- Ah bon ? Je n'ai pas vu de culture ici, des vaches et des chèvres en pâture, c'est tout. Ils font quoi comme dégâts ?
- Eh bien, ils mangent l'herbe déjà. Et puis, ils écorcent les arbres.
- Mais il n'y a pas d'exploitation forestière ici, je ne vois aucune jeune plantation, pas de résineux... C'est sur les jeunes pousses quand ils les mangent, qu'ils peuvent faire des dégâts. Mais là, qu'est ce qu'ils peuvent faire aux arbres ?
- Vous voyez le buron qui est là bas ? (le buron est une petite maison d'estive). Eh bien, c'est chez moi. J'avais planté trois arbres : un sureau, un frêne et un... (??? j'ai oublié). Eh bien, ils m'ont mangé le frêne.
- Mais, l'altitude est trop élevée pour le frêne ! Je n'en ai vu aucun en montant, il n'y en n'a pas ici, il n'y a que des hêtres...
- Oui, c'est vrai, il aurait crevé de toute façon, mais croyez moi, ils font des dégâts, c'est incroyable (…) ».

De cette tranche de vie cantalienne (un grand merci, Didier !) on peut retenir quelques bricoles : d'abord, que l'équipement standard du gros con doit comprendre non seulement le 4X4 mais encore la tenue paramilitaire (plutôt que camouflage, appelons les choses par leur nom), et surtout de bonnes jumelles propres à observer le mouflon et le vététiste à l'effort. Ce dernier, qui promenait paisiblement sans arrière-pensées, n'aurait pas su qu'il avait été épié si le hasard n'avait mis sur son chemin la Bête Noire des Mouflons.

Ensuite, pour parfaire notre connaissance du mouflon cantalien, c'est par là. Cette page internet nous apprend que cette belle bestiole a été introduite dans le Cantal dans les années soixante et que, comme tous ses congénères français, il provient de Corse ou de Sardaigne.

Enfin, oui, il y a eu des crânes d'oeufs qui, pour pouvoir pratiquer une chasse "intelligente" - désolée Didier, je ne retiens pas ce concept ;-) - ont importé le mouflon dans le Cantal pour pouvoir ensuite le dézinguer - pardon : prélever ce qui est nécessaire pour maîtriser la population.

Info confirmée ici et je donne, le nez bouché, le lien vers ce site ".gouv.fr" qui détaille les espèces cantaliennes introduites, je cite : « (…) afin d’enrichir le patrimoine faunistique de la montagne et promouvoir la chasse du grand gibier dans le Cantal. »

C'est plaisir de considérer, dans cette phrase, l'articulation des arguments I et II qui sent à plein nez sa France pompidolienne, celle des projets de territoire aux intitulés ronflants, qui n'étaient que des faux-nez au service d'intérêts financiers privés. Heureusement, nous vivons maintenant dans une époque bien différente... - Comment ça, pas du tout ?

Cette chronique empruntée à l'ami Didier s'achève par une des photos qu'il a prises là-haut et qu'il accompagne du commentaire suivant : « (…) Je vous joins 2 photos prises à proximité pour que chacun puisse juger des méfaits du mouflon ! Ils n'ont laissé que la croix et un piquet de clôture, les salauds ! ».

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