La source : France Bleu

Le titre et le sous-titre de cet "article" (je vais rester polie. Et. Calme) montrent un niveau de hargne et de malhonnêteté intellectuelle difficilement supportables (je reste calme).

Voilà en tout cas une chaîne de service public où les rédacteurs se permettent de faire de la presse d'opinion. Vous me direz, c'est novateur.

Texte de l'article :

« C'était le 22 octobre 2016. Une manifestation contre l'armement de la police (pour le désarmement de la police et la démilitarisation des conflits, ndlr) avait fait de nombreux dégâts à Saint-Étienne. Des abribus, des horodateurs, des tags, des vitrines de banques et surtout le local du parti socialiste. La police avait expliqué qu'elle n’était pas intervenue pour éviter une dispersion du cortège en petits groupes. Résultat : aucune interpellation.

Aujourd'hui, pour les plaignants, principalement la ville de Saint-Étienne et le parti socialiste, il va falloir s'armer de patience. Peut-être même qu'il n'y aura rien au bout. Les relevés d'identité et les analyses des images de vidéo-surveillance ne donneraient absolument rien pour l'instant. L'enquête est en cours, explique le procureur. "Cela va être long, cela peut durer plusieurs mois et s'arrêter si cela ne donne rien", ajoute-t-il.

Le problème reste le même d'après les autorités. "Ce sont des professionnels, masqués et déguisés, difficiles à identifier, cela demande du temps", explique le procureur. C'était encore plus compliqué au moment fatidique : celui du saccage des locaux de la fédération du parti socialiste dans le quartier Jacquard, puisque aucune image n'a été enregistrée. Pierrick Courbon, du parti socialiste de la Loire, comprend d'ailleurs parfaitement la complexité de cette enquête : "Ces gens font cela tous les ans, ils sont habitués, il faut laisser la justice travailler".

Fin de ce très grand moment journalistique.

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Que voilà donc un article désenchanté... Et rédigé par un petit nostalgique de l'ordre (nouveau ?). La direction de la police stéphanoise, aussi insidieusement attaquée pour laxisme aggravé, va-t-elle revoir sa position et sortir la grosse artillerie pour la prochaine manif ? On vous tiendra au courant. Peut-être qu'ils vont les envoyer en stage à Lyon...

Au grand dam sans doute de ce journaleux, il est en effet de notoriété publique chez les contestataires stéphanois que la police ici ne gaze pas, ne va pas au contact des manifestants, bref : est dirigée par des gradés plus nuancés (1) que, disons, le flic lyonnais moyen. Il suffit de se souvenir de la souricière de la place Bellecour en octobre 2010 (technique du "kettling", autrement dit encercler hermétiquement et faire bouillir). Si l'on a la mémoire courte ou si l'on a été mal informé, il suffit de taper dans votre moteur de recherche : "place bellecour encerclée et gazée", on a tout ce qu'il faut. Mais pas d'article de France Bleu... Rôôôhh, trop dommage.

Pour en revenir au week-end stéphanois "désarmons la police etc.", on peut, chez Rebellyon.info, prendre connaissance de l'affiche de la manifestation et du programme. Quand je vois le travail que se sont cogné les camarades pour organiser ce week-end, et surtout quand je me souviens de leur défilé (parade costumée et musicale), j'en suis malade de lire des torchons comme celui à qui j'ai fait trop d'honneur en le citant - mais parfois faut le lire pour le croire et donner de la résonance à ce genre d'infamie. Sans compter la syntaxe et le style, à l'avenant. Et je suis restée calme.

Hélas il n'est pas seul à aboyer, le roquet : pendant la semaine qui a suivi ce week-end, la presse s'est déchaînée sur le thème de la violence, des casseurs et autres "innombrables" dégâts. C'est bien simple, il ne se passait plus rien en France, seule survivait dans les titres cette ville sinistrée par une horde sauvage... Laquelle cité, ignorante de cette logorrhée médiatique (pour ne pas utiliser une métaphore située un peu plus bas), continuait son train-train sans autrement s'en faire, dans des rues et sur des places rigoureusement les mêmes qu'avant le week-end en question. Presse hystérique, ville paisible. Sainté en a vu d'autres !

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Addendum : et pendant ce temps-là, ailleurs...

« De dix mois à trois ans de prison avec sursis ont été requis ce jeudi contre trois policiers, jugés devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir blessé six manifestants au flash-ball, dont l'un avait perdu un oeil en 2009, en Seine-Saint-Denis. » (BFMTV). "Peut-être même qu'il n'y aura rien au bout", comme dirait l'autre.

Le 11 avril 2016 à Lyon : un manifestant accusé d'outrage, rébellion et jet de projectile, jugé en comparution immédiate, prend un mois ferme et 8 mois avec sursis, c'est-à-dire plus que ce que le proc' avait requis !!
Le flic touché à la jambe par la bouteille (vide) lancée avait 30 jours d'ITT (!!!). Il est tombé en voulant esquiver la bouteille. Mais dites-moi, elles ne tiennent pas debout, ces ballerines !

Toujours un peu de comique troupier dans ces procès : l'un des policiers affirme que le manifestant a donné un premier coup de tête puis "a réarmé sa tête" pour en donner un second. Ces gosses, je vous jure : des tronches en kevlar. Et maintenant : boîtes crâniennes six-coups à réarmement automatique. Mais c'est pas possible, ils sont fabriqués chez Verney-Carron ces gamins !

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(1) et plus malins aussi. En guise d'armes, ils préfèrent l'intox. Il a été relaté ici comment, pendant les manifs de mai dernier contre la Loi Travail, les 3 lignes de trams ont été bloquées un après-midi durant, exaspérant la population contre les manifestants...
Sauf qu'il n'y avait pas l'ombre d'un manifestant : un seul petit groupe s'était rassemblé dans un tout autre quartier, puis gentiment dispersé. Les trams étaient stoppés, en réalité, par un modeste effectif policier, environ une dizaine d'hommes et deux bagnoles stratégiquement positionnés sur les rails place Jean Jaurès et place du Peuple.
Il semble donc que le commandement de Saint-Etienne, délaissant la doctrine du "on peut cogner, chef ?" privilégie, en guise de matraque, le plan comm'. Et ça a vachement bien fonctionné. Les badauds, bien qu'ayant sous les yeux les flics bloqueurs de trams, se répandaient en invectives contre les "casseurs". Casseurs de manifs, oui !