Les voeux de la Taulière vont aujourd'hui (mais ç'aurait pu être le 32 mars dernier ou le 22 septembre) à la communauté LGBT.

Plus précisément, elle souhaite à cette "communauté" de se dissoudre rapidement, de disparaître en tant que telle.

Ce serait enfin le signe tangible que les homosexuelles (féminin dominant, tiens, essayons un peu pour voir) ne seraient plus obligé-e-s de passer, comme c'est le cas depuis deux siècles, par toutes ces cases, comme dans un jeu de l'oie particulièrement pervers : un demi-pas en avant, trois pas en arrière...

Sans parler des moments de l'histoire et des lieux où on les a emprisonné-e-s, tué-e-s, ou même fiché-e-s, de la mode des électrochocs pour guérir cette "maladie", des dénonciations, des parents qui jettent leur enfant dehors lorsqu'ils apprennent... Alors ça, c'est encore très pratiqué. C'est la raison d'être du "Refuge", association qui propose des appartements-relais à ces malheureux-ses.

D'une clandestinité en rase-trottoir sur fond policier, pour dire les choses telles qu'elles étaient, à l'underground, terme qui marque une certaine revendication (oui mais laquelle ?), ellils (*) en ont connu, des avatars !

Du fameux coming-out, rite ridicule et indigne qui a d'abord été poliment suggéré aux personnes homosexuelles, pour finir par être en somme attendu d'elles et qui consiste à annoncer tout haut et en public ladite orientation, un truc qui rappelle vaguement l'autocritique à la chinoise sous Mao, à l'appellation "gay" pour changer "d'homo", qualification plus gaie si l'on peut dire et réservée aux hommes bien entendu, les femmes devant se contenter, depuis des lustres, du moche "lesbiennes"...

...Tout ça pour arriver enfin à une certaine acceptation en ce début du XXIe siècle ? Une acceptation si massive en réalité, qu'ellils se sentent obligés de s'affirmer en tant que "communauté" ? Comme une espèce de groupe de pingouins rassemblé-e-s, tous frileusement serré-e-s les un-e-s contre les autres sur un iceberg à la dérive ?

La disparition de la "communauté LGBT" marquerait donc l'avènement d'une situation NORMALE que la Taulière attend vainement, se résignant à ne point la connaître de son vivant : celle où personne, non seulement ne serait sommé d'exposer son orientation sexuelle, mais où l'on se s'aviserait plus de la mettre plus ou moins discrètement en avant lorsqu'on parle d'une personne homosexuelle ou trans. Pas plus que sa couleur, sa religion, le métal de ses lunettes ou la couleur de son slip.

Je vous vois quasiment protester : ben non, on fait plus ça de nos jours ! Ben si. N'avez-vous jamais entendu "il est sympa le nouveau chef, il est homo", ou "j'ai vu ma prof avec sa copine, c'est des lesbiennes", ou encore "j'ai eu enfin affaire à un vendeur compétent, c'est un black" ou bien "tel romancier - il est juif - super, non, son dernier bouquin ?".

Amusez-vous à traquer ces petites "précisions inutiles", vous verrez combien elles sont courantes. Vous pouvez même vous payer le luxe de dire "STOP" lorsque quelqu'un les emploie devant vous. Et jouissez de sa surprise peinée ("je ne suis pas comme ça"). C'est bien connu, personne n'est raciste d'ailleurs j'ai un pote arabe etc.

Notre orientation sexuelle nous regarde, exclusivement, est-ce si difficile à comprendre ? Imagine-t-on "il est sympa le nouveau chef, il a un piercing sur la verge", "j'ai eu enfin affaire à un vendeur compétent, il est rose plutôt clair", ou bien "j'ai vu ma prof avec sa copine, elles ont du poil aux seins" (**) ?

La précision concernant la couleur, la religion, l'origine ou les préférences sexuelles des personnes relèvent du même intime ou de la même banalité. On ne stipule pas d'emblée, en parlant d'un nouveau venu dans l'entreprise, qu'il ne range jamais son linge autrement qu'empilé, d'une autre que son fruit préféré est le raisin, d'un troisième qu'il préfère la peinture au papier peint, etc.

Pourquoi dès lors cette rage de désignation ? Nous laisserons cette question ouverte et à la réflexion de chacun-e.

Et donc, pendant combien de décennies devrons-nous encore entendre ça ? Et pendant combien de décennies les homosexuelles, bi- ou trans- vont-ellils se vivre comme appartenant à cette fameuse "communauté" ?

La Taulière n'aime pas du tout ce terme, communauté. Et comme elle fait un peu partie aussi de la "communauté des vieux" et de ce fait a un peu de recul, elle trouve que les évolutions sociales sont foutrement laborieuses.

Bonne année à toutes et tous, que vous préfériez les hommes, les femmes, les deux, les neutres. Que votre peau soit d'une nuance telle ou telle (ah oui, d'autres voeux pour arrêter de dire "les blancs", "les noirs", etc.). Que vous adressiez vos prières à Hashem, à Shiva, à Allah ou à Jean Jaurès. Que vous aimiez particulièrement le raisin, les oeufs sur le plat, les casseroles en cuivre ou les shorts en lin, ou rien du tout.

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(*) "Ellils", comme "celleux", a été créé par La Taulière pour tenter de "dégenrer" un peu le langage. D'autres progressistes de sa connaissance utilisent "illes" mais ça me gêne aux entournures, car le "il" est encore en tête. Quant à "yelles", ouais humph... Ouais je sais, c'est du pinaillage. Et je l'assume.

(**) On pourrait m'opposer que l'exemple du poil aux seins n'est pas très heureux. En effet, et ça peut être interprété, la présence de poils sur les seins se présentant comme caractère sexuel secondaire. On pourrait me reprocher d'induire ainsi que les femmes en question sont homo parce qu'elles ont du poil aux seins, testostérone, etc. On voit où ça mène. Mais je l'ai laissé, après réflexion, j'avais envie de me marrer un peu.