Messieurs (pas Madame),

Laissez-moi d'abord vous dire ma perplexité devant ce fait, réitéré à chaque élection présidentielle, que pas une femme digne de ce nom ne soit candidate à cette élection.

Dans chacune des candidatures poussées par les principaux partis, on lit en creux la forte détermination des appareils (masculins à 100 % : premier homme, son/ses lieutenants, les dauphins, les jeunes loups en liste d'attente...) à conserver à tout prix le pouvoir. Que quelques marginales comme Nathalie Artaud (proche de la sainteté par son dévouement à la cause de LO) parviennent à rassembler de quoi se présenter officiellement ne change rien à la donne. Nous savons que cela se jouera entre les cinq personnes interpellées ci-après, qui sont les seules à être constamment servies et sollicitées par la presse (à des degrés variables, s'entend), et la sixième, à laquelle je ne m'adresserai pas, dût-elle se retrouver la première.

Il y aurait là de quoi arrêter là ma lettre et la refermer, mais il se trouve que j'ai deux ou trois autres choses à vous dire.

Laissez-moi vous dire, Monsieur Fillon, à quel point votre absence de morale me consterne : que vous n'ayez comme réponse, aux charges sérieuses qui pèsent sur vous, que des accusations de "complot", "d'acharnement" de la presse et du parquet financier et que vous vous accrochiez envers et contre tous, au motif que "tout est légal" ; que vous tiriez, en guise d'écran de fumée, de puantes fusées comme cette mesure, extirpée des poubelles sarkoziennes, de la "majorité pénale à 16 ans"... Qu'enfin vous ne puissiez pas prononcer, dignement, les seuls mots possibles : "le système me permettait ce que j'ai fait, j'en ai usé et abusé, pressant le citron jusqu'à la dernière goutte afin d'arroser mes proches, allant jusqu'à vendre une décoration (pour qui croit aux hochets) contre un emploi fictif... Ce n'était pas bien, je le regrette sincèrement et j'en tire les conclusions en me retirant de la vie politique"... Je vous vomis. Voilà, votre cas est réglé en premier, ce n'est pas une préséance que je vous devais mais l'urgence de tirer une première fois la chasse.

Laissez-moi vous dire, Monsieur Hamon, que je ne vous fais absolument pas confiance. Vous êtes l'homme d'un parti, vous en avez gravi les échelons, vous avez manoeuvré en son sein pour vous "placer" voire, pour vous en démarquer à des fins personnelles. Je ne miserais pas un kopeck sur votre allure de premier communiant d'église bretonne, pas plus que sur vos "propositions", lesquelles, on le sait parfaitement, seraient remisées aux calendes grecques dès votre hypothétique élection. Vous êtes un fin stratège, dit-on à Solférino. Mais c'est parce que vous jouiez dans le tout petit mouchoir de poche du parti socialiste et de ses bruits de couloir. Face à un enjeu national, désolée : vous ne faites pas le poids, même pour jouer la minuscule partie de la France dans le grand et obscène match planétaire.

Laissez-moi vous dire, Monsieur Mélenchon, que votre culte éhonté de la personnalité (la vôtre, s'entend), exclut tout sérieux dans la conduite des affaires de la France. Moije ne peut être président que de lui-même. Vous êtes un bateleur. Vos éructations en direction de Benoît Hamon, vos arpentages de scène et vos harangues du public, non décidément : vous avez été mal orienté dans votre jeunesse, car vous appartenez sans conteste au monde du spectacle. S'il y a jamais eu une gauche, vous êtes illégitime à la représenter. Allez donc vous faire voir en hologramme.

Laissez-moi vous dire, Monsieur Jadot que je ne connais pas - au point de ne pas savoir même à quoi ressemble votre binette - que votre parti microscopique, auquel je n'ai jamais accordé la moindre importance parce que l'écologie ne peut pas être un parti mais un engagement, une pratique, une action, votre parti n'aurait même jamais dû imaginer être présent dans cette course : vous gaspillez des ressources financières et humaines (celles de vos quelques militant-e-s) dans ce simulacre, dont d'ailleurs vous allez vous retirer après avoir co-organisé des primaires fantoches. Vous n'êtes pas sérieux, vous n'êtes pas crédible et pire : vous n'existez pas.

Monsieur Macron... Monsieur Macron. Que voulez-vous que je vous dise. Si, de manière relativement étonnante, votre candidature est validée ; si vous vous retrouvez dans la course au second tour, eh bien je ne vous donnerai pas ma voix. Pas mal, votre coup d'Alger, mais vous voulez nous vendre du neuf fait avec du vieux, ça ne prend plus. Ainsi de chacune de vos ficelles, étonnamment usées pour un gars aussi jeune. Nous vous retrouverons, j'en suis sûre, car en France on aime bien faire patienter les talents sur la seconde marche du podium. Seulement il faudra vous faire limer les dents, on voit pointer vos canines.

Femme, je ne vois rien dans vos "programmes" de nature à me convaincre de participer à ce piège à con que sont les élections, surtout celle-ci. Mère, je ne suis pas étonnée qu'aucun d'entre vous n'ait réagi à la mort de deux enfants martyrs pendant que vous peaufiniez vos agendas, et que le sort des enfants mourant sous les coups de leurs "parents" ne vous soutire aucun élément de programme sérieux. Prolo et modeste retraitée, je ne vois pas que vous vous préoccupiez de mes semblables. Grand-mère, je n'ai à dire à mes petits-enfants rien qui soit de nature à les convaincre d'entrer dans cette mascarade lorsqu'ils seront majeurs.

Messieurs les candidats, bon appétit !

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Post-scriptum : je n'avais rien à dire à la fille Le Pen, c'est pour ça qu'elle ne figure pas dans la lettre. Si on avait écrasé la tronche de son paternel quand il en était encore temps (c'est une allégorie, je veux parler de son parti bien sûr), on n'en serait pas là. Elle est un cauchemar, or on ne s'adresse pas aux cauchemars : on s'efforce de se réveiller pour les anéantir. Et si elle est élue, je refuse d'avance d'en assumer la responsabilité. Culpabiliser les électeurs, ça va bien cinq minutes. Addendum ce matin : entendu qu'elle va commencer à rembourser les fonds européens sur l'emploi fictif de son chauffeur ou garde du corps ou j'sais pas quoi. Voilà, ça traîne pas, dommage que Fillon soit pas au même régime on boucherait le trou de la Sécu.