Elle voudrait donc remercier ici aujourd'hui, dans le désordre, celleux qui ont permis qu'aujourd'hui on se trouve, entre deux tours de l'élection présidentielle, obligés à un choix douteux. A propos, Ducon de la radio, on n'a pas "aujourd'hui plus que deux choix et non trois", formule idiote qui double une tautologie d'un barbarisme, puisqu'au 2e tour il n'y a plus que deux candidats et que LE choix, c'est justement le fait de porter sa préférence vers UNE option entre deux ou plusieurs qui se présentent.

Douteux et douloureux, donc, le choix. Alors :

Merci à Mélenchon qui a cumulé les fautes professionnelles : 1) n'avoir pas réussi à construire une alliance solide avec Hamon. Si elle avait eu lieu, le score virtuel de celui-ci aurait été démultiplié et, venant s'agréger à celui des électeurs "historiques" de Mélenchon, aurait, de 19,58 %, franchi la barre des 28, sans aucun doute possible. On imagine la dynamique qui aurait pu sortir de ça.

Il est vrai que Hamon lui-même n'a pas eu le courage de reconnaître son incapacité à obtenir un score supérieur à 10 % et donc, dans ce jeu qui est le seul qu'on nous propose, d'un scrutin universel à deux tours, la nécessité de plier bagage vite fait et de rejoindre la France Insoumise. L'attachement d'un frondeur à son parti d'où on l'a foutu à la porte en lui savonnant la planche de la plus sale façon qui soit, s'apparente à un syndrome de Stockholm frénétique ou à une attitude si timorée qu'on ne trouve pas d'autre mot.

2) n'avoir su dépasser (Mélenchon toujours) la déception de sa contre-performance et s'être enfermé dans un silence boudeur. Donner tout de suite une claire consigne de vote Macron et l'assortir d'avertissements secs à ce dernier, d'avoir à compter, dans sa majorité présidentielle, avec une gauche rassemblée, voilà qui aurait été stratégique. Ou appeler à l'absention et à la lutte, un suicide politique peut-être mais un beau jet d'éponge... Mais non, monsieur est mauvais perdant et le fait savoir, et se drape. Eh ben, vas-y, drape-toi dans ta toge de has-been, Méluche. Tu nous as fait perdre cinq ans, y a pas de quoi s'ébaubir.

Merci à la galaxie médiatique, utile et efficace relais de la droite la plus dure dans le matraquage "tout sauf Mélenchon". La terreur des bolcheviks, archaïquement chevillée à l'esprit français pur vélin, reste pour moi une énigme. Néanmoins, ça a marché encore ce coup-ci, y compris le soupçon "d'inutilité" d'un vote Mélenchon au premier tour, y compris les accusations de pro-bacharisme et de lécho-poutinisme.

Ce qui a bien marché, aussi, c'est la complaisance envers la Pen. Là, rien à dire, la soupe est servie bien au-delà du minimum requis par le CSA. Ne nous y trompons pas, ça fait partie des stratégies de la droite dite classique. Entendre ou lire, dans la presse, que "les extrêmes, etc.", terme englobant Mélenchon et Le Pen dans le même sac, si c'est pas un signe des temps, ça, la Taulière mange son chapeau de pluie qui lui est pourtant bien plus utile à l'extérieur.

D'autant qu'elle n'a pas envie d'en chier des ronds.

Merci aux hésitants ou aux réfléchit-petit qui y ont cru (que la gauche, c'est tout de même par trop dangereux et incertain). Peut-on encore en 2017, après le dessoudage d'Allende par Pinochet, après l'Argentine, après les attaques incessantes contre la pourtant convaincante démonstration de certains états d'Amérique Latine (Equateur, Bolivie et même le Vénézuéla de Chavez première manière) qui ont réussi à foutre dehors le FMI, après le dévoilement du "plan Colombie" concocté par les faucons US, après le noyautage des mouvements issus de la rue dans les pays arabes et en Espagne, après la rentrée dans le rang de Tsipras, après le coup de la Crimée et de l'Ukraine, après les intrusions russes dans le jeu électoral américain pour faire advenir Trump, bref, après tous ces événements politiques qu'on peut - qu'on doit - lire dans le même sens, comment peut-on encore douter que, chaque fois qu'un socialisme (je parle de vrai socialisme), qu'une gauche sociale, bref, appelez ça comme vous voulez, pointe son nez, 90 % de ce qui décide sur la planète a les moyens de la faire taire ?

Non, je ne fais pas semblant de croire que JLM aurait instauré, en cas d'une complètement fantasmatique victoire aux deux tours, un socialisme digne de ce nom. Je crois juste qu'il aurait essayé plus fort que la bande à Flanby. Et qu'il aurait marqué quelques points. Oui, je me contente de peu. Les temps sont durs, ma bonne Mâme Bouziges.

A part ça, la capacité d'analyse de mes compatriotes serait-elle réduite au prisme des couleurs de la cravate à Pujadas ? Aurait-on raison de nous prendre pour des vrais cons ? La Taulière ne peut pas le croire.

Comment donc faire encore avaler aux Français que l'avènement d'un gouvernement de vraie gauche (ou s'annonçant tel) équivaudrait à saigner le pays de tous ses capitaux, alors qu'on sait pertinemment que "l'évasion fiscale" n'est que le fait de gens sans foi ni loi qui l'ont déjà réalisée par tous les moyens y compris par le scélérat CICE ou encore plus scélérat "Crédit Impôt recherche" (dénoncé cet aprèm' sur France Inter comme le "petit paradis fiscal français", podcastez sans faute le "Secret d'info" d'aujourd'hui), y compris la composition de la "Loi Travaille" si chère à Macron ?

Est-on à ce point bouché pour ne pas voir que la majeure partie des patrons (petits et moyens) n'est pas (encore) aux mains des financiers prompts à faire régner l'ordre conservateur par tous les moyens les plus sales, et que ce sont ceux-là, le tissu économique du pays ? Et croire au grand méchant loup communiste qui ferait fuir des petits cochons qui ont ici en France toute leur vie, professionnelle, familiale, leurs maisons solides en pierre, bref, leurs raisons d'exister ?

Merci enfin aux purs et durs qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez autonome, libertaire, anar et autres "élections piège-à-con" ? La Taulière en fait un peu partie, d'accord. Disons qu'elle sympathise fort. A 98 %. Mais les enjeux changent, les situations évoluent (et sa propre connerie, elle la travaille un peu aussi). Et là, en 2017, elle a senti le vent du boulet (tardivement, elle le confesse, mais bon). Elle confesse son incohérence et ses errances. Qui n'a jamais chépé, man, qu'il me tejje la first ierreup. Yoooo.

Et donc, pour le coup, après ce qu'on a vu de la campagne (qui a senti bon la campagne, d'ailleurs), peut-être aurait-on pu tout de même, meufs et keums, aller poser massivementn un bulletin Méluche dans l'urne pour faire monter l'espoir et se dire qu'on ne risquait pas vraiment son âme en portant cette gauche-là en première position au premier tour, voire au 2e ?

Histoire : d'une, de faire gicler la Pen et qu'elle retourne là d'où elle n'aurait jamais dû sortir si on avait écrasé la tronche de son paternel en 82, et ça aurait eu un peu de gueule, côté morale.

Et de deux, de changer un peu la physionomie du 2e tour. Qu'aurait pesé Macron face à un Mélenchon largement plébiscité ? OK, le Jean-Luc est bourré de défauts, mais il a une qualité, qu'il a (fugitivement) démontrée ce coup-ci : quand il est porté, rien ne l'arrête. Et là, on aurait pu rigoler un peu. Et négocier intelligemment en vue des législatives, même si la frileuse France avait choisi Macron au 2e tour. Ce qu'elle va faire de toute façon, enfin, espérons.

Et aussi, les anti-vote, avez-vous jamais pensé que foutre au passage un bon gros coup de latte dans la gueule de cette droite sans honneur, de Sarko à Fillon, de Dupont-Aignan à Le Pen, de Wauquiez à Morano, que démontrer à Macron-le-galéjeur qu'on n'était pas dupes, ça ne remettait absolument pas en cause vos sacro-saintes luttes, que ça pouvait être considéré comme une étape ? A refuser à tout prix de fraterniser avec le systèèèèème, avez-vous pas l'impression un peu de tendre la main au FN ? Comment ça je blasphème ? Après avoir entendu certain-e-s affirmer que, bon, 5 ans avec Le Pen eh ben on sera dans la rue tout le temps, et on verra si ça diffère tellement de ses potes LR ou EM, ou PS, bref, renvoyer dos à dos tout-le-monde-sauf-nous, j'ai des doutes.

Et aussi, c'est un tour de pensée un peu binaire, quoi : tout ou rien ?

Bon, ben rien encore 5 ans, c'est pas grave, j'ai l'habitude d'attendre, peux-je m'asseoir ? Merci.

Comme si on ne pouvait pas affronter la police d'un gouvernement Mélenchon... Comme si on ne pouvait pas être opposant, garde-fou, conscience politique, empêcheur de faiblir-en-rond, d'un vieux gaucho à la manque qu'on aurait porté au pouvoir en attendant mieux (le "mitterandolâtre caudillo tricolore" comme dit Quadruppani dans un super billet de ses Contrées Magnifiques), en travaillant dur à ce futur "mieux". En attendant, on ne me la fera pas à l'envers en me faisant croire qu'il y aurait eu autant de malheureux sous un post-hypothétique Mélenchon que sous un probablo-"télévangéliste de la banque" (encore Quadruppani dixit) Macron.

Pour être complète et vider l'abcès, moi aussi je l'ai pensé, que 5 ans avec la clique fasciste ça remettrait les pendules à l'heure, je l'ai même clamé un peu partout. Je le pense encore. C'est-à-dire, je le pense avec fatalisme, vu ce qui se dessine. Mais quand j'évoque les potes fraîchement naturalisés qu'on pourrait virer du pays comme des malpropres à peine qu'ils auraient des activités un peu subversives telles que penser et militer, j'ai la trouille... Quand je revois tous ces gens qu'on a accueillis, soutenus, parrainés pour qu'ils puissent rester en France, leur regard d'espoir vers la démocratie française en action, j'ai un peu honte... Quand je pense à Jean-François Carenco, très honorable préfet en Rhône-Alpes il y a quelques années, et qui avait soutenu une des rares expériences d'intégration des Roms, quand je pense à tous ces maires qui, toutes étiquettes et tendances confondues, ont accueilli des réfugiés, je me souviens que non, NON ET NON, tout n'est pas pareil.

En remontant plus loin, si je me souviens de 1993 et des tracasseries que j'avais rencontrées en mairie pour renouveler les papiers d'identité de mes filles nées d'un papa fraîchement naturalisé, j'ai la haine. Et quand je pense à l'une de mes "bi-nationales" qui va voyager prochainement, à l'idée qu'on pourrait ne pas la laisser rentrer, j'ai les boules.

Et donc, quitte à refaire le score chiraquien de 2002, j'irai voter Macron dimanche prochain sans joie, sans élan, comme pas mal d'entre vous qui me lisez (vous devez être deux et je parie que je connais votre opinion), et oui, on sera dans la rue pendant 5 ans, qu'est-ce que ça change ?

Comment ça, fallait causer avant le premier tour ? Ouais, ben j'étais pas là figurez-vous.

Mais j'suis revenue.

A propos, quand on tape sur gougueule "présidentielle" y a 2017 qui s'affiche en une, et "2002" tout de suite après. Y en a des qui révisent ?

Ce billet a été revu et modifié maintes fois par l'auteure depuis sa publication, encore remanié à l'instant. Je m'étais emballée, je m'y contredisais, il y subsiste encore pas mal de confusion, j'y peux rien, je suis pas au clair moi-même. J'ai juste le sentiment qu'on a loupé un rendez-vous important. Pour faire contrepoids à mes coconneries, vous pouvez aller voir du côté des Contrées Magnifiques (lien ci-dessus), lire Quadruppani, anar tendance droit-dans-ses-sabots-limougeauds-gaucho, c'est bien des mâles, ça, moi faible femme, j'ai des émotions, des doutes, des précautions, j'sais pas faire. Sans blague, Quadrupp il a la culture, les arguments, tout ça. N'empêche, je persiste et signe, enfin je crois.

Plus tard (le lendemain). Nom d'un clébard ! Enfer et carte bleue !! V'là que j'ai vu 4 copines aujourd'hui qui vont mettre du blanc dans le machin. On discute pendant une grosse heure. Je doute, je redoute (à Roubaix), je déroute (à Bayrou).

Ce soir je discute avec une de mes frangines. Et ran tan tan, on mettra du blanc. Ou mieux, me dit la soeur, on peut mettre le fameux texte d'Orwell ("un peuple qui élit, etc."). Le même Orwell faisait remarquer, à la veille de la guerre (il était pacifiste) que celle-ci ne réglerait rien et ne servirait qu'à « renforcer les impérialismes européens, qui ont beau jeu de se présenter, face à la menace fasciste, comme des démocraties, alors qu'ils exploitent sans vergogne « six cents millions d'êtres humains privés de tous droits »- Notice Wikipédia d'Orwell.

Et pof ! Une copine m'envoie ce lien : http://tempsreel.nouvelobs.com/presidentielle-2017/20170302.OBS6002/presidentielle-le-veritable-acte-protestataire-c-est-l-abstention.html?xtref=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2F#https://www.facebook.com/

Bon, alors on s'abstient ?? Hé, y a quelqu'un qui peut me dire quoi faire ?
Encore toute la semaine pour enrichir sa culture citoyenne, chic !