Mais dis-donc !

Die Welt, grand quotidien allemand, ouvre sa une sur la photo d'une banderole « Ni Macron, ni Le Pen, le soulèvement c'est maintenant ». C'est à Nantes que ce slogan a été promené par quelques 500 courageu-s-es malgré une forte pression policière, dixit La Horde

« Par mes actes et ma conso, je vote 365 jours par an. Toi qui ne te mobilises que 2 dimanches tous les 5 ans, vote comme bon te semble, mais ne me fais pas la morale », affirme un panneau accroché sur les grilles de l'hôtel de ville de Lyon. La Taulière se permet de signaler à l'auteur-e qu'en fait, quand on vote c'est plus de deux dimanches tous les 5 ans parce qu'on cherche aussi à élire le maire de sa ville, son président de conseil régional, un-e ou deux député-e-s ici et là, en France et en Europe. De fait, on sort sa carte à peu près tous les deux ans en moyenne.

Elle souhaite aussi rétablir une vérité : voter dans les urnes (« Votez dur, votez mou mais votez dans le trou… ») n'exclut pas de voter 365 jours par an de la même manière que cette révolté-e, mais bon, je vais pas chipoter, ne me sentant pas visée par les "deux dimanches tous les 5 ans" et toute disposée à témoigner, moi aussi, les 364 autres jours.

« Ni Le Pen, ni Macron – Ni patrie, ni patron », un panneau qui se promène dans les rues de la capitale, rapporte, plein de chagrin, le site droiturier boulevard voltaire (plein cap et toutes voiles dehors vers la fachosphère, je mets pas le lien, je vais pas leur faire de la pub en plus) « … et pas de famille, non plus ? » se désole le plumitif indigné, qui soutient qu'en 68 il n'y avait dans la rue que des fils d'avocats et de notaires (pas que, connard, mais je confirme qu'ils y étaient : avec des barres de fer, ouais, et qu'ils rôdaient autour de la fac de Lettres à Lyon pour casser du gaucho), que la jeunesse d'aujourd'hui est aussi folle que celle de son papa, et qui n'hésite pas à conclure en citant Mao (pioché dans les sites bêtassous de citations apocryphes, vu qu'y doit pas lire beaucoup). Va donc, révisionniste au petit pied.

Autant revenir à de saines lectures et peut-être, se dit la Taulière, sortir du tiroir du bas son chapeau de pluie pour commencer à réfléchir à comment l'accommoder. En effet, si déguster son galurin n'était qu'une figure de style dans le précédent billet, elle est bien tentée d'en faire un pot-au-feu maintenant qu'elle a subi une petite désintox (merci les copines, merci la frangine, merci "Les Contrées Magnifiques", merci la presse anar) et s'est rappelée pourquoi elle n'avait pas lerche voté ces dernières années. Du moins, pourquoi elle s'était livrée à diverses facéties en serrant dans les petites enveloppes des documents qui n'avaient rien à voir avec le bulletin d'un quelconque candidat.

Je vais vous dire, c'est très difficile pour les gens de ma génération et de mon milieu culturel et politique d'origine, de renoncer à ce mode d'expression, parce qu'on a toujours la tentation de peser à l'intérieur du système. Du fait qu'on y vit. Parce que les anars & C°, que j'aime par ailleurs d'une rude et bourrue affection, eh bien ils y sont bel et bien dans le système, faut pas se la raconter. Et donc, pourquoi qu'y ne rejettent que la carte d'électeur et pas tout le reste ? Réponse : parce que c'est vachement dur de vivre totalement en dehors. Pour pas dire impossible.

Tous ces gens, que je fréquente et estime, "votent" en effet par leurs actes, leurs convictions, leur engagement, leurs valeurs etc. Mais ils le font à l'intérieur du système, en jouant avec ses codes, en utilisant ses espaces, en y créant des "bulles" : collectifs, squats, manifs, centres sociaux autogérés, espaces partagés, universités populaires, etc. Et surtout, en y témoignant inlassablement de ce qu'on peut faire autrement.

Mais ce coup-ci, je continue à penser que s'ils avaient bien voulu la jouer Mélenchon, quitte à pleurer et à se lamenter comme dit le blogueur des Contrées (mais moins que ce qu'on va pleurer, mec, je te le garantis, bien moins), j'en reviens à mon obsession, on aurait pu franchir une étape.

Enfin, chers p'tit-e-s potes-ses, en votant vous vous seriez adressé-e-s, pour une fois, à d'autres gens que celleux qui pensent comme vous, car le supergros défaut de votre incessante et acharnée démonstration, c'est qu'ainsi le grand soir n'est pas pressé d'arriver. Fanon et Césaire ne recommandaient-ils pas d'utiliser la langue du colon contre lui, et donc pourquoi pas l'outillage et le logiciel de l'oligarchie contre elle ? Mais je vous respecte fort d'essayer de le construire, va... Si vous avez envie de consacrer vos vies à réinventer la hache de bronze...

Ceci dit, belle abbesse, en résumé, selon La Taulière : 1) il fallait donc voter Méluche au premier tour de façon à le porter au 2e, 2) re-voter Méluche au 2e, et voir venir ensuite, affûter ses couteaux bolcheviks pendant les 5 années où il se serait démerdé avec la Banque Mondiale.

Mais voter Macron là, dimanche prochain, j'en suis de moins en moins sûre. Le déchaînement des sirènes catastrophistes, y compris parmi mes proches, me met à l'oreille une puce grosse comme un camion volé. Macron ne mérite que d'être élu par 50,01 % face à un record d'abstentions. On joue avec le feu ? Ben oui. Ce sera pas la première fois. En votant Chirac en 95 on s'est inondé les chaussettes. Ca change.

Bof, à refaire le film on s'emmerde un peu tout de même. Regardons plutôt « (...) les nuages, là-bas, les merveilleux nuages… » et cherchons une recette de chapeau mitonné.