Dédé Manoukian, visionnaire "entouré"

Le douceâtre mal rasé à l'oeil qui frise et au sourire colgate, au demeurant fort sympathique, nous a concocté aujourd'hui sur France Inter une émission dont le fil conducteur serait "les femmes compositrices de musique". Il fait ce qu'il peut, Dédé. Il raconte l'étonnante histoire de Zitkala-Sa rebaptisée Gertrude Simmons, compositrice et activiste sioux du début du XXe siècle. Il raconte, Dédé, sauf qu'en fait il se contente de lire au mot près ceci, qu'on trouve en moins de deux sur le site de "L'histoire par les femmes". Entre temps ce gentil dilettante feignant passe un peu de Nora Jones, un bout d'Arcade Fire (que de la musique innovante), opère un petit détour par les râga indiens, hop, trois notes d'Anoushka Shankar, et termine son heure d'antenne par ces mots délicieux, dignes d'un féministe convaincu : "et moi aussi je suis entouré de femmes", avant de nommer son équipe. Entouré. Femmes. Dédé !!

L214, des gens dépassés et déconnectés

Plus tard sur France Inter on entend, dans le journal de 19 heures, un quidam de la FNSEA, présenté comme "vice-président" (mais dont le nom ne figure nulle part sur le site de ce sympathique syndicat), éleveur de son état, donner son avis d'expert sur la manifestation organisée aujourd'hui à Paris à l'appel de L214, association de défense des animaux, pour demander la fermeture des abattoirs.

Ce brave garçon, qui "élève" dans le Cher, estime :

- qu'il y a là une "génération de citoyens" (comprenons : les gens qui militent pour la non-consommation d'animaux morts) qui sont "complètement déconnectés de la réalité" et qui sont choqués par la "moindre image", ainsi qualifie-t-il les vidéos mises en ligne par L214 que personnellement je n'ai jamais pu regarder tellement c'est horrible.
- que ce mouvement, dont il ne s'explique d'ailleurs pas "la montée en puissance depuis deux ans" (il vient de finir sa sieste ou quoi ?), est en perte de vitesse et qu'il y aura, prédit-il, "une lassitude"...
- et qu'il appartient à eux, éleveurs, de faire connaître au public les "améliorations" (sic) dans le métier et de concourir ainsi à "la vie en société".

Il est certain que, vu du Cher et d'une exploitation agricole adhérant à la "philosophie" de la FNSEA (plus gros, plus chimique, plus fiscalement filou, plus agressivement viandard, plus prédateur du foncier agricole, plus lobbyiste tu meurs), la notion de lame de fond doit paraître assez abstraite. Cela dit, le gars il pourrait changer de lunettes, déjà. Traiter de mouvement dépassé une prise de conscience qui ne fait que se développer, faut le faire. C'est le genre de mec, il arrive au bord de la falaise et il continue, une deux, une deux...

Le silence des agneaux (et des cochons, et des vaches, veaux, poules, etc.)

Les actus de Google ne disent pas un mot de cette manifestation. C'est ce qu'on appelle un silence assourdissant, que Google comble en nous donnant d'autres informations essentielles comme la énième prise de cocaïne par un rejeton Trierweiler, la mode des claquettes chaussettes ou le décès de l'inventeur de la pizza hawaïenne (à mon humble avis ce type, s'il avait été lucide et honnête, aurait dû se tirer une balle tout de suite après l'invention en question).

Il faudra donc aller gratter jusque dans la presse régionale, celle qui ne fait presque jamais la une chez Gougueule : La République du Centre par exemple, publie un article assez complet où l'on apprend que plus de 3000 manifestants ont été recensés et que cette marche est loin d'être un folklore franco-français, initié par une poignée d'allumés : « (…) "Nous en avions 2.500 l'an passé, la marche prend de l'ampleur et elle s'accompagne d'autres marches dans d'autres pays, notamment au Japon et en Allemagne", a dit à l'AFP Sebastien Arsac, l'autre co-fondateur, qui fait partie des deux personnes devant être jugées lundi (pour s'être introduites en décembre dans l'abattoir de Houdan, en région parisienne, et y avoir placé des caméras filmant notamment l'étourdissement des porcs au CO2, dont des images ont été diffusées cette semaine, ndlr). »

« Vite, vite, il reste pas mal de places pour le concert des Vieilles Canailles »

Ainsi clame la Voix du Nord dans le désert d'un week-end où il semble que dans les Hauts-de-France comme ailleurs l'on ne soit pas plus décidé à se déplacer pour voter qu'à aller se faire caguer en écoutant trois vieux ressasser des tubes en coma dépassé. La VDN fait ce qu'elle peut, elle aussi, mais l'apposition de "vite, vite" et de "il reste pas mal de places" ne met en lumière que la vanité de ses efforts. C'est un peu comme s'ils écrivaient "vite, vite, il reste des heures pour aller voter".

"KIWY : Kamera Is Watching You"

C'est ce que déchiffre, consternée, la Taulière en passant devant une porte de garage à bagnole. C'est écrit d'une main un peu malhabile et on ne sait pas trop si c'est le proprio, soucieux du plus cher de ses biens, qui s'est inventé son petit slogan - très drôle - ou si un grapheur de passage s'est moqué de lui.

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Tout ça pour dire qu'en écrivant ce billet j'écoute des trucs comme le déjà cité "Just Call me Nige" par le duo Mehliana (Mehldau/Guiliana) ou encore Now Vs Now toujours avec MG, "Big Pump" (j'aime bien le scat du bassiste Andreou, que Guiliana a l'air de trouver vachement long, et les deux dernières minutes) et aussi ces chers TBMO dans ce bref set - Kude Leee - avec le non moins cher Shabaka Hutchings, l'empereur british du sax. Voilà qui repose de la male wasp new-yorkist music.