... Mais il avait la texture d'une robe jetée au pied du lit, ou bien d'une glace crémeuse à la fraise des bois surmontée d'un biscuit à la pistache. Le jour d'avant, c'était encore une variation sur le thème. Une autre fois, l’empilement d’innombrables cagettes…

Ainsi va son regard : il chope la couleur, il attrape le moment, il juxtapose les bleus là où ils pètent, les roses au vert tendre, le cri d'un rouge/rouille dans le gris. Il monte très haut quand il le faut, se tortille pour apercevoir ou se plie en quatre au ras de l'herbe ou du bitume. Il n'hésite pas à montrer ce qui se voit à moitié, au détour d'un panneau, d'un mur obligeamment posé là. Il survole les champs et leurs mystérieuses traces supraterrestres... Bref, ce regard a quelque chose du laser baladeur. Et joueur.

Et puis, quand le regard dit oui, elle fait clic-clac, et c'est toujours un petit miracle.

Elle est au moins, déjà, un oeil. Un sacré regard. Et un doigt déclencheur à l'instant T, ni avant ni après. Une flâneuse sûrement, un talent qui se démultiplie chaque jour pour notre plaisir.

Elle, c'est Espiguette (je ne la connais pas autrement que par son blog : « Espiguette bis, l’annexe ». Mais qu'est-ce que c'est ? Un prénom, une grange, un café du coin ?

Chez Espiguette bis, on ne sait pas si on est avec une photographe, une peintre, une mosaïste (ou les trois). Ses collections, rassemblées à gauche : Fatras, Carnets, Fragments, Ici là vivre, etc. offrent une vue d'ensemble des clichés juxtaposés avec je ne sais quel art subtil évoquant Alechinsky, celui de "l'Arbre bleu" ou des "Fluctuations", avec leurs marginalia colorées.

Oui, c'est à cela que me font penser les collections montées en mosaïques. Double composition : celle de l'image à l'unité, puis celle de l'ensemble avec son organisation colorée. Double regard, et puis un art du brassage, une oeuvre. On serait perplexe s'il fallait donner ici ses préférences : Fragments touche en profondeur, Herbi(vore) enchante, Noir et blanc est fameux, Ici là vivre est un petit miracle, bref... Voilà pourquoi, lorsqu'on va chercher sa livraison quotidienne sur son blog, on se demande tout de même (les nombreux commentaires le disent) où elle va chercher tout ça ?

Le mystère du déclencheur jamais ne sera dévoilé, mais chacun.e pourra scruter, longuement, les photos d'Espiguette et leur assemblage en collections pour y trouver ses propres, et secrètes, réponses.