Cet enseignant, je l’ai connu dans un établissement où j’ai travaillé voici un certain temps ;-)
Il m’a écrit après ma retraite pour prendre de mes nouvelles et me donner des siennes. Il fait partie d’un petit groupe de gens avec qui j’entretiens une correspondance où il est beaucoup question de l’Education Nationale et aussi de politique.

Il bosse actuellement dans un bahut de zone « rurbaine » du nord-est, vous comprendrez que nous n’en saurons pas plus.

Il s’agit d’un « prof d’atelier » autrement dit, enseignant les disciplines professionnelles. C’est une personne engagée, non seulement dans sa pratique professionnelle mais en dehors de son boulot dans l’associatif.

Ce que m’a communiqué ce collègue, c’est un témoignage en deux parties : la première écrite après un conseil de discipline en cours d’année, la seconde en fin d’année scolaire.

Ce sont des écrits qu’il avait adressés à un autre correspondant et qu’il a ensuite rassemblés pour me les communiquer, car ces événements lui pèsent, c’est un euphémisme.

Ce texte est donc le sien. Je me suis contentée de rétablir une typographie et une mise en évidence des dialogues pour une meilleure lecture. Quelques précisions ont été apportées et j’ai donné en fin de document les traductions des sigles à l’usage des lecteurs étrangers à l’Education Nationale.

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Extrait 1

« J'ai mal vécu un conseil de discipline cette année. J'étais convoqué au conseil d'un élève dont je suis prof principal. Quelques jours avant, j'ai reçu de la part de son tuteur son livret de stage ainsi qu'une lettre qui l'accompagnait.

Julien n'avait pas eu le temps de récupérer ces deux documents puisque les policiers sont venus lui passer les menottes directement dans l'entreprise, pratiquement le jour de ses seize ans!!!! Formalité indispensable sans doute, le récupérer sur le parking aurait été trop simple ! GRRRR!!!!!!

Lorsque je me suis présenté au bureau de Serge (c'est mon proviseur-adjoint, j'ai travaillé avec lui il y a quelques années, il était prof) pour lui montrer les documents et surtout pour qu'il les joigne au dossier, il a éclaté de rire et il m'a répondu: "t'as rien compris ou quoi, on veut le virer, je cherche des charges contre lui, je ne vais pas rajouter ça!"

Je suis reparti du bureau avec mes papiers sans rien répondre.

Un lundi matin, Julien est arrivé le visage tuméfié, il s'était fait "passer à tabac" sur l’esplanade près du centre commercial. Le lendemain, devant le lycée, il a attendu l'un de ses agresseurs et il l'a frappé sauvagement.

Quelques semaines plus tard, il a récidivé.

Lors du conseil, il s'est très bien tenu, de nombreuses questions lui ont été posées, il a répondu calmement. Un parent d'élève a demandé : "et en entreprise, quand quelqu'un ne te convient pas, tu frappes ?"

La Maman a expliqué qu'il était suivi par la PJJ, que depuis quelques jours il prenait un traitement médicamenteux pour l'aider à gérer ses pulsions, qu'il voyait un psychologue.

Dans la dernière partie, on m'a demandé mon avis, je l'ai donné :

« Julien a des résultats scolaires irréprochables. Si l'on regarde son bulletin du 1er Trimestre, c'est l'un des meilleurs de la classe, il n'a pas une seule appréciation négative de la part d'un enseignant, sa formation lui plait, il travaille bien. Pour répondre à votre question concernant la prestation de Julien en entreprise, Monsieur, il y a quelques jours j'ai reçu un courrier provenant de son tuteur, je vais vous le lire :

« Monsieur, je vous prie de trouver ci joint le livret de stage de Julien, il n'a pas eu le temps de le récupérer. Julien a réalisé un très bon stage dans mon service, il s'est montré intéressé, volontaire et il a su poser des questions. »

« Je tiens à préciser que quelle qu'aurait pu être l’annotation du tuteur, je vous l'aurais communiquée de la même manière, mon objectif étant de vous apporter à tous le maximum d'informations concernant Julien, quelles qu'elles soient » (en prononçant cette phrase, j'ai fixé Serge qui est devenu rouge écarlate!).

J'ai ouvert le livret de stage de Julien, il l'a complété soigneusement et quotidiennement durant les 15 jours, pour vous donner une idée, sur 24 élèves, depuis 2 semaines, la moitié des élèves ne l'a encore pas rendu.

Ce courrier, le tuteur l'a envoyé alors que les policiers sont venus menotter Julien dans l'entreprise, si j'étais tuteur et qu'il se passe ça dans l'entreprise, je ne suis pas sûr que j'aurais le courage d'écrire un tel courrier et pourtant le tuteur l'a fait, donc...

Pour sa recherche de lieu de stage, Julien l'a cherché seul et il a trouvé rapidement, chez V., une très bonne entreprise. Là aussi, la moitié de la section n'avait rien trouvé un mois avant le début du stage.

Donc, Julien réussit bien sa scolarité, sur tous les points. Le retirer de sa formation ne serait pas une bonne chose pour lui, il est jeune, il a besoin de s'appuyer sur ce qui fonctionne bien pour sortir de son mauvais pas et on sait tous qu'un jeune de 16 ans qui a parfois un comportement violent et qui n'aurait plus de scolarité irait au-devant de gros soucis... » (je n'ai pas prononcé le mot "prison", j'ai hésité).

A ce moment, j'ai cru qu'entre le traitement médicamenteux, le psy, le stage, sa scolarité, au moins la majorité des personnes autour de la table comprendrait qu'il ne devait pas être exclu définitivement mais avec du sursis.

Le conseil a délibéré, j'ai été invité à sortir de la salle avec les parents et Julien.

On s'est assis dans le hall et dès que la porte a été fermée, le père s'est adressé à la mère de Julien : « si tu avais déposé plainte, on n'en serait pas là (!?), si j'avais eu la garde, j'aurais géré autrement ! ».

Le regard de Julien s'est figé au sol. La mère était gênée, moi aussi, elle ne répondait pas. Le père a continué de vociférer durant 5 minutes, dans ce laps de temps je crois qu'il n'a pas oublié grand-chose à reprocher à la mère de son fils, puis il s'est enfin tu.

La Maman m'a demandé: « Julien peut être exclu de l'éducation nationale? »

- Non, mais il peut être exclu de l'établissement. Autrement, il peut peut-être demander pour aller à …, en train c'est possible ». Julien a répondu : « non, je suis bien là, je veux rester ici ».

La mère a repris : « il voit le juge prochainement, s'il n'a plus de scolarité, il sera peut être placé en CER ».

J'ai conclu : « Madame, je ne connais pas la suite, mais votre fils est un jeune bien, il me l'a montré et il l'a montré à tous dans l'établissement, malgré ses erreurs, quoiqu'il advienne, il ne faut pas perdre de vue ce côté-là, tu écoutes Julien ? ». Pas de réaction de la part de Julien.

La Maman a rappelé à Julien qu'il devait se tenir correctement et ne faire aucune remarque à l'annonce de la décision.

Serge a ouvert la porte et nous sommes retournés dans la salle.

Mr P. a annoncé la décision : Julien est exclu à titre définitif de l'établissement.

La Maman m'a fait de la peine à ce moment, elle a dit : « ça veut dire quoi concrètement, comment les choses vont se passer ? »

- ça veut dire qu'à partir de lundi votre fils ne fait plus partie de l'établissement. Pour les modalités, vous verrez lundi avec Mr S. Merci à tous, je vous libère »

Julien a fait une remarque à voix basse que je n'ai pas comprise, sa Maman a repris : « ferme-la ou je t'en colle une »

Les parents de Julien sont sortis de la salle, je leur ai emboîté le pas, je ne tenais à discuter avec personne.

Quand je suis rentré à la maison, mon épouse, qui se doutait de l'issue du conseil et de mon état de colère, de fatigue et de révolte avait eu une attention délicate, elle avait concocté une soirée en amoureux, avec un bon resto.

Une belle surprise que je n'ai pas pu apprécier à sa juste valeur, j'ai eu du mal à décrocher de l'issue de ce conseil.

Durant ce week-end, nous n'avons pas eu de dégâts sur la maison suite au vent mais une clôture a été endommagée et un abri pour les animaux. J'ai réparé sous la pluie, j'ai ensuite passé le dimanche allongé avec de la fièvre. Le lundi matin, j'avais encore de la fièvre mais j'ai été au boulot. J'ai pris de quoi déjeuner dans mon sac, je ne tenais pas à aller à la cantine et voir Serge, le conseil était trop frais dans mon esprit.

Je l'ai vu quelques jours plus tard, il n'a fait cas de rien, moi non plus. Il y a 15 jours seulement on en a parlé calmement. J'ai commencé en lui disant : « tu vois, "on" (sic) a viré Julien et tu en as poussé gentiment 3 autres dehors, cette solution ne fonctionne pas, l'ambiance de classe n'a pas changé. Cet après-midi, j'ai évoqué en classe avec les élèves les difficultés du groupe, les élèves eux même ont fait des propositions concrètes et ont mis des mots sur leurs difficultés, on a fait un vrai travail constructif. Je vais présenter le bilan de ce travail mardi lors du conseil de classe, si les profs adhèrent on peut réussir, en virant des jeunes ça n'arrange rien, tu le sais! ».

Lors du conseil (de classe, ndlr), j'ai présenté les solutions proposées, j'ai essayé d'ouvrir le débat, les délégués ont participé mais les profs n'ont pas adhéré. A un moment je parlais et j'ai observé les visages autour de la table : des sourires. On m'a laissé parler poliment et c'est tout...

Je vais appliquer les mesures proposées par les élèves à l'atelier, mais ce sera sûrement peine perdue si je suis seul...

Je sais que d'autres profs demandent des exclusions à Serge, sans cesse... Depuis, il en a encore poussé un dehors !

J'imagine que gérer un établissement est loin d'être simple ; si un conseil de discipline est demandé et qu'il n'a pas lieu, les enseignants accusent la direction de laxisme ; si le conseil a lieu, c'est au détriment du jeune et ça n'arrange rien pour le jeune, pour la classe et pour l'établissement en général, si ce n'est que les enseignants sont satisfaits de manière très temporaire puisqu'en rentrant dans leur jeu, ils veulent toujours plus de têtes. Si le conseil n'a pas lieu et que le jeune récidive, c'est de la faute de la direction qui "n'a pas suivi", un vrai casse-tête !

Faire comprendre à beaucoup d'enseignants que le conseil de discipline ou l'exclusion en général, sauf exception, ce n'est pas une réelle solution, que le "problème" n'est pas traité mais repoussé, et que ne pas faire d'exclusion ne veut pas dire ne pas gérer la situation mais la gérer autrement, plus intelligemment, c'est très compliqué, c'est presque "mission impossible".

Pourtant, si les enseignants travaillent main dans la main entre eux ainsi qu'avec l'équipe de direction et que chacun s'intéresse aux difficultés du jeune - et est prêt à retrousser les manches pour l'aider, le soutenir, l'encourager, etc., c'est possible ! C'est un boulot extra, intéressant et on voit les progrès, rapides souvent, du jeune et de la section. Mais contrairement à l'exclusion, pour les profs, c'est un gros boulot, du temps passé aussi, ce que certains profs ne sont pas prêts à faire...

A tout cela s'ajoutent d'autres soucis, des choses que je ne comprends pas : un mois avant le départ en stage de la classe dont je suis prof principal, la moitié de la section n'avait pas trouvé ou pas cherché d'entreprise. J'ai tiré la sonnette d'alarme autant que j'ai pu, personne n'a réagi. Serge m'a dit de voir avec Pierre, Pierre m'a répondu qu'il n'avait pas le temps...

J'ai donc trouvé 12 lieux d'accueil, seul, et le jour du départ tous avaient une entreprise...

L'un de mes collègues d'atelier m'a fait remarquer que je n'aurais jamais dû prendre cette initiative, qu'à cause de "mes conneries", "on" allait se retrouver les années suivantes à gérer tous les stages. Mon autre collègue se tenait à côté, il n'a rien dit.

Quelques jours plus tard, j'ai fait remarquer à Serge que la manière dont avait été gérée la recherche de stage devait rester exceptionnelle, qu'il fallait en tirer les conclusions et qu'il serait bien qu'il organise une réunion, qu'il propose un protocole à mettre en place pour la recherche, "qui fait quoi, quand?".

Il m'a répondu qu'il avait essayé l'an passé, que les profs n'avaient pas adhéré, que ce n'était pas son boulot mais celui de Pierre et que s'il ne le fait pas (les relations sont très tendues entre eux) ce n'est pas à lui de le faire, qu'il lui a proposé de l'aider et qu'il n'est pas venu le voir (des gamins… !). Il a rajouté aussi que je n'étais pas obligé de chercher des entreprises !

Je lui ai répondu que j'étais conscient que ce n'était pas "que" mon job, qu'il est noté « équipe éducative » sur le référentiel mais que j'avais agi en privilégiant l'intérêt des élèves, qu'ils sont jeunes, qu'ils ont besoin d'aide, de soutien et qu'ils ne doivent pas faire les frais des problèmes internes de l'établissement. J'ai rajouté: « t'aurais fait quoi ensuite si 12 élèves n'avaient rien eu le jour du départ en stage, tu les voyais dans ton bureau et tu leur proposais à chacun une vague réorientation, en leur disant que s'ils n'avaient pas trouvé d'entreprise c'est que la formation ne leur plaît pas, c'est ça la solution ?! »

Il m'a rétorqué un truc dingue : « Eh bien, s'il faut foncer dans le mur, laissons foncer dans le mur et allons au clash, que veux-tu que je te dise ! ». Je lui ai dit que je n'étais pas d'accord, je lui ai répété que ce ne devait pas être au détriment des élèves.

Il est sorti de l'atelier sans rien me répondre.

Quant aux projets (1) que je m'étais fixés, ils me semblaient pourtant simples, facilement atteignables, ils pouvaient intéresser les jeunes dans leur formation, ils leur montreraient l'intérêt de travailler dans plusieurs disciplines, avec plusieurs profs, en venant au lycée peut être avec un certain plaisir (j'ai essayé de prononcer ce mot avec mes collègues, j'ai pigé, je ne dois plus le prononcer les 20 prochaines années!), en travaillant mais différemment... Je voyais une fluidité s'installer grâce à ces projets, des profs qui viennent à l'atelier, des élèves qui ont des profs qui passent dans d'autres disciplines, il n'en n'a rien été, zéro...

- Fabriquer une éolienne. Le dessin serait fait en Arts Appliqués, les plans en construction puis la fabrication en atelier, les agents l'installaient… Les élèves n'ont jamais eu de plan.

- Fabriquer des panneaux d'affichages originaux, axés sur la sécurité à l'atelier. Les dessins devaient être réalisés en Arts Appliqués, les plans et les calculs de centres de gravité en construction, puis on fabriquait et on les installait dans l'atelier : les élèves ne les ont jamais dessinés.

- Remanier l'implantation des systèmes dans l'atelier, créer des couloirs de circulation, comme en entreprise. Les élèves ont fait un super boulot, tout s'est bien passé. Mais l'autre prof d'Arts Appliqués devait dessiner avec les élèves des pochoirs pour peindre des bonhommes en mouvement afin de montrer où sont les couloirs, quelque chose de créatif. Les pochoirs n'ont jamais été dessinés, on les a fabriqués à l'atelier !

Le projet d'échange avec des élèves dans un pays européen voisin a, quant à lui, abouti, je pars prochainement avec une partie de la classe et la prof de langue, ce sera certainement très enrichissant pour tous. La participation au groupe de réflexion (2) était super aussi, un vrai boulot avec des personnes engagées autour de la table, j'aurais aimé aller plus loin mais c'est déjà pas mal.

Pour tous ces projets, je n'ai pas ménagé mon énergie: j'ai envoyé des emails, j'ai discuté, questionné, parlé lors des conseils de classe. A la fin, j'ai vu Serge et je lui ai dit: « je n'en peux plus, je passe beaucoup d'énergie pour rien, des profs ne réagissent pas, les élèves attendent et eux ne font rien, les projets ont l'effet inverse que celui escompté pour les élèves ».

Là encore sa réponse m'a assis : « il faut les comprendre, ces profs sont à temps partiel ou sur deux établissements, ils ne peuvent pas s'investir ».

J'attendais un « je vais voir ce que je peux faire, je vais essayer de leur en parler », mais rien.

Même passer une heure à dessiner des pochoirs avec des élèves, je demande trop ! Je n'ai pas envie de les comprendre, s'ils font un temps partiel, la partie du temps où ils bossent, ils bossent pour de bon, c'est tout !

Comme tu le vois, ce n'est pas la maison du bonheur ici non plus, je l'appelle tout simplement "(Nom du lycée)" ! Et quand des copains me demandent si mon boulot ça va, souvent il est rajouté en fin de phrase : « les élèves ne sont pas trop difficiles ? »

Selon les personnes, je module ma réponse, mais globalement, mes difficultés ne sont pas avec les élèves, le gros de mes problèmes est avec mes collègues.

Là les dernières PFMP (3) approchent, je suis contraint presque de travailler "en cachette" vis à vis de mes collègues pour aider les jeunes dans leur recherche, je n'en parle ni à Pierre, ni à Serge, peu à mes collègues, une situation de merde quoi.

Je compte prendre du retrait par rapport au Lycée l'an prochain, j'ai un projet non professionnel qui va me prendre du temps, je bosse beaucoup dessus en ce moment, j'espère qu'il aboutira et je grignoterai ce temps au détriment de mon investissement au lycée, je ne participerai plus au groupe de réflexion, j'ai dû faire des choix, je n'en ai pas encore informé le lycée, j'attends la dernière minute...

Quand il faut aller bosser en se disant que quoi qu'on fasse on va avoir droit à des reproches, qu'encore une fois les élèves sont malmenés, j'en ai ras le bol.

L'an prochain ce sera 18h, PP (4) si possible, je réaliserai les projets seul à l'atelier, ce qui m'ennuie mais je n'ai pas le choix, sauf un que je vais essayer de réaliser... avec un agent ! Il bosse là-dessus et il m'expliquait qu'il aimerait bien impliquer les élèves. Je m'entends bien avec lui et ce sera un vrai plaisir de bosser ensemble, il a plein de propositions, plein d'idées, super !

J'ai demandé à Serge si il pourra arranger mon emploi du temps l'an prochain afin que je puisse suivre les cours de langue avec les élèves, sur mon temps libre, il est d'accord, je suis content. Le projet d'échange se poursuivant, ces cours me faciliteront les choses et la relation avec les élèves, autrement que prof/élève, sera intéressante aussi.

Fin de l'extrait. Pour info, Pierre est le chef de travaux (5). »

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Extrait 2

« Depuis, je suis revenu du premier voyage d’échange européen, mes collègues ont exprimé le souhait de ne pas participer au projet (en partant le premier je pensais "amorcer la pompe", j'ai encore une fois mal pensé), pour l'enseignement général ils ne se sentent absolument pas concernés !

Mes collègues ont fait remarquer que durant mon absence ils m'avaient remplacé face aux élèves qui ne sont pas partis, que ça leur a demandé beaucoup d'efforts ! Ils se sont fait payer évidemment des heures supp. à raison de ce qu’ils ont fait « en plus ».

Quelques jours après mon retour, j'ai signifié que si j'étais le seul à participer à ce projet d'échange, je laissais tomber (on aurait reçu des élèves de l’autre pays ensuite lorsqu'ils seraient en classe de 1ère et on envisageait une PFMP là-bas), je ne peux pas aller plusieurs fois à l’étranger chaque année alors que mes collègues restent au lycée tout le temps.

J'ai appris en toute fin d'année que la direction du lycée a décidé d'abandonner ce projet d’échange.

Je n'ai déclaré aucune heure sup, je n'ai rien eu. Je n'attendais rien, ce ne sont pas les heures qui me font mal, c'est la manière de faire. En plus, vis-à-vis des élèves qui ne sont pas encore informés, ce n'est pas correct, ensuite on leur demandera de s'investir alors qu'ils comprendront qu'ils ont été leurrés !!! Ce sera compliqué pour eux.

Bon, c'est comme ça. Tout va bien on a dit, pas de vagues surtout.

Néanmoins, et c'est bizarre, j'aime mon métier, je ne changerai pour rien au monde (enfin, bon, rien, euh...)

Je souhaite à ta fille de pouvoir essayer d'enseigner et que si l'expérience lui plait, elle puisse se trouver un poste.

Les profs sont pour beaucoup des dingues d'heures sup. Dans une de nos sections il y a plusieurs dizaine d'HSA(6) (oui, oui!), ils se les partagent entre profs, et ils ne veulent surtout pas entendre parler d'un nouveau poste ! »

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Pour mesurer l'impact de ce que ce professeur prévoit (ou ne prévoit pas) pour l'année prochaine, il faut savoir qu'en lycée professionnel, les professeurs - en tout cas, ceux qui interviennent dans les disciplines techniques, les plus coefficientées pour le bac - suivent leur classe sur l'ensemble du cursus. Du moins c'était le cas "de mon temps" avec le bac pro en deux ans, je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui avec l'extension sur 3 ans.

(1) « projets » : il s’agit des PPCP, projets pluridisciplinaires à caractère professionnel, inscrits dans le référentiel du bac pro et au programme depuis 2000 (réforme du lycée professionnel, Jean-Luc Mélenchon ministre délégué à l’enseignement professionnel). Ils ont été dotés comme tels d’un horaire dans l’emploi du temps des élèves et pris sur les heures d’enseignement. Ces projets sont censés être menés par l’équipe pédagogique en mixant enseignement général et enseignement professionnel.

(2) « groupe de réflexion » - sans autre précision et compte tenu du contexte, il s’agit, supposons-nous, d’un dispositif de prévention de l’échec scolaire.

(3) PFMP : période de formation en milieu professionnel. Encore appelée « stage », cette période de 16 à 22 semaines suivant les filières est validée dans le cadre du diplôme où elle a donc un impact sur la note technique globale.

(4) PP : professeur principal

(5) Chef de travaux : la personne qui occupe ce poste, spécifique des lycées professionnels et technologiques, est chargée de l'organisation des enseignements techniques, aussi bien dans leurs aspects matériels (plannings d'occupation des plateaux, ateliers, laboratoires..., machines, équipements, stocks...) que leur environnement pédagogique dans le lycée et à l'extérieur (organisation des examens, évalutations, gestion des stages, etc.) - N.B. ce volet pédagogique est en général partagé - ou devrait l'être - avec le proviseur adjoint, leurs missions respectives trouvant là une zone commune de travail.

(6) HSA : heures supplémentaires annuelles, les mieux rémunérées dans le cadre de l'Education Nationale (il existe aussi des "HSE", heures supplémentaires effectives mais on ne va pas faire un cours sur les dispositifs de la grande maison).