... « Circonstance aggravante : l'homme s'en est ensuite pris aux policiers venus l'interpeller, menaçant de les "égorger", avant d'être finalement plaqué au sol et maîtrisé. Il a renoncé à faire appel de sa condamnation. »

Déniché ce "fait divers" dans les actus de Google, je ne me souviens plus dans quel média.

Les violences conjugales sont toujours classées dans les faits divers. Seul le journal Détective, que je n’aurais jamais imaginé citer un jour ici, emploie ce terme : « violences conjugales ».

A une ou deux exceptions près, les articles en ligne sont illustrés par des images d’appétissantes crêpes dorées à point (qui pourraient évoquer le faciès d'une personne passée à tabac), de la pâte à crêpes pleine de bulles (mais pure de tout grumeau, histoire de montrer à la victime comment on fait), voire par les ingrédients photographiés séparément (jolis jaunes d’œufs dans leur coquille)... Qu’est-ce qu’on cherche à mettre en valeur ici ? La recette de la torgnole maison ?

La quasi-totalité des articles souligne que la compagne du connard a été frappée « pour des grumeaux dans de la pâte à crêpes ». Faut-il comprendre que seule la futilité du motif est choquante ? Que si cette femme avait fait une erreur « plus grave » elle aurait mérité d’être violentée ? Quel serait le tarif alors, à supposer qu’elle ait raté le repas tout entier ? Tous les repas de la journée ? Mal repassé une chemise ? Eu une aventure extra-conjugale (à n’en pas douter, dans ce cas, seul le meurtre avec circonstances atténuantes pourrait laver l’affront) ?

Les articles soulignent en passant, mais sans s'y attarder autrement, que la scène s’est passée devant les filles du couple. Le sort fait aux enfants dans ces situations est toujours pudiquement évoqué.

D’autres violences

« Mon sujet, c’est comment la classe moyenne, à laquelle j’intègre ces ouvriers qui gagnent entre 2 000 et 2 200 euros en fin de carrière, est détruite aux Etats-Unis et en Europe. Ce sont les multinationales qui sont responsables de cette destruction. Pour moi, la fin de cette classe moyenne est l’histoire la plus importante du XXIe siècle. Sans elle, il n’y a plus de pays. C’est elle qui paie le plus d’impôts, qui consomme le plus. »

Lech Kowalski, cinéaste indépendant arrêté à Guéret pour « refus d’obtempérer, rébellion et violence », alors qu’il tentait de filmer pour le compte d'ARTE les négociations entre les ouvriers de GM & S et la préfecture.

On pourrait ajouter que le corollaire de cette situation est que la fin de cette classe moyenne entraîne dans son sillage, avec une rude et inexorable fatalité, le naufrage des plus pauvres, des sans-classe et des sans-dents, car la classe moyenne exerce aussi sa solidarité, tant sur un plan familial, de façon rapprochée, que par sa générosité aux campagnes de dons et de soutien aux plus démunis. Lorsqu’elle ne le peut plus, c’est toute la chaîne sociale qui se dégrade avec rapidité et tout un tissu qui se délite. Je ne vous apprends rien, mais ça va mieux en le disant.

« Depuis six mois que je travaille ici, tout se passe dans le secret. Les négociations, c’est ce qu’il y a de plus essentiel et on ne peut jamais tourner ! Il faut toujours qu’un négociateur prenne du temps pour tout raconter aux autres. C’est pourquoi j’ai décidé cette fois de dire non. En France, face aux CRS, on se laisse faire. J’ai décidé de dire stop. Les autres médias ont décidé de rester aussi. Alors deux gendarmes m’ont attrapé et m’ont tiré. Ils ont tapé sur ma caméra et ont cassé mon micro. Mais je filmais quand même. »

Lisez dans Libé.fr l’interview intégrale de Kowalski, remarquable par sa clarté, sa simplicité et qui pointe d'autres formes de violence : celle du fric-roi (ça devient tellement énorme que ça suscite, comme aurait dit Garcimore, un "rire ontologique", et celle de la police, encore et toujours, et toujours au service non pas d'un ordre républicain mais d'un cynisme économique effrayant.

On peut rapprocher ce témoignage et les images qui l’accompagnent, du film « 120 battements par minute », de Robin Campillo. De nombreuses séquences montrent les activistes d’Act Up en train d’entrer en force : dans un labo, un lycée, un raout mondain, etc. Plus quelques images de police entraînant (ou traînant) les manifestants.

Les personnes ayant vu le film confirmeront – ou pas – mon ressenti : dans les années 90, il semble qu'il était possible à des citoyens de pénétrer dans un lieu public fermé tel qu’une entreprise, un amphi, etc. et le déploiement policier était plus modeste qu'aujourd'hui, sinon plus tendre.

Essayez, aujourd’hui. Voyez vigiles, arrivée des CRS en force, référés vengeurs et précipités, condamnations plus sévères que celle du type aux grumeaux, là.

Soit dit en passant, on pourrait objecter que les interventions d’Act Up n’étaient pas dénuées d’une certaine forme de violence. Certes, mais symbolique (faux sang, cris, sifflets et autres manifestations bruyantes, bref, foutage de bordel dans les lieux visités). Elle renvoyait d’ailleurs à l’extrême violence faite aux malades, multiforme et bien réelle, celle-là : du mépris à l’abandon, du profit des labos à une politique de soins et de prévention indigentes…

Le film de Campillo, dont les images, soit dit en passant, sont corroborées par les documents d’archive de l’époque, montre très bien ce qui sépare l’époque en question de l'actuelle : une lente montée du flicage généralisé, l’avènement de l’ère des robocops pour protéger les biens, l’enfermement dans un monde où le policier est de plus en plus visible, de plus en plus décomplexé (affaires Rémi Fraisse, Adama Traoré, Théo, pour ne citer qu’eux). Un des anciens billets de l’Appentis que je suis infoutue de retrouver (c’est ça, les œuvres colossales : on aurait besoin d’archivistes), citait le rapport de l’ACAT dont on ne saurait trop vous conseiller de visiter le site.

Le verrouillage total dont parle Kowalski dans son interview, et qu’il rapproche de la France sous Vichy, il est bien là : revoyez François Ruffin porté dehors par quatre vigiles lors de son incursion (licite, en plus) dans les locaux de LVMH (film "Merci Patron"). Aujourd’hui, les citoyens qui viennent demander des comptes sont traités avec… comment dire : avec virilité.

Quant à la justice, elle colle à l'événement avec une précision sans faille. Qu'un professionnel dans l'exercice de ses fonctions soit maltraité, interpellé brutalement et que son matériel soit dégradé, voire détruit, et c'est lui qui comparaît pour "rébellion et violence" ?? Pincez-moi.

Elle est où, la violence ?

« Pendant des heures (au cours de sa nuit de GAV, ndlr), je me suis demandé : mais pourquoi je suis là ? Je ne pouvais pas dormir, j’ai réfléchi à la démocratie. La France vit comme sous un nouveau régime de Vichy, qui travaille pour les multinationales et qui rend coupables tous ceux qui s’opposent. Regardez : les lois qui ont été construites pour protéger les travailleurs sont peu à peu détruites. Pour moi, c’est cela qu’il faut filmer. », répond, en sortant de chez les cognes, Lech Kowalski, qui va maintenant faire réparer son matériel détruit par les flics (micro et caméra).

Un pansement en forme de sourire

La présidence Macron : « On dirait le BDE d’HEC à qui on confie un porte-avion nucléaire. Ça promet. »

Le programme de « En marche » : « En gros, ce sont les thèses de Jacques Attali dans la bouche de Ken, le mec de Barbie. Les dents sont bien blanches mais ça pue toujours autant de la gueule. »

Guillaume Meurice interviewé par Télérama