Elisabeth de Fontenay

Cette philosophe parlait mardi 3 octobre dans La Grande Table d’Olivia Gesbert, de son livre co-écrit avec Alain Finkielkraut « En terrain miné ». C’est une femme courageuse qu’EdF.

C’est une femme tout court, dans sa tentative de dialogue épistolaire avec un type fossilisé dans son idéologie. Olivia Gesbert, qui a lu le bouquin (une autre femme courageuse), souligne à quel point, dans cette correspondance casse-gueule, Elisabeth de Fontenay, philosophe éprouvée, a maintes fois fait un pas en arrière – ou de côté, s’est montrée conciliante et a tendu des perches à Finkielkraut qui, loin de les saisir ou d’adopter lui-même une attitude ouverte, n’a fait que camper sur ses certitudes et ne procède que par auto-justification.

France Culture encore

L’émission « Culture d’Islam », que la Taulière a écouté avec un plaisir intellectuel intense pendant quelques années, avait, croyait-elle, disparu des programmes. Que nenni : elle est maintenant diffusée à 7 heures le dimanche matin. Une tranche horaire choisie par M. Finkielkraut pour nous préserver des « islamo-gauchistes » ? Raté, Mr F. ! Je mettrai le réveil.

Parfois j’ai comme l’impression fugace que France Culture se réacto-droitise. Cette impression se produit par exemple lorsque je bondis sur mon poste pour fermer le clapet à Finkielkraut (encore !!) le samedi à 9 heures et ne pas écouter ses nauséabondes « Répliques ».

C’est aussi lorsque j’écoute la tranche matinale de Guillaume Erner, macroniste enragé. La lecture d’un de ses articles dans Charlie Hebdo ne parvient pas à me convaincre du contraire, surtout lorsqu'il s'appuie, dans ledit article, sur Patrick Buisson (a contrario, certes) pour analyser Wauquiez.

Buisson, Wauquiez, Sarkozy… Or, qu’est-ce que Macron sinon la réincarnation de Sarkozy ? Entre eux, l’épaisseur d’une talonnette. Non seulement Guillaume Erner déguise mal ses préférences, mais il n’y voit pas clair. De surcroît, je défie quiconque, ayant lu son billet, de comprendre où il veut en venir, ça ressemble à un jet d'encre de seiche pour mettre sa pensée derrière un nuage. Et que dire de la rédaction de Charlie Hebdo ? Les morts du 7 janvier 2015 doivent se retourner dans leurs tombes devant tant de casuistique.

PS du lendemain : concernant Guillaume Erner, ma perplexité demeure car c'est un homme pétri de contradictions. Ce matin à propos du procès Papon, il fait remarquer que l'histoire se répète et que des procédés comparables à ceux du nazisme et autres collaborationnistes sont à l'oeuvre à l'encontre des musulmans (stigmatisation en raison de la religion). J'avoue que je ne l'attendais pas sur ce terrain, l'ayant pris souvent la main dans le sac de l'islamophobie galopante. Erner, homme aux yeux pers et à la sensibilité changeante ?

Nobel de littérature 2017

Aujourd'hui, légère indignation d’entendre, invité par Olivia Gesbert, un individu décrit comme professeur de littérature et d’histoire des médias à l'université de St-Gall, Suisse (son CV résumé, pour qui ça intéresse, sur France Culture), non pas cracher, mais vomir dans la soupe.

Or, bingo, voilà que le Nobel est annoncé en direct pendant l’émission. Vincent Kaufmann (l'invité) confesse du bout des lèvres que, pas de pot, le lauréat est justement un auteur qu’il ne connaît pas. On est triste pour M. Kaufmann qu’il n’ait jamais eu l’idée de découvrir Kazuo Ishiguro, prix Nobel de littérature 2017. Il est vrai que Kaufmann n'a pas de mots assez durs pour la compétition quasi sportive du Nobel, dont il dit que la plupart des lauréats sont inconnus du public (de lui, en tout cas) et retomberont dans l'oubli au plus vite. Ca n'arrivera peut-être pas à Ishiguro, qui n'a pas attendu le Nobel pour exister, mais peut-être à M. Kaufmann.

Pour ce qui est de l'oubli, on peut d'ailleurs rappeler à Kaufmann l'existence (entre autres) de Kipling, de Selma Lagerlöf, de Yeats, de Bergson, de Thomas Mann, de Gide, de Faulkner, de St-John Perse, de Beckett, de William Golding, de Naguib Mahfouz, de Coetzee, Pamuk, Doris Lessing, Le Clézio, Octavio Paz, Kenzaburo Oe, Dario Fo, Saramago, Toni Morrison, Vargas Llosa, Modiano, Pirandello, Mauriac, Pasternak...

Entendons-nous : loin de la Taulière l'idée de chanter les mérites des prix et autres hochets. Mais bon, point trop n'en faut.

Kaufmann s’enferre en essayant de dézinguer ce nouveau nobellisé, qu’il ne connaît pas, donc, et tacle ce « Japonais » qui écrit en anglais. Kazuo Ishiguro a été élevé en Grande-Bretagne depuis l’âge de cinq ans, il est citoyen britannique. Peut-être Kaufmann voudrait-il que Kerouac ait écrit en français de la Belle-Province et qu’il ait signé ses bouquins « Ti-Jean » ? Que Chamoiseau, Césaire, Glissant, n’écrivent qu’en créole, Mabanckou en kikongo ou lingala, Gary en russe et Cavanna en italien ? Kaufmann voulait dénoncer – je ne saurais lui donner tort – l’hégémonie de la langue anglaise et de la culture anglo-saxonne. Il a juste raté la marche d'entrée, car ce qui fait écrire Ishiguro en anglais c'est, probablement, le fait qu'il ait été éduqué et scolarisé dans cette langue depuis sa petite enfance. N.B. Je n'aurais rien, au demeurant, contre le fait que les auteurs cités s'expriment dans leur langue maternelle ou supposée telle. Simplement, je leur suis reconnaissante et me sens honorée qu'ils aient écrit en français.

Par ailleurs, le fait d’écrire en anglais ôte-t-il à Ishiguro un milligramme de sa sensibilité japonaise ? Si Kaufmann avait lu par exemple « Lumière pâle sur les collines », ou « Un artiste du monde flottant », il saurait que non…

Oui, s’il avait lu Ishiguro, il saurait aussi que cet écrivain ne parle pas que de lui - c’est le reproche global que fait Kaufmann à la littérature actuelle, qu’il appelle une « réduction de la littérature à quelque chose d’exclusivement autobiographique : « je ne parle que de moi », mais qu’il évoque un monde bouleversé (le Japon du XXe siècle), les douleurs de l’exil, le partage des cultures et leur déchirement (en particulier dans "Lumière pâle..." où on navigue du Japon à l'Angleterre, à travers la langue et les paysages, la tradition picturale contre la trivialité du monde, le Japon traumatisé d'après Hiroshima, etc. Si ces thèmes ne sont pas assez universels pour M. Kaufmann, alors il lui faudra réviser un peu.

Mais il est possible que ses occupations ne laissent pas à Vincent Kaufmann beaucoup de temps pour lire. Il est en effet « président du comité d’orientation et de prospective du Forum Vies Mobiles (le centre de recherche et d’échanges créé par la SNCF pour explorer les mobilités du futur) » selon le site Métropolitiques.eu.

Le fait de rouler pour une entreprise commerciale ne semble pas gêner aux entournures ce professeur donneur de leçons, qui n’a de cesse de défendre la littérature-la-vraie, celle qui parle de résistances, d’universalisme, qui parle « au nom de » (des opprimés, entre autres), et qu’il oppose à la « littérature spectacularisée », atchoum.

Et de se lâcher sur les nouvelles technologies et le fait qu’aujourd’hui : « tout le monde peut être écrivain, tout le monde peut s’exprimer sur n’importe quelle plateforme, balancer un e-book sur une plateforme et le vendre ».

« (…) J’essaie de décrire les évolutions je prends acte du fait que les choses changent, sans d’ailleurs véritablement évaluer les choses, sans dire si c’est mieux ou moins bien qu’avant ».

Le rapprochement de ces deux phrases montre juste un menteur à l’œuvre : je démolis quelque chose en des termes passablement péjoratifs « n’importe quelle plateforme », « balancer » un e-book, et puis je dis que je ne porte pas de jugement de valeur.

Heureusement, Kaufmann pense qu’il y a encore quelques gardiens du temple – au nombre desquels sans doute il se compte – mais ce n’est pas un temple, qu’il garde : juste sa chasse privée.

Pour finir sur une note aimable, quittons donc la radio pour la vraie vie

Hier, à la « gym des vieux », dont au sujet de laquelle votre servante se rend tous les mardis, nous terminons la séance par des étirements divers, dont le dernier se passe à la barre : on y tourne le dos, on colle les talons au mur, on attrape la barre, les mains dans le dos, on tend les bras et le corps se bascule alors vers l’avant, formant une impeccable oblique des pieds à la tête.

Monique, ma voisine de barre, est une septua plutôt abîmée de la vie, après deux cancers et plein de malheurs divers. Sa silhouette est mince et juvénile. Une auréole frisée de fins cheveux blancs dégageant haut son front encadre un visage émacié aux yeux un peu rouges, et il lui manque une dent, en attendant que Macron augmente nos retraites. Elle fait preuve d’un humour discret mais qui s'apparente à ce que j'apprécie le plus chez les vieux : le mauvais esprit.

Monique à la barre, donc, tend son corps éprouvé vers l’avant, redresse fièrement la tête et me glisse « je fais la sirène à la proue du Titanic ». – On va pas tarder à sombrer, renchérit la Taulière. Alors Monique mime, en jouant de la mâchoire face aux embruns, la sirène qui avale des goulées de vagues océaniques en plongeant vers les abîmes, haw , haw. On rit comme… comme… Comme des baleines, tiens.

Dernière minute : LE RETOUR DE TCHOUPI


Le Progrès.fr de ce jour :

« C’est une habitante du quartier de Michon qui a alerté les pompiers lorsqu'elle a trouvé un iguane dans son jardin. L’animal, baptisé Tchoupi, a été attrapé par les pompiers de l’équipe animalière et emmené à la caserne de La Terrasse, où sa propriétaire est venue le récupérer ce jeudi en fin de matinée.

« Rappelons que Tchoupi avait disparu fin août du domicile de ses propriétaires résidant quartier Côte-Chaude, à Saint-Etienne. Lors de sa disparition, pompiers et policiers s’étaient mis à sa recherche… En vain.

« Ce n’est que ce jeudi matin que cette histoire insolite a connu un bel épilogue. »

Bel épilogue, certes, mais juste un poil avant la glaciation des iguanes. Il a fait entre 3 et 8 degrés la nuit, la plupart du temps, en septembre.