Chaque année c'est le même roux
c'est le même feu ou un or identique
chaque année la lumière est plus douce au soleil qui rase
chaque année son passage caressant de dix-huit heures
chaque année la colline semble se rapprocher quand les arbres envoient les couleurs.

Ce soir elle est à son apogée, demain ce sera encore mieux - est-ce possible ?
Les résineux affichent des nuances de vert obscur qu'on ne soupçonnait pas sous le dur soleil de l'été
des feuillus dont je ne connaîtrai jamais les noms en dépit du fameux aide-mémoire
"le charme d'Adam c'est d'être à poil"
se poussent du col garni de plumes
pressent leur velours de cuivre contre le ciel isatis.

Peu importe leur nom ce soir
ils s'appellent orange, ils s'appellent flamme, ils s'appellent renard
ils se nomment jaune comme la chair de la prune qui éclate
ils sont bruns comme le garenne fuyard
ils sont safran, ambre ou topaze
et leurs couleurs forment une presque saveur.

Certains visent le rouge, ils y parviendront juste avant la tempête
juste avant la houle du vent Lupin qui fauchera leurs bijoux en silence
chaque année c'est la même danse écarlate c'est la grande soirée
d'autres persistent dans une verdure arrogante et fragile qui demain aura perdu la bataille

Ces colliers, ces rivières, ces aigrettes et les diadèmes ruisselants de feuilles légères,
ces parures éphémères éclatantes mais déjà piquetées de brun
chaque année font leur carnaval, la tree-pride dissipée dans le vent avant la longue nuit
le morne vêtement fourré de noir et de blanc, le pesant sommeil
sous lequel les amoureuses des plantes savent déceler la vie qui sourd et qui bruit.

Chaque année il faut s'offrir ça, cette splendeur tapageuse et vibrante
et puis guetter l'imbécile heure d'hiver et attendre, attendre


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"Le charme d'Adam c'est d'être à poil", aide-mémoire susurré par La Jardinière :
le charme a des feuilles "à dents", le hêtre a des feuilles "à poil".