TROUVAILLE number one

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

C’est ce bon vieil article 1 de notre bonne vieille Consti de 58, concoctée par de Gaulle et son équipe et paraphée par lui en tant que « Président du Conseil des Ministres », alors que Coty était encore là et d’ailleurs, signe en premier, mais sans qu’aucun titre ne soit mentionné dans le document… Tout ça, dans un moment de vide politique et juridique qui devrait suffire à la rendre inconstitutionnelle (mais je ne suis pas constitutionnaliste).

Quant aux noms des autres signataires, on s’en passera. Bien obligée, puisqu'ils ne sont pas davantage identifiés dans le document. Très constitutionnel, vous dis-je.

Photo du doc ici.

On apprend plein de choses, chez Wiki, sur ce papelard et sur les conditions de son élaboration. Au passage, c’est tout de même fort que ce soit un putsch militaire, qui d’ailleurs a porté un militaire en retraite au pouvoir, qui ait présidé, si l’on peut dire, à une affirmation de légalisme et de légitimité du pouvoir en place et son cortège de « démocratie » bien calibrée.

On trouve surtout ceci, qui m’a bien fait rigoler (jaune) :

« Le texte de la Constitution a été publié au Journal officiel le 5 octobre 1958. L'article 16 comprend depuis l'origine une faute d'orthographe puisqu'il est ainsi libellé : « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu... ».

Bien sûr je ne vous dis pas où est la faute, mais vu les obsessions féministes de la Taulière vous avez sûrement déjà trouvé. A l’heure où l’écriture inclusive, attaquée de toutes parts et vilipendée en des termes et avec des arguments qui font vomir et qui rappellent fort la manière dont furent traitées, en leur temps, les suffragettes, ou plus près de chez nous les féministes des années 70 ou, encore plus près, les Femen, on est vraiment ravie d’apprendre que cette faute, bien que repérée par les rédacteurs des versions successives, n’a jamais été corrigée. Quant au motif de cette non-intervention orthographique, je m’en tiens encore le bide :

« (…) en effet, s'il avait fallu envisager de corriger cet article, hautement contesté dès son adoption en raison du régime dérogatoire aux libertés publiques qu'il permet, aucune majorité ne se serait trouvée pour en proposer une rédaction qui convienne à la fois aux partisans de son abrogation et à ceux de son maintien. » Faut-il vous l'envelopper ?

TROUVAILLE 2

Je feuillette, pour y chercher je ne sais plus quoi, « Affliction », roman absolument géant que j’ai lu et relu, de Russell Banks (titre original : Affliction), traduit de l’anglais par Pierre Furlan, paru aux USA en 1989 et en France chez Actes Sud – coll. Babel, en 1992.

Ces dates sont importantes.

Et voilà. Extrait :

« On te paiera une Oldsmobile de taille respectable, ou un Bronco, pas une de ces petites merdes que fabrique ce connard de Lee Iacocca (1). Ce mec me débecte », continua-t-il en faisant pivoter sa chaise et en mettant ses jambes sur le dessus du bureau.
« D’abord il fait faillite, puis il se débrouille pour que nos impôts le tirent de là, et après il fait le mariolle, Capitaine Capitalisme, comme s’il voulait devenir président du pays. Lui et Donald Trump. Ces connards s’engraissent avec l’argent du contribuable et une fois qu’ils sont riches ils deviennent républicains. Ce qui m’a toujours plu en toi, Wade, c’est que tu es un démocrate. Toi et moi, ajouta-t-il avec un grand sourire qui, aux yeux de Wade, le faisait soudain, justement, pas mal ressembler à Lee Iacocca. »

Vous avez bien lu : Donald Trump, 1989. A cette époque, le très regrettable président actuel des Etats-Unis est un trentenaire qui a hérité de la fortune familiale et fait dans le « real estate » frénétique, c’est-à-dire l’immobilier (de bureaux) et autres casinos, et non pas dans « le bâtiment » comme l’ont écrit bêtement nombre de journaux français, donnant ainsi l’impression totalement erronée que Trump avait bossé une fois dans sa vie.

Il me paraît important de préciser que ce discours politique qui ressemble à un petit « lâcher prise » privé, est prononcé de manière inattendue par Gordon LaRiviere, un des personnages du livre par ailleurs les plus salauds, faiseur de fric aux limites de la légalité, patron inflexible et sans états d’âme et qui mène son personnel à la schlague.

C’est évidemment Russell Banks qui s’exprime ici à travers le personnage de LaRiviere. Voici, par ailleurs, comment il commente l’élection de Trump pour Libération en juin de cette année (Russell Banks était présent au festival des Etonnants Voyageurs) :

«Tout cela est choquant mais pas surprenant. Au fil des ans, on a créé en Amérique une ploutocratie constituée d’individus et d’entreprises très riches, dans le divertissement ou l’armement, qui contrôlent tout. Trump n’est qu’un clown, un homme ignorant, autocentré et probablement psychotique et corrompu.»

Mais tout de même : Trump, 1989. Qui prétend que les écrivains sont de doux rêveurs, ou que Russell Banks n'est pas constant dans ses engagements ?

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(1) Lee Iacocca, dirigeant de Ford puis Chrysler - voir sa notice Wikipédia dont la sobriété ne rend peut-être pas justice à ce patron que le MEDEF rêve sans doute de voir canonisé pour mettre son effigie dans leurs locaux, mais montre au moins le goût du secret du bonhomme - pardon : la maîtrise de sa communication.