... C'est un lien avec une association "pour l'interdiction de l'écriture inclusive". Une association "apolitique, militante, indépendante". Mmmhhh... Mmmhhh...

La 2e entrée, c'est le chapeau d'un article de Sud-Ouest libellé : "Qu'est-ce que l'écriture inclusive et pourquoi pose-t-elle problème ?" Mmmhh... Moouiiiii....

On trouve ensuite la rubrique "A la Une" de Google, avec trois clichés (dessins, photos) montrant, dans l'ordre :

- le ministre Blanquer penché sur des bambins, avec comme accroche : "Après l'écriture inclusive, Blanquer fustige les ABCD de l'égalité..." ;

- puis un panneau d'interdiction de fumer avec la clope barrée, placé là pour illustrer un article du Monde qui fait le rapprochement entre la cigarette au cinéma et l'écriture inclusive, pour dire combien il est regrettable qu'on "trouve des boucs émissaires plutôt que de s'attaquer aux problèmes".

- En 3e position, le dessin publié dans le Populaire du Centre, montrant deux hommes et une femme (parité bien comprise) devant un tableau d'école où sont inscrits à la craie les mots "les français.e.s" (sic). Le Populaire du Centre - ou plutôt le dessino - semble ne pas connaître la règle des majuscules aux noms de nationaux. Bon...

Vient ensuite un article du Monde : "5 idées reçues sur l'écriture inclusive" (qu'on ne peut pas sigler "EI", quelle malchance, ça irait plus vite et ça plairait bien à certain.e.s).

Enfin, en septième position, arrive le site ecriture-inclusive.fr, sur lequel on peut aller s'informer.

Entre temps, on s'est bouffé tout ce que la propagande réac a pu inventer pour bouter l'écriture inclusive hors d'ici. Parce que franchement, mettre dans le même sac les "ABCD" de l'égalité, le tabagisme et la principale accusée, la fameuse "écriture inclusive", c'est tout de même un modèle en matière d'amalgame, ça colle carrément aux semelles. Quant au registre de langage, tu me le copieras : "problème", "interdiction", "fustiger", "bouc émissaire"... Tout ça baigne dans la positivité.

On peut se doit donc d'aller voir en quoi consiste vraiment le projet d'écriture dite "inclusive" (je déteste cet adjectif), au lieu de gober la bouillie propagandiste réac habituelle, qui pilonne dans les cerveaux disponibles son cortège de conneries :

- c'est moche ces point".e.s", je pourrai pas m'y habituer...

Oui, d'ailleurs c'est un expert de la modernité et de l'esthétique, qui l'affirme : "L'écriture inclusive, c'est très laid." (Blanquer, ministre)

Ooooh la vilaine écrituuuure !! Cache-toi, horreur ! Va vite coller ta figure au mur, espèce de mocheté ! Si vous voulez avoir un étalon pratique pour mesurer l'esthétique, voyez Blanquer : ceci est très laid, cela est très beau. Tu paries que lui, ce qu'il trouve beau, c'est les monuments aux morts de 14-18 et la statue de JP2 à Ploermel ? C'est dans "Valeurs actuelles", torchon ultralibéral et souvent flirtant avec l'extrême-droite, que Blanquer s'exprime. C'est dire la sûreté de son goût en matière de presse, ça donne le ton pour le reste.

A propos, les premières robes courtes, wououahhh la laideur, ces mollets qui dépassent !!! Et les meufs en pantalon, non mais quelle horreur !!! Comment a-t-on pu supporter ça ? C'est pas pour rien que les hôtesses d'Air France n'ont pas été autorisées à en porter jusqu'en... 2005.

Raaah, c'était à prévoir que ce XXIe siècle nous apporterait toutes ces calamités esthétiques... Et je te parle pas d'enlever les bandages des pieds des petites Chinoises. Non, franchement, ces pieds en bonne santé, c'est esthétiquement insupportable... Et KOUAAAAH ? Ca leur permet de faire du vélo en plus ?

- c'est pas au point, leur truc. Faudrait y travailler pour l'améliorer...

Oui, en même temps si les premier.e.s humain.e.s avaient balancé la première roue dans le ravin, au prétexte qu'elle "n'était pas au point", c'est pas aujourd'hui que tu pourrais rouler dans ta petite auto, hein. Au fait, rien n'empêche de partir de l'existant et de contribuer à l'amélioration, n'est-ce pas ?

- franchement y a pas des combats plus urgents... ?

En effet. D'ailleurs, si on avait fait avancer l'histoire de l'humanité dossier par dossier, en n'ouvrant aucun nouveau dossier tant que le précédent n'aurait pas été bouclé, au moins on y verrait clair au lieu de se battre sur tous les fronts en même temps.

Mettons, d'abord, l'abolition de la peine de mort.

Bon, j'ai pris exprès une question pas évidente mais qui tient à coeur, du coup ça prendrait un certain temps... Et puis, quand elle aurait été inscrite, l'abolition, dans toutes les lois de toutes les nations du monde (peut-être vers 2200), on aurait abordé, je sais pas, tiens : la législation sur les brevets. Et puis, quand cette législation aurait été au point sur l'ensemble de la planète, on aurait démarré la répartition des eaux territoriales. Et ensuite, la lutte pour un salaire minimum garanti... Puis l'Alsace-Lorraine, les emballages avec informations nutritionnelles, les armures démontables pour des croisades modernes, la réforme fiscale, le choc de simplification, le génome et les façons de s'en servir, la contraception. AAahh mais là, attention. C'est pas urgent... Et puis tiens, les traitements contre le cancer. La peste. Le sida. La sclérose en plaque. La paix dans le monde. Les droits des enfants. Ah font chier les gosses, au chenil... Et le moteur diesel.

Vouââlllahh.

Une chose après l'autre et les moutons seront bien gardés. Une organisation supportable pour des cerveaux mono-tâches avec des hémisphères peut-être pas tout à fait opérationnels.

Mais attends !! La meuf qui me dit ça : "c'est pas urgent" (une MEUF, en plus), elle est capable de : cuisiner en répondant au téléphone, tout en pensant à aller voir son vieux voisin, sans parler des factures à payer, et de rédiger des courriers dans le cadre de son engagement dans un collectif de lutte, aller s'occuper de la belle-mère, (essayer de) régler son problème de couple, prendre des nouvelles de ses proches, gérer ses propres problèmes de santé qui ne sont pas minces, et publier un bouquin. Tout ça elle peut. En même temps. Mais entendre parler - voire adopter quelques mesures simples pour y participer - de cette initiative de féminisation du langage, non ! C'EST-PAS-UR-GENT.

La Taulière se souvient qu'humblement vers 2009 elle publia le MAMGP (Manifeste pour l'Abolition du Masculin Grammaticalement Prépondérant) et que, de son texte "disponible sur demande", nul.le ne demanda jamais le moindre exemplaire (passé au pilon depuis). Il y était consigné quelques modestes possibilités comme "elleux" et "celleux" plutôt que "celles et ceux", très lourdingue. Je note que "celleux" est passé dans plusieurs organes de presse, merci pour l'auteure. Il y avait aussi "ellils", que je trouve bien plus pertinent que "ielles" et autres "illes", qu'on aurait tendance à prononcer "iye", ce qui ne révélerait rien de leur mixité et, si je veux chercher la petite bestiole, pose encore le masculin en premier. Quant à celleux qui trouvent ces nouveaux pronoms laids, ellils sont les mêmes qui se gargarisent sans frémir de icelles, icelui et autres cestuy-là... Ah mais attention, ça c'est l'héritage du Moyen-Age, la tradition françouèse, LALANGUE, quoi. En bois ou en marbre ?

Enfin, je m'égosillais à réclamer l'accord de l'adjectif avec le nom le plus proche, pour nous éviter l'humiliant "20 femmes et un petit garçon se sont installés dans la maison". Mais qu'ELLES s'installent, nom de dieu !!

« La règle de proximité (ou règle de voisinage) consiste à accorder le genre et éventuellement le nombre de l'adjectif avec le plus proche des noms qu'il qualifie, et le verbe avec le plus proche des chefs des groupes coordonnés formant son sujet. En vertu de cette règle, contrairement à l'usage actuel du français, le féminin et le singulier peuvent donc l'emporter sur le masculin et le pluriel. Elle se rencontre en grec ancien et en latin, de même qu'en ancien français. En français, elle ne sort complètement de l'usage qu'au XVIIIe siècle, où le masculin s'impose dans l'accord du genre ; elle fournit aujourd’hui la matière de propositions de réforme de l’accord de l'adjectif pour ceux qui y voient un outil de promotion de l'égalité entre femmes et hommes. »

« (...) pour ceux qui y voient, etc. » C'est pas gagné et en plus c'est clair comme du jus de boudin, mais au moins la notice a le mérite d'exister.

Quant aux point.e.s ils sont, n'en déplaisent à l'affligé et affligeant Blanquer, c'est beaucoup plus joli et léger que les point-e-s sans parler des point(e)s. Pour les mêmes raisons je récuse l'idiotie du E majuscule inséréE dans un texte, car non, les copines, nous ne réclamons pas de monter sur un trône mais d'être EGALES, bordel, y compris dans le langage, combien de fois faudra-t-il le chanter.

Bref, la Taulière est un peu en colère de constater :

1) que, chaque fois que les hommes de pouvoir (les autres subissent, comme nous, hein) sentent que ce pouvoir leur échappe, fût-ce par la très petite bribe du langage remis en ordre (le nôtre, pour une fois, pas le leur), ils déclenchent l'artillerie lourde car leur cerveau est resté en 14, que dis-je : au temps des premiers combats à la massue de pierre et de plus ils ne conçoivent la vie que comme un perpétuel rapport de force, manger ou être mangé ;

2) que des femmes, comme ces colonisé.e.s qui s'obstinent à trouver sympathique l'occupant.e, sont encore en train de relayer le discours machiste, de se l'approprier même, comme si elles n'avaient pas un cerveau en état de marche mais devaient le mettre temporairement hors-circuit pour se brancher sur celui des hommes, qui pensent pour nous, en somme, depuis... Bah, 3 à 5000 ans ? Et pas partout, notez bien ! Pas partout ! Ni tout le temps !

Les esprits simples aiment à se bercer de l'idée que "la tradition" est ce qui doit nous guider, quand celle-ci n'est née que du recouvrement d'une tradition antérieure, même si cette dernière était meilleure, plus équitable. C'est rassurant, "la tradition". Ca met un cadre, ça nous parque dans un espace où nous sommes emprisonné.e.s et heureux.se.s de l'être.

Au passage, la "tradition" est ce qui a guidé, aidé à mettre en place les religions puis les intégrismes religieux contre lesquels, bouh caca, tout le monde se récrie (surtout si c'est un intégrisme musulman. Pour les cathos, un silence bienveillant est la norme). La "tradition", c'est ce qui anime les théoricien.ne.s des partis d'extrême-droite, dont les idées pourraves sont si bien entrées dans le corpus d'idées reçues françaises, qu'on a la plus grande peine à les en isoler. La tradition ne se réfère qu'à elle-même, elle se mord la queue si vous voyez ce que je veux dire.

Et après ça, va me jurer que tu es de gauche, si si, et féministe en plus. Quand la moindre initiative égalitaire te fait sursauter comme une araignée dans ton froc ? (oui je m'adresse aux femmes aussi, puisque nous avons le droit de porter le pantalon).

Bonne lecture ici !

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Non, ni nous ni l'écriture n'avons besoin d'être incluses. Nous faisons partie, de plein droit, de la population et de la langue française. Comme les gens nés de parents ou de grands-parents immigrés, à qui on ne va pas demander pendant trois siècles de s'intégrer dans un ensemble où ils ont, de plein droit, vu le jour ? Ah si ? On va encore le leur demander ?

L'écriture n'a pas à être inclusive mais révisée pour une vraie mixité. Luttons pour que ce péril mortel voie le jour.