De répondre à une offre d'emploi par une lettre de non-motivation, rien moins...

Chacun de nous a refilé à son comparse un panel d'annonces dans lesquelles puiser toutes les mauvaises raisons de ne pas occuper les emplois proposés, il faut dire qu'ils étaient... bizarres.

Pour ma part, j'avais le choix entre bosser comme conseillère financière (moi !!!) chez BOURBIER & DEDIT, un scélérat qui fait de la défiscalisation immobilière, ou coller des rustines sur des vélos chez ROULENBECANE (à Gimel-les-Cascades) ou encore m'établir comme grutière à 40 mètres de notre bon plancher des vaches, chez la société LAHAUT (comme son nom l'indique) à Pré-sous-la-Fauche, employeur qui a l'avantage de se situer non loin du domicile de la demandeuse d'emploi, mais qui ne me convient pas à cause du vertige. J'ai donc choisi l'univers impitoyable de la finance...

L'annonce de BOURBIER & DEDIT, longue et détaillée, concerne donc un poste de conseiller financier au sein de ce cabinet dont le nom, déjà, incite à la plus extrême prudence. Elle détaille les compétences exigées, qui sont nombreuses et dont les intitulés laissent transparaître, en filigrane, une activité délicate en matière fiscale. Le poste offert l'est sous le régime du mandataire indépendant, ce qui est du pur foutage de gueule. D'où le courrier ci-dessous.

Quant au candidat K, en son domicile des 10fractions, il a concouru à son non-emploi avec le brio et l'énergie auxquelles il nous a accoutumé.e.s. Vous pouvez aller y voir de ce pas comment il ne veut pas cueillir les navets chez Boule D'Or...




Justine TITEGOUTTE
L'Appentis Saucier
52840 GISSUY-SOUS-LA-FAUCHE

à

SAS BOURBIER & DEDIT
Prêts Immobiliers et défiscalisation
Le Village
52110 CIREY-SUR-BLAISE

Monsieur le Directeur,

Le Pôle Emploi départemental vient d’attirer mon attention sur votre offre d’emploi, laquelle semble dater, sauf erreur de ma part, de mars 2016.

Que le prestigieux Cabinet BOURBIER & DEDIT n’ait pas trouvé SON Conseiller Financier depuis presque deux ans, voilà qui ne laisse pas de m’intriguer… En effet, jusque fin 2017, j’étais agent de la DGFIP, bureau C2. C’est ainsi que je m’occupais plus particulièrement de la fiscalité immobilière (revenus du patrimoine, produits de placement, régime des plus-values…). Or, il me semble avoir vu le nom de votre cabinet dans quelques notes préalables, documents qui, comme vous ne l’ignorez sans doute pas, ouvrent ou non sur des enquêtes fiscales poussées, en fonction de notre évaluation. Je crois me rappeler que votre société était florissante.

Certes, un aperçu de votre siège social sur Maps montre une masure à portail rouillé, aux allures de hangar agricole, non loin de l'église de Cirey. Mais il est évident qu'il s'agit d'une façade destinée à ne pas afficher vos luxueux bureaux et la piscine attenante. Je n'ai donc aucune inquiétude quant au lieu de travail et à ses facilités.

En ce qui me concerne, je viens de quitter, après douze années, l’administration fiscale sous le régime de la disponibilité, afin de travailler au moins deux ans dans le privé, plus lucratif en matière de salaire. Auparavant, j’ai été détachée à TracFin immobilier pendant trois ans, chargée de « l’évaluation et de la gestion des risques visant à prévenir et détecter des opérations financières susceptibles d’être liées à des activités de blanchiment des capitaux ». Je suis donc parfaitement informée du contexte général de votre activité.

Il est donc certain que je serais en mesure de réinvestir mes connaissances et compétences, en particulier comme conseillère financière en matière immobilière au sein de votre Cabinet.

Vous demandez à votre futur mandataire "d’instruire les dossiers de financement, de négocier les meilleures conditions de crédits et d’assurances pour restituer" à vos clients les meilleures offres. Je pense être bien placée sur ce type d’activité.

Je pense être également la « femme de réseau » que vous cherchez, "dotée d’une bonne aisance relationnelle, développeuse dans l’âme" et j’aime "repousser les limites de l’excellence de la relation client". D’autre part, j’ai "le sens de l’organisation, de la coordination et de bonnes capacités d’analyse", sans quoi je n’aurais pas occupé le poste de contrôleure qui a été le mien pendant ces dernières années.

Certes, pour reprendre les termes de votre annonce, je souhaite vivement « intégrer une structure experte, être autonome tout en bénéficiant d’un cadre » et m’ investir « sur un secteur d’activité en pleine croissance », ce dont je ne doute pas ! Et bien sûr, « cette aventure humaine et ce challenge professionnel » m’intéressent.

Pourtant, je crains que nous ne puissions tomber d’accord sur les termes de ma rémunération. En effet, comme vous le demandez à votre futur.e salarié.e, je sais "prioriser mes actions". Or, compte tenu de la connaissance intime que j’ai de vos dossiers (en référence avec les notes préalables dont j’ai fait état plus haut), il me semble, plutôt que le statut de mandataire indépendant proposé, qu'il nous faudrait négocier un CDD de salariée à fixe majoritaire, assorti de primes au lieu des commissions en vigueur.

Une base annuelle de 300 K€ avec une prime trimestrielle basée non sur les affaires apportées, mais sur les conseils qui vous permettraient de rester dans la légalité tout en réalisant d’importants chiffres, aurait pu convenir, avec un plancher de 25 % sur gains nets.

Doutant que vos capacités financières vous permettent un tel niveau de rémunération, mais souhaitant rester dans le cadre que m’impose le Pôle Emploi en matière de recherche, j’ai l’honneur de ne pas postuler pour votre poste de Conseiller Financier pour lequel, en son état actuel, je ne ressens aucune, mais alors aucune motivation.

Que cette renonciation d’office ne nous empêche pas de nous rencontrer pour une discussion informelle sur la base des renseignements que je détiens à propos du Cabinet BOURBIER & DEDIT, et qui offriraient matière à conseil de ma part, hors toute relation de subordination bien sûr.

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur,
l'assurance de ma parfaite considération.

Justine Titegoutte, alias