... en l'espèce, politiques et scientifiques acharnés, la main dans la main, à justifier la mise en coupe réglée des ressources terriennes, l'homo economicus n'est ni plus ni moins qu'une mouche à merde boulimique.

Il faut qu'elle bouffe, la mouche à merde. Son appétit est déréglé, elle ne connaît plus la satiété (pas d'appli dans son smartphone pour lui dire : "assez !").

Ce faisant, elle est prisonnière d'un bocal et ne cesse de se cogner stupidement à la paroi de verre, laquelle lui signifie, dans son inertie translucide, qu'il conviendrait de réfléchir au lieu d'essayer de sortir par là où il n'y a pas d'issue. Et que l'issue est ailleurs.

Mais la mouche à merde qu'est le monde économique semble si dépourvue d'intelligence qu'elle ne parvient à intégrer ni la finitude des ressources planétaires, un gâteau excrémentiel qui diminue de volume, ni les carcasses des autres bestioles fumantes à sa surface : mieux, elle s'en nourrit. Et elle refuse, malgré les chocs répétés de son front bas contre l'inexorable paroi de verre, d'envisager la seule solution qui lui permettrait, à elle, à ses congénères et à leurs hypothétiques descendantes, de survivre et de trouver l'issue : manger plus modestement, cesser de croître.

Décroître... Quoi !!! s'écrie la mouche à merde offusquée. Le mot "décroissance" a été frappé, au moment même de son apparition conceptuelle, d'ostracisme définitif et d'obsolescence en même temps. Aujourd'hui, se dire "décroissant" équivaut dans l'esprit du citoyen moyen à retourner à Néanderthal en s'éclairant à la bougie, à voir son espérance de vie dégringoler vers les 30 ans et surtout, horror horribilis, à devoir regarder le monde en face et non dans un écran de 18 cm2. Et y a pas putain de nom de dieu de moyen de lui faire entendre, au citoyen, qu'il se goure ou plutôt, qu'on lui raconte des craques.

La mouche à merde d'homo economicus refuse de voir qu'il serait tout à fait possible de décroître tout en conservant, comme disent les marchands de transports en commun, un "haut niveau de service", de service public. Qui serait d'autant plus haut que les appétits privés et mercantiles seraient jugulés.

Et nous, où nous situer, dans cette métaphore douteuse ? Au milieu. Au milieu du gâteau de caca. Et nous étouffons à la mesure de ce que nous impose la mouche : sa façon de vivre (sur nous), de piller le monde (en nous contraignant à l'alimenter) et aussi, de le penser (à notre place). Nous contribuons à engraisser la mouche, nous bossons pour elle, nous consommons pour elle. Nous ne voyons pas le ciel car la merde nous aveugle. Quant à la mouche, qui nous vole au-dessus de la tête, elle pourrait trouver la sortie du bocal par le haut. Mais non. Elle est trop stupide, ou trop feignante : tant qu'il reste du gâteau je reste, et après moi le déluge.

Toute cette semaine sur France Culture dans l'émission "Cultures monde" (à 11 heures) : "Un monde sous perfusion métallique", ce matin, épisode 1/4 : Terres rares, le nouvel instrument de domination de la Chine

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D'autres nouvelles rafraîchissantes :

Emmanuel Besnier, patron de Lactalis, a vu sa fortune personnelle évoluer de 4 milliards d'euros en 2013 à 11 milliards en 2017. Il se situe au 8e rang des plus grosses fortunes françaises et au 108e rang mondial. A ce stade les chiffres ne veulent plus rien dire, ils ne rendent pas compte de ce qui a causé cette croissance démentielle du profit de M. Besnier, multimilliardaire qui a multiplié sa fortune par 3 en quatre ans : quel niveau industriel de prédation, quelles pressions mafieuses sur ses agriculteurs intégrés ; quels sales coups concurrentiels, quelle malhonnêteté consacrée à contourner la loi, combien d'investissements en lobbying effréné pour enfin ne plus avoir à la contourner puisqu'on l'aura élaborée à sa main ; quelle construction d'un modèle économique pourri, supposent cette fortune colossale ? Nous ne pouvons que l'imaginer.

Et bien sûr je m'abstiendrai d'entrer dans l'affaire des laits contaminés, d'abord parce qu'on a déjà tout dit ou presque sur ce qui est connu de ce scandale (un de plus à ajouter à la liste des crimes capitalistes), ensuite parce que ça mériterait un billet entier, mais pas envie de causer de ce mec qui s'engraisse en empoisonnant les bébés, comme Beulin avait monté sa fortune à l'huile, comme une mayonnaise, en se faisant passer pour un agriculteur et en vendant une daube qui empoisonne tout le monde mais à bas bruit. Quelle armada de malfaiteurs.