« On m’a approché pour être le nouveau juré de "La France a un incroyable talent". Mais ce n’est pas possible de travailler à la fois sur C8 et sur M6. Dommage. J’aurais adoré le faire ! Il faut savoir se détendre. On vit dans un monde où les intellectuels ne sont pas drôles et où les humoristes sont d’une pauvreté intellectuelle crasse. Modestement, je pense pouvoir faire les deux. ».
Yann Moix dans TéléLoisirs, 20Minutes, etc.
Pas drôle et pauvreté intellectuelle crasse, pas de doute, il peut faire les deux. Et pour un essai sur "Gonfler le vide ou l'art de la pneumatique promotionnelle", voir (ou pas, on peut se passer du personnage) notice Wikipédia de Yann Moix.

A partir de ce moins que rien et pour bien faire apprécier les ordres de grandeur, la Taulière a choisi de donner la parole à Etienne Klein :

« (…) Prenez la question du temps. Il y a des systèmes philosophiques très sophistiqués, très élaborés, très élégants, à propos du temps : St-Augustin, Kant, Husserl, Leibniz, Heidegger et beaucoup d'autres. Et donc, on pourrait dire finalement que ces systèmes nous permettent de penser le temps. Mais il y a deux difficultés qui apparaissent : la première, c'est que les philosophes ne sont pas tous d'accord. Donc il faudra faire un choix. En fonction de quels critères ? L'élégance de la proposition, le renom de l'auteur, la cohérence des idées ?

« Et puis, Newton, Einstein et quelques autres ont aussi élaboré des théories qui changent notre façon de comprendre le temps, notamment sa relation avec l'espace et la matière. Alors à un moment, on doit se dire : mais finalement, est-ce que Heidegger ou Kant quand ils parlent du temps parlent de la même chose qu'Einstein ? Oui ou non ? Si la réponse est oui, est-ce qu'ils disent la même chose ? Oui ou non... Si la réponse est non, à qui accorder du crédit ? Et là on tombe sur un domaine qui est justement "l'entre" de la physique et de la philosophie, et on doit se poser la question : qui est légitime à parler du temps ? Est ce qu'on peut se contenter de Heidegger, est-ce qu'on peut se contenter d'Einstein ? Et si on le fait, alors il faut être capable d'expliquer pourquoi on a fait un tel choix. »

(...)

« S'il revenait (Einstein, ndlr), évidemment je lui poserais la question suivante : les ondes gravitationnelles ont été détectées, il les a prédites en 1916, il a toujours pensé qu'elles existaient même s'il a eu des moments d'hésitation, mais il a pensé aussi qu'on ne pourrait jamais les détecter. Donc, qu'est-ce qu'il pense du fait qu'on les a détectées ? Deuxièmement, les ondes qu'on a détectées ont été produites par une fusion de deux trous noirs (...) or Einstein ne croyait pas aux trous noirs. Or la détection des ondes qui a été faite (...), a prouvé non seulement que les trous noirs auxquels il ne croyait pas existent, mais qu'en plus ils sont capables de fusionner. Albert, assieds-toi et dis-nous ce que t'en penses ?

« Mais en fait (...) s'il n'y avait qu'une question, c'est pas celle-là que j'aurais posé. C'est celle dont tout le monde parlait en 1980 quand Alain Aspect et d'autres (...) ont montré que, sur la physique quantique, les prévisions d'Einstein étaient fausses, que la non-séparabilité ça existe vraiment. Et donc, on montre ça à Einstein, qu'est-ce qu'il fait ? Comment il réagit ? Il va tomber de sa chaise ! ».

''Etienne Klein, physicien, professeur à l'Ecole centrale à Paris et directeur du laboratoire de recherche sur les sciences de la matière au CEA (Commissariat de l'Energie Atomique), docteur en philosophie des sciences, spécialiste du temps.''

(Propos retranscrits à partir de sa masterclass enregistrée sur France Culture le 6 juillet 2018).