... Avec le "chapeau" suivant :

NAISSANCE 2014 - LACTIPS - 4,9 M€ de levée de fonds - 30 salariés

L'article tonitrue avec choeurs, orchestre symphonique et cymbalums, sur la naissance de cette "start-up" (le concept le plus tarte de la génération Macron) qui fut lauréate "Grand prix du Jury du concours du Ministère de la Recherche" en 2015 (250 000 euros), du trophée des start-up de la région Auvergne Rhône-Alpes et de diverses autres récompenses cueillies à la BPI, chez Total, n'en jetez plus.

« Potentiel XXL », « constante évolution », « aventure qui prend une tournure "entrepreneuriale" »... Aucun bouquet n'est trop beau pour fleurir cette entreprise qui fabrique du plastoc à base de lait - un plastique, donc, "biosourcé" selon la terminologie enchantée de Lactips.

Le moment est venu de rappeler quelques fondamentaux :

- pour donner du lait, une vache doit accoucher d'un veau, la lactation se produisant selon une programmation hormonale bien connue chez les mammifères ;

- « Pour qu’elles produisent suffisamment de lait, les vaches doivent mettre bas un veau tous les ans, dès l’âge de deux ans. Elles sont en général inséminées artificiellement trois mois après avoir vêlé. » Site de CIWF sur lequel vous trouverez quelques chiffres sur la pauvre et courte vie de ces animaux surexploités, franchement déjà là, en tant que représentante de l'espèce humaine, j'ose plus me regarder dans la glace.

- il y a environ 250 millions de vaches laitières sur la planète, dont 3,6 millions en France (même source). A noter que CIWF ne remet pas en cause l'exploitation du vivant par l'humain, en l'occurrence l'exploitation des vaches pour obtenir les flots de lait dont on ne sait plus que faire ensuite. CIWF prône l'élevage vertueux. On pourrait démonter facilement cette notion de "bon élevage", d'élevage "bio", toutes appellations elles aussi enchantées qui, en introduisant la notion de "bonnes pratiques" évitent surtout de poser la question de l'exploitation des animaux par l'humain.

Conséquences ? :

« Aujourd'hui, on produit trop de lait en Europe. Ça augmente dans tous les pays. À l'EMB (*), à travers notre programme de responsabilisation face au marché (1), nous disons depuis douze ans qu'il faut adapter la production à la demande. Le stock de poudre (dans les entrepôts européens, NDLR), soit quatre milliards de litres de lait, valorisés 12 à 13 centimes, pèse sur les prix à la baisse ». Ouest France du 27/4/2018, rubrique "Economie - Agriculture".

« Le marché intérieur américain n’absorbe plus la croissance de la collecte. Le prix du lait à la ferme dévisse. »
La France Agricole du 20 juin 2018

Il était donc fatal que de petits malins voient tout de suite comment se procurer de la matière première à un coût ridiculement bas (eu égard au pétrole servant de base aux plastiques conventionnels).

Bénéfice collatéral : ce plastique "biosourcé" passe pour très vertueux et la question de base : "avons-nous besoin de davantage de matières plastiques" n'est évidemment pas posée, pas de grossièretés je vous prie.

Que, pour surproduire cette matière, récupérée pour en faire un truc inutile, l'on épuise en deux ans des animaux destinés à vivre de leur bonne vie une vingtaine d'années sans l'intervention humaine ; qu'on extermine à la chaîne des veaux produits d'abord pour faire "lacter" les vaches, que du coup l'industrie bouchère prolifère sur la base de ces pratiques concentrationnaires, hop, coup d'éponge magique, voici le plastique "biosourcé", repeinture en vert d'une production dont le bien-fondé n'est pas interrogé.

"Biosourcé", en français, ça se dit "obtenu par l'exploitation au forcing du vivant".

Le flux de millions d'euros déversé sur Lactips, l'entrée dans son capital de BASF, dont "St-E. Métropole" rappelle naïvement qu'il est le "leader mondial de la chimie" (ce qui nous semble un signal plutôt très alarmant) : tout ça, normal, normal... Et pourquoi donc produire encore du plastoc ? Pour nous le faire bouffer. Vous avez bien lu. Sciez, violons, frappez, tambours !!! La marche du progrès ! Gââârdàvous !!

L'idée en bout de chaîne, timidement abordée dans l'article, c'est que ce plastique étant fait de lait, rien ne s'opposerait, entre autres applications, à ce que nous ingérions nos emballages. Ahem...

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(*) EMB : European Milk Board - Bureau Européen du Lait.

(**) La Taulière se faisait une gageure, depuis quelques billets, de vous raconter quelques histoires d'animaux plutôt courtes et drôles. Un peu raté (à part l'épisode de Jeannot Lapin), mais l'actualité commande.

Et si vous vous demandez pourquoi elle bloque ainsi sur la question animale, eh bien, comment dire : c'est que cette question revêt une urgence un peu obsédante et qu'on n'a peut-être plus le temps de se visser l'index sur la tempe en se disant "Ah, cette Taulière, un peu dans l'exagération, non ?".

Que cette question est liée au réchauffement climatique (production de méthane), au partage des ressources au niveau planétaire donc à la question alimentaire : faut-il bouffer de la bidoche qui surconsomme nos ressources plutôt que des végétaux qui restent dans un cycle acceptable ?

Fallait-il laisser se développer massivement la culture de "biocarburants" avant de songer à nourrir les êtres vivant sur la planète ?

Faut-il continuer à startuper, à innover et à chanter les Héros du Progrès dans un mode quasi stalinien, ou pourrait-on enfin envisager que la décroissance n'est pas un retour à Néandertal une bougie allumée dans le cul, mais la solution, là, à portée de mains, dont seule la stupidité et la cupidité d'un petit nombre, qui malheureusement tient les manettes, empêche la mise en oeuvre ?

Décroissance dont la Taulière rappelle humblement qu'elle est à la portée de chacun.e, individuellement, pour commencer, quoi... Et à propos de cul, vous savez ce qui me le troue, littéralement ? C'est que dans mille ans, s'il y a des survivants, ils se demanderont qu'étaient ces primates ignorants qui les ont précédés et qui sont allés dans le mur en klaxonnant comme des vrais cons, dans un optimisme collectif confinant à la stupidité crasse.

Bref, des questions liées à la survie d'une planète appelée...

Terre...

« D'où ni le temps ni l'espace, que la force te donne du courage
Pour que l'on te donne de la tendresse, durant tout le voyage
Que tu réalises du néant, pendant lequel tu portes
Le nom de ta chair

Terre, Terre
Pour distant que soit le navigateur errant
Qui jamais ne t'oubliera (...) »

Terra, Caetano Veloso, album Muito, 1978