Ouverture

Les images que "propose" (ou impose) Windows lorsque la Taulière "allume" son ordinateur (tous les mots, en ce lundi matin, semblent revêtir des sens multiples ou cocasses impliquant une abondance de guillemets), sont des images fausses, honteusement trafiquées plutôt que simplement "photoshoppées" (tac, encore une paire) : nature grandiose mais dépourvue de la moindre trace humaine, montagnes vides, fleuves charriant une eau faussement cristalline, toundra verdoyante...

Aujourd'hui, c'est une végétation de jungle, de forêt primitive, amazonienne... mais au premier plan de l'image, un "sentier" (décidément...) de planches montées sur pilotis a visiblement été posé là pour éviter aux touristes, dont la horde, certes invisible mais qui semble massée au bord de l'image, off, prête à déferler, le moindre contact avec quelque chose qui pourrait ressembler à du vivant : gluant supposé d'une liane, humidité du sol, éventuels serpents, etc. A compter que la forêt soit bien végétale, et non en matière plastique, ce que pourrait accréditer la couleur verte presque fluo de l'image.

Personnes grosses

Mais personnes, bon sang !

Les personnes grosses sont soit moquées - ouvertement ou dans leur large dos, qui en a vu d'autres - soit regardées avec commisération, soit encore avec un certain dégoût (doublé d'une réprobation morale outrée, qu'on aimerait voir appliquée à d'autres scènes de la rue) lorsque le/la gros.se, d'aventure, se risque à manger un gâteau sur la voie publique.

Soit encore, on leur fait une morale discrète (c'est souvent la posture de proches aimant.e.s) mais dont la discrétion, soyez-en sûr.e, résonne de manière tonnante dans leur estime d'elles-mêmes, laquelle pour ces personnes flirte avec le niveau zéro du liquide au tréfonds d'un Sahel de culpabilité.

En dernière approche, lorsqu'échouent toutes ces tentatives pour faire maigrir le/la gros.se là, sur place, pour dégonfler ce corps offensant la norme, on médicalise le discours, manière de leur envoyer un message positif "y a moyen de s'en sortir, ça se soigne", ou bien de fournir une explication rationnelle et qui sauve la dignité (de qui ?).

Ainsi une amie très chère de la Taulière (et qui le reste, tant il est vrai qu'elle n'a pas eu conscience de dire une énormité ou du moins, n'a pas voulu dire une énormité) lui assène-t-elle, hier, d'un ton méditatif : "mais tu sais que le sucre, maintenant, c'est reconnu que c'est une addiction..."). Jamais personne ne m'avait traitée de camée aussi directement, aussi ingénûment, et bien entendu il s'agissait là, une fois de plus, d'une tentative de médicaliser le "problème de poids".

Juste avant, ayant plus ou moins bafouillé en parlant d'une personne "qui - que - enfin qui a aussi un problème de poids" (admirez le "aussi"), elle s'était fait redresser les dents de devant par la Taulière qui rétorqua, cinglante, qu'il n'y avait pas "un problème de poids" mais une "situation", qui était ce qu'elle était. Bon.

Quant à accueillir la personne grosse dans l'espace public, amical, familial, sans un regard particulier, ou encore (ce qui demanderait, pour le coup, non seulement un très gros effort aux non-gros.se.s, mais carrément une déconstruction quasi impossible de toutes leurs représentations, lesquelles sont ancrées dans leur conscience personnelle ou collective) en considérant que ce corps-là, le corps gros, porte une forme de handicap, c'est pas demain la veille.

Déjà qu'en face de personnes porteuses de handicap le valide ne sait pas sur quel pied danser... Ah la vie est bien dure pour les normaux-normés, on peut pas croire...

Certes, handicap léger (y a bien que ça de léger dans l'histoire), que le poids au regard de bien d'autres, car il n'empêche pas de marcher (plus lentement toutefois qu'un nonagénaire entravé et de manière non gracieuse, mais enfin, ça se déplace), de nager (en occupant une pleine largeur de couloir et à condition d'avoir trouvé une tenue de bain seyante, ce qui relève d'un exploit que seule peut-être, la NASA...), voire de courir (mais il faudrait un coaching individuel et médicalement vigilant)...

Ce handicap n'empêche ni de voir, ni d'entendre (parfois hélas) ; ni de sentir (à propos, les personnes grosses sont particulièrement sensibles à leurs odeurs corporelles, étant donné d'une part la réputation de "puer" qui leur est volontiers faite, d'autre part en raison d'une réalité anatomique et physiologique demandant des soins de toilette très attentifs, entre autres dans les plis).

Le poids n'intervient pas dans l'acte d'écrire, de dessiner, de peindre, de faire de la musique. Peut-être la sculpture doit-elle être regardée comme une activité à risque, surtout s'il s'agit de dégrossir (ha ha) de très hauts blocs de matière.

Mais handicap, indéniablement, dans beaucoup de situations quotidiennes que la personne grosse taira, par pudeur et par crainte de se voir aussitôt opposer le discours habituel (moral, médical, bienveillant-masquant-une-légère-réprobation, etc.).

Alors qu'il serait simple de regarder la personne grosse comme une PERSONNE. Certes porteuse de ce léger handicap (qui peut, au-delà d'un certain poids ou masse, devenir, lui aussi, lourd) mais qui vit avec et s'en arrange, depuis le moment où elle ouvre l'oeil jusqu'à celui où elle s'effondre sur un lit dont le pronostic de vie, comme celui de son occupant.e, est quelque peu obéré.

Qu'il serait tellement simple, tout bonnement, de lui faciliter la vie par de tous petits gestes d'aide sans insistance, comme on pourrait prendre très subtilement le coude d'un.e non-voyant.e pour la remettre dans son chemin : proposer une "bonne" chaise plutôt qu'un pouf ou un canapé bas dont un corps gros ne pourra s'extraire sans aide. De lui céder le siège avant droit de la voiture (c'est tout bénéfice pour les autres passagers, puisque c'est, paraît-il, la place du mort), le bout de la table plutôt que l'insertion dans un espace où la personne grosse ne pourra qu'à peine bouger. Ad libitum.

Ce ne sont là que quelques remarques liminaires à un sujet qui mériterait un "gros" ouvrage. Comme il a peu de chances d'être lu, arrêtons-nous là.

Provisoirement dédié à une proche qui asséna, voici peu, à la Taulière cette forte et simplissime sentence : "ce qui est sûr c'est que quand on mange pas, on maigrit".

Chrono-Rimbaud

Il nous semble bien avoir entendu Alain Baraton, hier matin 11 novembre, sur France-Inter, citer le "Dormeur du val" dans son frais cresson bleu comme ayant été écrit par Rimbaud à l'occasion de la "grande guerre" (eh oui, c'est la fête aux guillemets ce matin).

Pour un type né en 1854, dont la carrière littéraire et poétique s'est, de notoriété publique, arrêtée net en 1873 puisqu'on ne connaît aucun écrit du bel Arthur postérieur à cette date (hormis peut-être quelques factures établies à Harar) et qui décéda en 1891, c'est très fort.

On n'en voudra pas à Baraton, dont l'expertise est par ailleurs reconnue pour ce qui concerne les végétaux.