Felwine Sarr, écrivain et universitaire sénégalais, co-auteur du rapport sur la restitution des œuvres d'art aux pays d'Afrique subsaharienne qui doit être remis vendredi 23 novembre au président de la République.

Frédéric Mitterrand, ancien ministre de la Culture du gouvernement Fillon.

Bénédicte Savoy, historienne de l'art, titulaire de la chaire “Histoire culturelle du patrimoine artistique en Europe, XVIIIᵉ-XXᵉ siècles” au Collège de France, co-auteure du rapport en question et dont Le Monde dit en janvier dernier sous la signature d'Erick Cakpo que son travail donne les moyens d’approcher, voire d’interroger le point de vue de chacune des parties engagées.

La Taulière, citoyenne lambda, devant son thé matinal.

Ca ronronne depuis que Fredo-la-doublure-de-veste nous berce de paroles aussi vides qu'emphatiques, assaisonnant ses débuts de phrases de "moi je pense" et autres "mon avis à moi sur la question". C'est du sans surprise, du mec-qui-se-raconte sans pudeur, pris par la jouissance de parler sur France Culture. La Taulière se met en dispo et continue sa lecture (Edouard Glissant, Le Discours antillais, Seuil 1981). Lecture très lâche d'ailleurs, comme sont lâches les mailles de sa compréhension, sa méconnaissance de la Martinique, du fait créole et de l'histoire des langues, phénomènes et concepts dans lesquels Glissant se meut avec sa facilité d'universitaire et sa langue fourmillante de poète. C'est pas facile facile, d'où la lecture sur le mode "on fait c'qu'on peut", mais enfin ça n'en capte pas moins l'attention et la curiosité, au point que le Mitterrand qui jase, là, s'efface vers les lointains...

Quand soudain, un parler extraordinairement rythmé, martelé, dans lequel au premier abord on ne reconnaît pas la langue française, se fait entendre dans le poste. Felwine Sarr a pris la parole sur ce sujet - dont on ne voit même pas pourquoi il ferait polémique - de la restitution des oeuvres pillées par les pays colonialistes aux pays victimes des vols. Il parle des musées africains, de l'intérêt des populations pour leur histoire, etc.

Il faut quelques instants pour comprendre l'accentuation percussive du parler de Sarr, d'autant plus qu'il a un débit de mitraillette. Cet effort au demeurant minime (l'autre difficulté tenant, en fait, à l'insidieuse sourderie qui gagne l'appareil auditif de la Taulière, à son grand dam ou à sa résignation, suivant les jours) est rapidement récompensé par la musique de la langue ainsi rythmée. C'est peu dire qu'il y a, à ce moment précis, écho et même intrication entre la lecture et l'écoute de la radio, puisqu'ici l'on écrit de langue et de culture volées, et que là on parle de la même chose.

Mais ce qui fait dresser l'oreille, pour le coup soudain aiguisée, de la Taulière (et monter le volume) c'est l'affirmation perfide, par ce grnnnscrgnnnn... de Mitterrand, que restituer c'est bien beau mais enfin si c'est pour que ça soit déposé dans des musées... Et là, description apocalyptique de musées pillés, mal entretenus, détruits, de collections dispersées et vendues aux enchères... L'intervention est si méprisante, elle est balancée depuis des certitudes si glauques, post-coloniales pleines de rancoeur, qu'on reste un instant coi.

Il y a comme un silence épais dans le studio, puis Sarr prend tranquillement la parole pour remarquer que le dernier pillage dont il a entendu parler c'est le vol du coeur d'Anne de Bretagne dans un musée nantais. Il prend ensuite la peine de faire un peu de pédagogie sur le sujet, d'expliquer aussi que les oeuvres ne vont pas seulement dans les musées mais dans des espaces publics tels qu'écoles, etc. Bref, il décrit une situation culturelle classique, avec des enjeux classiques, et surtout, il décrit une situation actuelle.

Croyez-vous que l'autre guignol, là, va la fermer, sa petite gueule rance ? Que non. Il renchérit, remet ça de manière encore plus fielleuse, que bon si c'est comme ça tant mieux, il s'en réjouit, mais enfin il parle de son expérience à lui personnelle qu'il a vécue et tutti quanti.

Quelle humiliation que ce matin-là, sur une de nos meilleures radios de service public, face à un invité qui, en tant qu'intellectuel sénégalais et co-auteur du rapport sur la restitution, doit en savoir un peu plus que lui sur la question, la position française (1) soit illustrée par ce has been mondain de Mitterrand qui n'a eu de cesse, sa vie durant, de piller lui-même les ors et les honneurs, à commencer par son patronyme pour en jouer, en faire du tricot médiatique, en bramer à tous les échos combien il avait été maltraité, patronyme qu'il a mis en avant à tour de bras pour s'inscrire dans sa notoriété enviée, enfin par ce ministre d'un nabot qui pensait que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire"... (Il faut d'ailleurs lire l'intégralité du discours de Dakar pour bien se pénétrer de la posture post-coloniale, qui n'est qu'une pensée coloniale remise au goût du jour, des gens qui étaient aux manettes en 2007).

Que personne, dans le studio, n'ait claqué la gueule à cette intervention honteuse d'un type qui n'a peut-être mis les pieds en Afrique qu'une ou deux fois pendant son ministère (et n'en a sans doute vu que ce qu'on aperçoit par la vitre d'une limousine climatisée), qui a retourné sa veste plus qu'il n'est permis de compter, d'un pédophile non assumé qui s'auto-absout, dans un de ses bouquins, de sa dilection pour le tourisme sexuel (une forme de pillage et de destruction du vivant qui devrait lui imposer le silence médiatique, à tout le moins), et qui se permet, du haut de son incompétence, de généraliser un jugement d'après des anecdotes invérifiables, même si on peut le créditer d'avoir été à l'origine de quelques restitutions pendant son ministère, bref : un bavard imbu de lui, de son patriotardisme et de sa KULTUR...

Quoi qu'il en soit, Felwine Sarr est resté bien poli, bien élégant, avec ce ruffian. De l'avis de la Taulière, il a eu tort. Il y a des gens avec lesquels il ne faut pas prendre de gants.

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(1) Position qui a été défendue de manière nettement plus honorable en juin 2018 sur cette même tranche matinale de France Culture, par Audrey Azoulay, directrice générale de l'UNESCO.