Version K. :
« À supposer qu’on me demande ici quel est le spectacle du monde qui serait capable de me plonger un temps dans une méditation calme et substantielle, il me faudrait choisir, « LE » étant restrictif, il y en a et il y en aurait plus d’un, cela pourrait être différent selon les moments et les circonstances, ce qui en soi constitue une note positive, très encourageante, gorgée d’optimisme et peut-être même d’un soupçon de sérénité, sur lequel je vous laisserais bien méditer, substantiellement bien sûr, je poursuivrais en ajoutant que le spectacle du monde est en quelque sorte permanent, à portée, toujours, c’est mon côté contemplatif qui m’amène régulièrement à observer ce qui me tombe sous les yeux, sans à priori, pour extraire ou dénicher quelques fragments ou pépites, d’un œil toujours neuf, curieux et quasiment – mais n’exagérons pas – innocent, j’avoue apprécier l’image du petit enfant marchant soutenu guidé par un de ses parents d’une main et qui, lâchant ce soutien, se lance soudain à la conquête de l’autonomie, sorte de petit bonhomme de chemin, spectacle de l’humanité qui va … et s’il me fallait aller du côté de Dame Nature je pencherais sérieusement tous clichés assumés pour l’océan, à la fois indomptable, sauvage, fuyant mais remuant, toujours là -presque familier- qui vient taper et jaillir sur les rochers, hautement spectaculaire et hallucinogène, avec ses reflets changeants et bourdonnants, ses couleurs sémillantes d’un Monet liquide quand ça gicle et éclabousse, comme un appel à le rejoindre, avec des vagues Hokusai toujours jamais finies, des lames étincelantes, couteaux aquatiques salés, en un spectacle d’une beauté à couper le souffle du vent que je recommanderais à qui sait bien regarder et prendre la peine de s’arrêter -surtout s’il a marché jusque là-, et de rester un moment happé à observer, en une apparente immobilité intérieure rêveuse bouillonnante, apparent trou noir d’émotions, qui laisserait comme suspendu provisoirement de soi, comme dessaisi par le temps qui se déplie et se replie en toute minéralité en une immensité déchaînée de particules… »
Mr K, 31 décembre 2018 / 1er janvier 2019
Blog Diffractions, dont je ne saurais trop recommander une énième fois la lecture, et en particulier un de ses à supposer que j'ai vraiment adoré et par lequel vous pouvez faire le détour.
Amusoire
(par la Taulière)
« A supposer qu'on me propose de partir sur l'instant... eh bien ça dépendrait de qui me le propose, en quels termes, avec quelle main cachée dans son dos pour dissimuler quelle vilenie : par exemple, si je m'appelais Napoléon et que le type en face, avec un fort accent britannique, me propose une croisière en Méditerranée avec départ immédiat et me tende les deux poings fermés, avec dans l'un le petit papier marqué "Elbe" et dans l'autre, "Corfou" ; ou bien si, lingère à Paris en 1914, j'avais commis l'erreur de me fiancer à un certain Henri Désiré L. et que celui-ci m'avance un fiacre pour une balade en forêt de Rambouillet et un goûter champêtre au feu de bois à Gambais (Yvelines) après m'avoir fait signer une procuration à laquelle je n'aurais rien compris ; ou encore, si d'aventure je m'étais appelée Hélène et qu'un berger, même bien roulé, me proposât une escapade à Cythère ou à Troie, peu importe, en me promettant de me ramener chez mon mari le soir-même, enfin, vous voyez que bien des destinations ne sont que des pièges, ainsi même aujourd'hui si Elon Musk cherchait des volontaires là tout de suite pour embarquer sur Mars même avec un billet gratoche, et bien qu'Elon Musk se flatte de vous faire arriver à Cap Kennedy dans le même instant que celui où vous partez de chez vous grâce à l'Hyper-Loop, moi je me méfierais de ces tubes étanches dans lesquels on vous fourre comme un vulgaire message dans un circuit pneumatique ou comme un suppositoire dans un autre genre de tube sur lequel je ne m'étendrai pas, bref : à supposer que l'on me propose de partir sur l'instant, oui, je crois que j'y regarderais à deux fois car ce n'est pas tant de partir "sur l'instant" qui m'intéresserait, mais d'où, pour aller où, avec qui et pourquoi faire, voyez-vous. »
Z'êtes pas du genre facile la Taulière. Du genre qui s'embarque pas à la légère.
A supposer qu'on puisse vous convaincre sur le "d'où-pour aller où-avec qui-pourquoi" je suis sûre que vous chercheriez encore à savoir "quand" "comment" et "comment bien de temps" :-)
C'est pour ça qu'on vous aime et aussi parce que vous vous êtes quand même embarquée pour les pyramides ! Je viens de me faire un petit florilège (le courrier des boîtes à lettres, les interviews et portraits croisés, le miroir, Sartrus, les lettres de non-motivation, l'élection présidentielle, et autres folles suppositions) toutes preuves (s'il en fallait) que vous avez atteint des sommets et que ni vous, ni K ne manquez pas de toupet et de talent quand il s'agit d'aventure ...
Tout y est, "Amusoire" une quintessence de Taulière, l'humour avec ce cher Landru, dont on ne parle pas assez je trouve, et la lente montée en spirale dans la stratosphère absurde de notre monde merveilleux!
Merci !
@ vous deux, blog-potes !
Vrai, que serait l'Appentis sans vous ? Une masure abandonnée... (j'essaie de faire pleurer dans les chaumières).
Merci de vos passages et de vos commentaires qui mettent la pêche !
Spécial K : oui, Landru, c'est le gars qui était pour la femme au foyer...
Spécial Espiguette : ah les voyages et la Taulière, s'pas...! Heureusement qu'y en a qui voyagent pour deux :))
Vous n'avez pas froid aux yeux, M. K, ; quant à Mme T, l'illusoire n'a aucun poids sur elle...
La méditation m'a essoufflée -- moi qui la pensais basée sur le souffle...
La méfiance de la Taulière m'a parue raisonnable, et l’absence de point ne pas empêchée de le retrouver, le souffle, bien nécessaire pour rigoler.
@gballand : c'est sur que les Duos n'ont jamais eu froid ni aux yeux, ni aux illusions :)
Merci du passage et au plaisir !
@SPL : merci ! Contente de t'avoir amusée un brin et au plaisir de notre prochaine revoyure !